Avant-propos de Yann Arthus-Bertrand
Il ne faut pas croire que la science seule pourra tout résoudre. C’est collectivement que nous sauverons notre planète. Prenons conscience que c’est à chacun d’entre nous d’agir dès maintenant dans nos façons de vivre, dans nos métiers, dans nos villes, dans nos campagnes. Donnons un sens à nos actions quotidiennes. Il en est temps.
La Convention des Nations Unies sur le Climat a quinze ans, le Protocole de Kyoto dix ans déjà. D’un côté, on sait que ce sera insuffisant pour échapper aux conséquences des changements climatiques. De l’autre, on a trop longtemps douté de la réalité du réchauffement climatique. C’est pour cela que j’ai soutenu la diffusion du film d’Al Gore Une Vérité qui dérange, en obtenant qu’il soit projeté à Paris devant les parlementaires français en présence de l’ancien vice-président américain, considérant que nos politiques étaient à la traîne.
Feuillages d’automne dans la province de Neuquén, Argentine (40°55′ S – 71°37′ O).
Au sud de la province de Neuquén, les Andes sont surnommées la « Suisse argentine » pour leurs paysages rappelant les Alpes. Cette forêt tempérée, unique en Amérique latine, s’étend plus particulièrement sur le Chili voisin. Enchâssée entre le désert d’Atacama au nord et la pampa à l’est, bordée par l’océan à l’ouest, c’est une île végétale qui présente un endémisme exceptionnel : près de 90 % des espèces de plantes qu’on y trouve ne poussent nulle part ailleurs. À la diversité des essences s’ajoute la beauté des compositions automnales, où le rouge flamboyant des hêtres tranche avec le vert sombre des résineux. Mais les deux pays du cône américain ont déjà perdu près de la moitié de ces boisements. En Argentine, la forêt naturelle est souvent remplacée par des monocultures de pin ou d’eucalyptus. Fortement appauvries sur le plan biologique, les forêts plantées sont alors plus fragiles aux maladies et autres perturbations. Dans certains pays, ce type de sylviculture contribue néanmoins à freiner la déforestation sauvage, et également à protéger les sols de l’érosion.
J’ai salué les conclusions du rapport de l’économiste Nicholas Stern qui montrent que lutter contre le réchauffement climatique coûtera beaucoup moins cher que le réchauffement climatique lui-même. Puis, il y a eu en février 2007 la publication du quatrième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dont les conclusions sont univoques. Non seulement, nous ne pouvons plus nous permettre de douter de la réalité du changement climatique mais nous avons peut-être moins de dix ans si nous voulons échapper aux conséquences les plus dramatiques. Face au jugement de l’histoire, nous ne pouvons condamner les générations futures mais aussi nous-mêmes désormais à vivre sur une planète chaude, sèche, inondée, affamée…
La première fois que j’ai entendu parler de développement durable – c’était en 1992 -, il m’a semblé alors que c’était une notion abstraite, absente du terrain et très éloignée de mes préoccupations immédiates. Aujourd’hui, je sais que cette expression porte en elle un véritable humanisme, que nous sommes nombreux à nous rejoindre sur ce projet de changement et que les solutions existent. La recherche peut nous aider à déterminer ce qui est possible, techniquement, économiquement, socialement. C’est notamment le rôle des ingénieurs que vous êtes. C’est un formidable défi à relever. Et je suis heureux de pouvoir apporter ma vision de photographe aux articles de ce numéro de La Jaune et La Rouge.
Pour autant il ne faut pas croire que la science seule pourra tout résoudre. C’est collectivement que nous sauverons notre planète. Prenons conscience que c’est à chacun d’entre nous d’agir dès maintenant dans nos façons de vivre, dans nos métiers, dans nos villes, dans nos campagnes. Donnons un sens à nos actions quotidiennes. Il en est temps.
www.yannarthusbertrand.com
www.goodplanet.org
www.actioncarbone.org