AVANT-PROPOS : le conseil indépendant, un métier en devenir
Les métiers du conseil changent. Les consultants repensent leur propre métier. Ce numéro en propose une vision nouvelle, à travers sept témoignages de consultants indépendants, présentés ci-dessous.
» Les consultants sont des parasites !… Nos sociétés développées recyclent bien trop de richesses sous forme de services, on ne reconnaît plus la valeur de ceux qui produisent des matériaux, construisent des ouvrages, réalisent des objets !… Après avoir expérimenté toutes sortes de consultants, nous sommes définitivement vaccinés ! » Propos véridiques prononcés récemment par des dirigeants de qualité. Le conseil n’a pas bonne presse et pourtant il prospère. Après les grandes remises en cause de 2001 et 2002, il se développe même à un rythme soutenu. Les coupes sombres dans les effectifs et dans les prestations de conseil ont montré leurs limites et les dirigeants sont obligés de reconnaître la valeur de certaines contributions extérieures : ils sont simplement plus exigeants et plus professionnels dans la formulation du cahier des charges, la sélection des offres, l’exigence de résultats, la maîtrise des coûts.
Bref, les métiers du conseil changent, les consultants ne peuvent plus se satisfaire de remettre en cause les pratiques de leurs clients, ils sont obligés de repenser leur propre métier.
Les articles présentés dans ce numéro consacré au conseil décrivent tous l’expérience de consultants indépendants qui ont été conduits, pour des raisons diverses, à créer leur micro-entreprise. Face aux grandes sociétés de conseil, et dans le nouveau paysage qui se dessine, le consultant indépendant a toute sa place et cela tient à quelques-unes de ses spécificités.
Il a acquis, après une formation de haut niveau, au cours de sa vie professionnelle en entreprise, une expérience et une expertise reconnues dans son domaine. Souvent il a exercé des responsabilités à des postes élevés, il sait agir efficacement et être un homme de décision. Il s’est également constitué un réseau de professionnels de qualité, avec lesquels il a eu l’habitude de travailler.
Construire sa réussite
P. Gillier et D. Fauconnier proposent dans leur article « Deux parcours, une vision différenciée de l’indépendant », une réflexion à deux voix sur les parcours, les évolutions, les aléas du métier en mettant très finement en valeur l’idée que c’est à chaque consultant de construire sa réussite en fonction de son expérience, de ce qu’il est et de son secteur d’activité.
Savoir agir
Le consultant indépendant a la compétence technique, les capacités d’analyse, une forte réactivité, le sens et le goût d’une relation humaine personnalisée. Il sait interroger ses certitudes, se remettre en cause, faire preuve de créativité. P. Poulin, dans son article « Manager en leader : choisir ses représentations, rêver ses objectifs, développer son attention », explique clairement les bénéfices d’une telle attitude, dans la conduite d’une mission apparemment impossible. Il met au service de ses clients ses qualités essentielles : une pensée vive au service d’une grande capacité à agir.
Comprendre son client
Parce qu’il est en contact direct avec son client, il est à même d’établir une relation de confiance, personnalisée, directe et suivie avec lui, atout pour une collaboration de qualité. Il sait être à son écoute, comprendre sa demande et s’y adapter, lui proposer des solutions ciblées et non des produits tout faits. Sa caractéristique est le sur-mesure, une réponse spécifique à une demande spécifique, entendue et comprise : un véritable artisan d’une solution industrielle et chacune des expériences relatées ici en témoigne. Il ne se substitue pas à son client mais, en l’aidant à mettre au jour les freins et les potentialités parfois insoupçonnées de son entreprise, il lui permet de s’approprier les outils pour prendre les bonnes décisions qui vont faire progresser son activité. J.-F. Prat en donne une illustration éclairante dans son article « Le dirigeant consulte, le consultant ne dirige pas ». De surcroît, il peut agir rapidement et ainsi répondre à l’urgence de la demande.
Rassembler des experts
En cas de besoin, il a les moyens de travailler en réseau. Ainsi, X‑Mines-Consult rassemble des experts dans des domaines très variés qui se connaissent, s’apprécient, se font confiance et peuvent intervenir conjointement pour résoudre efficacement le problème posé par leurs clients. Des missions d’importance sont alors possibles, même si pour les plus grandes missions internationales les capacités des grands groupes ne peuvent être égalées. Même dans ce cas cependant, le consultant indépendant peut alors jouer un rôle d’assistance non négligeable, comme le démontre l’article de D. Dornbusch, « Le réseau, nouvelle approche du conseil en innovation ».
Partager les risques
Le conseil en innovation met en synergie des acteurs différents, n’ayant pas forcément l’habitude de travailler ensemble. F. Iégy, lui, est un habitué du travail en réseau. Dans son article, « Le conseil individuel et son réseau, une entreprise de demain, le plaisir en plus », il insiste sur « les fertilisations croisées », la flexibilité, le risque partagé.
Épauler les grands
A. Fédon et Robert Cantin dans leur article « Le conseiller indépendant, un complément efficace » vont encore plus loin dans cette démarche en montrant que l’intervention d’un consultant indépendant auprès de grands groupes est non seulement une valeur ajoutée reconnue et appréciée mais est aussi l’avenir de la consultance pour petits et grands cabinets, chacun intervenant sur des points spécifiques et stratégiques des projets.
Réagir vite
Enfin, J.-N. Lefebvre analyse dans un tableau très clair les avantages et les inconvénients des petits et des grands cabinets, après avoir relaté une expérience de collaboration avec un grand cabinet, dans son article « Grande mission pour petit cabinet ».
Que ce soit par nécessité ou par choix délibéré, l’indépendant se concentre sur ce qu’il a envie de faire, sur ce qu’il sait faire : il est autonome pour savoir où et comment se diriger ; son approche commerciale ne fait pas appel au dernier cri du marketing, et il n’a pas toujours la réputation d’un cabinet établi, mais il croit à la valeur de ce qu’il propose et réalise. Il se réalise lui-même dans l’exercice de son métier. Il prend soin d’écouter son client et si celui-ci veille à formuler son besoin et à vérifier la pertinence des réponses, l’expérience montre que les résultats sont assurés, avec en plus le plaisir du travail bien fait de part et d’autre.
Les témoignages présentés ici ne donnent évidemment qu’une image partielle de la réalité, mais ils sont autant de parcours humains et professionnels, qui mettent en évidence les spécificités du travail du consultant indépendant, interlocuteur indispensable dans les situations critiques car à la fois homme de réflexion et d’action. Sa pensée nourrit son action et en retour s’en nourrit.