Bachelor de l’X (saison 3 : suite et… confinement !)
Nous les avons suivis avec vous depuis trois ans. Ce sont les pionniers du nouveau programme « bachelors » de l’X. De leurs premiers pas un peu timides sur le Platâl (JR n° 728 – octobre 2017) à leur statut de platâliens aguerris en deuxième année (JR n° 739 – novembre 2018), et maintenant leur sortie toute proche du programme, nous vous avons fait partager leurs découvertes, leurs rêves et leurs ambitions, parfois aussi un peu leurs craintes. Nous retrouvons aujourd’hui deux d’entre eux, Agathe et Jules, dans des circonstances qu’aucun n’aurait imaginées : confinés, mais toujours au travail !
JR : Tout d’abord, Agathe et Jules, comment allez-vous et comment ce confinement se présente-t-il pour vous ?
Agathe : Tout va bien. Je suis confinée dans notre maison de campagne en Normandie.
Jules : Pour ma part, je suis resté sur le campus de l’X. Je n’avais sinon qu’une petite chambre chez mes parents et donc ici ce n’est pas plus mal : on peut aller courir une heure sur le campus, et on peut se retrouver de temps en temps avec des camarades pour travailler ensemble et s’entraider. C’est appréciable !
Agathe : En effet, c’est quelque chose qui me manque confinée ici : c’est plus difficile de contacter des camarades pour s’aider sur des sujets difficiles.
JR : Comment se passent vos cours ?
Agathe : C’est un peu particulier. En fait, nous étions en thèse de bachelor jusqu’ici, et nous devions justement reprendre les cours quand le confinement est arrivé. Du coup, ces cours ont bien commencé, mais en ligne par Zoom, il y a juste une semaine. On reçoit tous nos documents via Internet. Ça se passe plutôt bien, vu le peu de temps que l’École et les profs ont eu pour se préparer à ce nouveau mode de fonctionnement. On reçoit des documents PDF, mais aussi des cours en slides avec des vidéos des profs qui expliquent les slides, et on a aussi des cours en interactif sur Zoom, où on peut se retrouver en petits groupes de 5 ou 6 étudiants avec une bonne interaction avec les professeurs. Pour eux aussi, c’est très nouveau : ils n’ont jamais enseigné comme ça. Mais ils s’y sont vraiment bien mis, et ils sont très demandeurs de nos idées et de nos suggestions pour améliorer le système. Au départ, c’était un peu difficile, car nous avions beaucoup à faire pour préparer les cours, plus le travail personnel ensuite ; en plus avec des étudiants qui étaient pour certains isolés, loin de chez eux… c’était vraiment lourd, mais l’École a ensuite réduit la charge de travail, et ça commence à aller mieux.
JR : Tous les étudiants ont-ils tous réussi à se raccrocher, ou certains ont-ils été perdus au passage ?
Jules : Globalement, ça va. Certains étudiants sont rentrés chez eux, en Corée du Sud pour certains, mais cela pose alors des problèmes de décalage horaire pour les cours. Pour eux, les cours sont enregistrés. Sur le campus, on doit être une centaine de personnes du bachelor à être restés, surtout des première et troisième années. Nous avons notre groupe WhatsApp.
JR : Comment se passe la vie quotidienne sur le campus ?
Jules : Sur le campus, il n’y a plus rien. Heureusement, nous avons accès aux cuisines d’étage de nos bâtiments, et il y a le Franprix qui est ouvert à coté de Normale Sup-Paris Saclay. J’ai des amis qui ont une voiture et qui vont faire de temps en temps une grosse tournée de courses à Villebon, pour tout un groupe. Je consomme beaucoup de conserves, mais ça va…
JR : Et la fin de votre programme, les examens, comment cela va-t-il se passer ?
Agathe : En fait, on n’en sait encore rien. Les cours devaient se terminer le 20 juin, mais avec l’annonce d’un confinement jusqu’au 11 mai (au moins), on ne sait pas du tout comment va se passer notre fin de scolarité. Certains professeurs ont annoncé qu’ils fonctionneraient par projets en groupes, mais on n’en sait pas plus.
JR : Sur quoi vos thèses portaient-elles ? Comment les avez-vous choisies ?
Agathe : Le sujet de thèse est en lien avec ma majeure choisie en 2e année : pour moi, c’était maths et informatique. J’ai travaillé avec un médecin dans un labo de l’X, encadré par un de mes profs de 2e année, sur un sujet associant informatique (ma majeure) et médecine, et plus particulièrement sur le sommeil et ce qui se passe dans le cerveau en relation avec le sommeil ou l’insomnie. C’était passionnant !
Jules : De mon côté, j’ai fait une thèse interdisciplinaire en économie et informatique, un peu aussi sur un sujet médical puisqu’il s’agissait de travailler sur l’optimisation des algorithmes pour gérer les dons de reins en France. C’était à moitié avec l’X et à moitié avec l’École d’économie de Paris (EHESS-ENS). Moi aussi, j’ai adoré ! En fait, ce n’était pas vraiment un sujet de médecine : c’est plutôt un problème de logistique et d’allocation. J’avais déjà travaillé sur un sujet un peu semblable, mais cette fois avec des publicités sur Internet, à l’ENS-Cachan. J’avais envie de continuer à travailler sur ça, parce que c’est vraiment un sujet à la croisée des mathématiques et de l’économie. On a été très soutenus par les équipes de recherche de l’X, comme celle du Crest. Dès le premier jour, tout le monde a été très attentif, ils nous ont vraiment aidés.
Agathe : Nous avons eu beaucoup de chance de faire nos thèses à l’X, car j’ai l’impression que ceux qui sont partis ailleurs ont parfois eu plus de mal à ne pas être cantonnés à des tâches plutôt d’assistant, tandis qu’ici les gens ont vraiment eu à cœur de nous faire progresser en nous associant vraiment à leur recherche.
JR : Et maintenant, avez-vous une meilleure idée de ce que vous voulez faire après ce bachelor ?
Agathe : C’est la grande question du moment ! De mon côté, les réponses des universités où j’ai candidaté commencent à arriver. Je voudrais poursuivre dans le machine learning, soit à l’EPFL soit en Angleterre. Le problème, c’est qu’on est souvent accepté sous réserve des notes du dernier semestre, et là, on ne sait du tout comment cela va se passer…
Jules : Moi, je continue à vouloir faire de l’économie. J’ai présenté mes dossiers pour des masters en France et j’espère avoir des réponses bientôt.
JR : Vous êtes la première promotion qui sort de ce bachelor de l’École polytechnique. Comment ce diplôme est-il reçu à l’extérieur ?
Agathe : Pour l’instant, tous les retours qu’on a des uns et des autres sont très positifs : notre diplôme est très bien reçu dans les plus grandes écoles du monde, que ce soit à Stanford, à Cambridge, etc., ce bachelor a fait son effet ! Notre profil intéresse.
Jules : Nous sommes très bien reçus aussi parce que nous avons eu une très bonne exposition à la recherche comme à l’industrie. J’ai fait les deux, et je me rends compte de la grande valeur de notre formation parce que nous avons une très grosse culture générale scientifique. On a des connaissances dans de nombreuses matières, on est capables d’apprendre rapidement, et d’être très adaptables. C’est un plus énorme. On a passé beaucoup de temps à faire des projets de recherche appliquée, ce qui fait qu’on a une bonne capacité à appliquer nos savoirs théoriques à des projets concrets.
JR : Selon vous, quel est le point fort de ce bachelor ?
Agathe : Une énorme valeur ajoutée est d’avoir eu des maths vraiment poussées. Dans mes périodes d’échanges, j’ai vu que, par exemple pour moi en informatique, cela fait une grande différence avec des étudiants qui ont des bases en maths moins solides : on ne se contente pas d’appliquer un théorème d’informatique, mais on sait « pourquoi ça marche », et cela fait notre valeur.
Jules : J’ai pu voir quand j’étais à Berkeley que je prenais des cours d’économie de master. Les étudiants américains étaient très forts sur de nombreux points, mais le fait d’avoir cette base pluridisciplinaire très solide, et d’avoir été exposé tout au long du cursus à des choses très avancées dans tous les domaines de recherche donne un grand avantage.
Agathe : J’ai beaucoup aimé aussi le tronc commun en première année, où on fait un peu de tout. Par exemple, moi, je n’aurais jamais imaginé faire de l’informatique quand j’étais au lycée, et c’est pour une raison très simple : c’est qu’on ne fait pas d’info au lycée. Le tronc commun à l’X permet de faire un vrai choix, à la différence d’autres formations, comme à l’EPFL ou en Angleterre, où on doit choisir sa spécialité dès la première année.
Jules : Pareil pour moi, en arrivant, je pensais faire de la physique. Et puis, le cours d’électromagnétisme m’a vite fait comprendre que ce n’était pas pour moi, et j’ai adoré faire de l’économie.
JR : Que vous ont apporté vos échanges à l’étranger ?
Jules : Cela se passe au premier semestre de 3e année. Je suis parti à Berkeley, mais beaucoup d’autres sont allés à Georgia Tech, à Toronto, ou à Hong Kong…
Agathe : Je suis allée au Danemark. Un petit tiers de la promo a préféré rester ici, soit pour des raisons financières, soit parce qu’ils préféraient continuer à se préparer dans l’optique de rester en France. Mais partir à l’étranger permet de voir autre chose et de se comparer à d’autres : c’est très formateur. On se rend compte qu’il n’y a aucun autre endroit qu’ici à l’X où on peut faire autant de matières à ce haut niveau en même temps.
JR : Qu’avez-vous retenu de l’ambiance globale, de vos rapports avec les étudiants du cycle ingénieur ?
Agathe : Au début, c’était un peu compliqué, nous étions des nouveaux venus, un peu des intrus… pas vraiment les bienvenus ! Et puis, au fil des promos, cela s’est bien arrangé : les élèves polytechniciens ont vite vu que nous étions sérieux, travailleurs. Beaucoup ont tutoré les bachelors, et ont pu se rendre compte de ce qu’ils valaient. Du coup, le regard a changé. Et les années passant, nous avons trouvé notre place. Quand les promos X suivantes sont arrivées, nous étions déjà installés sur le campus et nous étions chaque année plus nombreux, et donc nous avions pris de l’assurance. Les relations du BDE avec les Kès successives ont été de mieux en mieux : maintenant beaucoup de bachelors participent aux binets des élèves.
Jules : Globalement, tout s’est bien passé, même si, au début, il a pu y avoir un peu de mal-être, surtout pour les internationaux, qui ont eu plus de mal à s’intégrer dans un campus qui reste très majoritairement francophone. Leur maîtrise initiale de la langue était insuffisante à cause du nombre trop restreint d’heures de français proposées, en comparaison notamment des internationaux du cycle ingénieur qui suivent un stage de formation intensive. Il faut dire que c’était le début du programme, et que nous, comme l’administration, avons dû essuyer les plâtres et nous ajuster. Et nous avons tous été surpris par la quantité de travail qui nous était demandée. Certains n’avaient pas vraiment saisi que ces études après le bac pouvaient être aussi intenses. Par rapport à d’autres formations, comme aux États-Unis par exemple, nous sommes très forts sur beaucoup de points, mais on a moins de temps pour les activités extra-scolaires, ou pour s’investir dans des projets.
Mais c’est aussi une grande richesse du programme de se retrouver avec autant de gens très différents qui n’ont pas du tout les mêmes projets en termes de carrières : nous avons adoré ces trois ans ici !