Bachelor of Science : le programme le plus féminisé de l’École polytechnique
Le Bachelor of Science, programme anglophone de l’École polytechnique lancé en 2017, est l’un des programmes d’enseignement supérieur scientifique accueillant le plus de femmes en France. Par son témoignage, Hassiba Tej (B23), étudiante tunisienne du cycle Bachelor, apporte la preuve par l’exemple que les stéréotypes de genre n’ont rien d’une fatalité.
Il est clair que l’entrée des femmes à l’École polytechnique, ainsi que l’émergence de figures féminines dans le monde scientifique, fut plus que bénéfique, en permettant aux femmes d’avoir de nouveaux modèles, leur montrant que tout était possible du moment qu’elles s’en donnaient les moyens.
Un programme très féminisé
Ce programme, qui a pour but d’orienter ses étudiants vers la recherche, recense entre 35 % et 45 % de femmes dans ses salles de cours, ce qui est plutôt inédit en France pour un programme mathématique. J’apprécie beaucoup ce programme, car il donne une autonomie et une organisation dans l’apprentissage des cours et surtout il me permet de rencontrer des personnes issues de systèmes éducatifs différents, avec un autre bagage que le mien. Certes, certaines personnes auront déjà fait le programme au lycée, mais il ne faut pas baisser les bras pour autant, et l’on se rend compte rapidement que le travail paye et permet de rattraper le retard de niveau et d’exceller dans ce que l’on fait. J’ai voulu m’engager dans ce programme, comme la plupart de mes camarades, pour la qualité et le niveau des cours suivis, pour la renommée de l’École polytechnique et pour les chances et opportunités qu’il propose.
Une diversité de motivations
Ayant ainsi rencontré des étudiantes venues du monde entier, j’ai pu échanger avec elles sur leurs ambitions en général. Même si certaines sont venues sans vraiment savoir dans quoi elles s’engageaient, ni ce qu’elles voulaient faire, d’autres étaient sûres de leur parcours depuis le début. Pour moi, les études en anglais étaient un critère majeur dans mon choix, et j’ai été également attirée par la vie associative, que ce soit sur le campus ou à l’extérieur. En effet, je me suis rendu compte que la plupart de mes camarades développaient des projets en parallèle avec leurs études, ce qui nous tire vers le haut et nous pousse à nous investir. Également, même si cela n’entrait pas dans mes considérations premières, la quasi-mixité est très plaisante : j’aime me retrouver avec presque 50 % de femmes dans ma promotion, toutes plus ambitieuses les unes que les autres, chacune avec ses objectifs. Pouvoir en discuter est stimulant et permet d’en apprendre plus sur des sujets qui auraient pu nous rester inconnus.
“La quasi-mixité est très plaisante.”
Les femmes et les sciences, une question de culture
Je ne pourrai pas m’avancer sur le choix qui pousse autant de filles à rejoindre le Bachelor de l’X. En fonction des cultures, le rapport entre les sciences et les femmes sera différent. Je n’ai par exemple jamais entendu de remarques sur le fait que j’étais « naturellement » moins forte en maths, comme c’est parfois ce qui arrive dans certains lycées (aussi parce que ce n’était pas le cas) même si, parmi mes camarades, nombre d’entre elles ont dû subir des remarques désobligeantes, souvent innocentes, de professeurs essayant maladroitement de les rassurer sur leurs capacités scientifiques. Dans l’enseignement supérieur, les matières scientifiques sont généralement dominées par les étudiants masculins. Cela a un impact négatif dans la parité du monde du travail, car moins de femmes se dirigent vers les secteurs des sciences, de la technologie et de l’ingénierie.
Le conditionnement dès l’enfance
La raison la plus probable de ce déséquilibre est que la société renforce l’idée que les garçons et les filles ont des capacités et des intérêts différents. Nous le constatons dès le plus jeune âge, lorsque les petits garçons reçoivent des voitures et des Lego®, tandis que les filles ont des poupées. Les premiers sont encouragés à construire des choses, tandis que les secondes apprennent à s’occuper des autres. Plus tard, on nous dit que les filles sont meilleures en langues ou les garçons meilleurs en sciences… Alors, évidemment ce n’est pas le cas de tout le monde et cela n’explique pas tout, mais cela peut servir de pistes. En fait, rien ne prouve que les différences biologiques rendent un sexe plus doué qu’un autre dans une matière particulière.
Avoir des modèles féminins attirant vers les sciences
À cela s’ajoute le manque de modèles féminins positifs dans les métiers liés aux sciences. Les dessins animés et les histoires montrent souvent le scientifique fou, l’inventeur génial ou l’astronaute aventureux comme un homme. En outre, il existe une perception malheureuse selon laquelle les scientifiques sont des geeks, qu’ils ont peu de compétences sociales ou que leur travail est solitaire et détaché du reste du monde. Il s’agit de faux stéréotypes véhiculés par les médias, mais ces représentations forgent inconsciemment la pensée et font que les filles ne s’identifient pas aux scientifiques et qu’elles considèrent la science comme un parcours professionnel peu attrayant (et idem pour les garçons dans certains corps de métiers). Si les filles voyaient davantage de modèles féminins positifs dans les sciences, cela leur donnerait plus de confiance et un plus grand sentiment d’appartenance au monde des sciences et de l’ingénierie.