Banque de réseau, banque virtuelle, antagonistes ou complémentaires ?
Bien souvent, les évolutions de marché annoncées et attendues tardent à se concrétiser, alors que les progrès rendus possibles par une combinaison de nouvelles technologies modifient les règles du jeu et imposent des choix stratégiques.
Le plus grand des marchés bancaires dans le monde, les services aux particuliers, en fournit peut-être aujourd’hui une démonstration.
Une analyse approfondie des dynamiques de marché et des rapports de force entre les acteurs conduit à prévoir l’émergence de deux modèles également « robustes », utilisant chacun à leur profit les technologies de communication et de traitement de l’information.
• Le premier modèle est celui bien connu de la banque de proximité aux particuliers. La confiance en sa pérennité est telle que leur appréciation sur les marchés financiers peut représenter cinq à sept fois leur valeur nette. Loyds Bank, autrefois parmi les leaders sur les grands marchés internationaux de banques d’investissement et de banques d’affaires, fusionne avec TSB, l’équivalent de nos Caisses d’Épargne, et s’est recentrée en quelques années sur une offre aux particuliers à partir d’un réseau classique de guichets. Bank America, repris par Nationsbank, ou Bank of Chicago racheté par Banc One, suivent la même évolution.
La banque de proximité sera encore longtemps nécessaire. Elle est celle où l’on domicilie son salaire et qui assume les virements automatiques.
À partir du service de base de tenue du compte, les établissements proposent une panoplie large de produits, crédit, épargne, assurance… Le client est servi et géré dans la durée. Certains produits comme le crédit immobilier servent de fixateurs. À la source de programmes de fidélisation, ils sont vendus à perte, si les conditions de marché l’imposent.
Le « data mining » ouvre un champ d’expansion considérable à ce modèle traditionnel. Un client mieux prospecté devient un client plus actif. Connaissance et valeur du client vont de pair. Les avancées technologiques en matière de traitement et d’exploitation des bases de données contribueront ainsi à valoriser et pérenniser les réseaux de proximité.
• Le nouveau modèle, véritablement concurrent, trouve son origine dans la carte, ou plutôt les cartes, qu’elles soient monoenseignes ou multienseignes, qu’elles donnent droit ou non à transactions bancaires ou financières, de toute origine, grande distribution, voyages, télécom, assurances… Les plates-formes bancaires et financières du futur s’appuieront sur ces immenses bases de clientèle pour délivrer un service économique et attirant.
Leur univers est celui des produits bancaires et financiers, vendus à des multitudes.
Ces plates-formes constituent un véritable condensé des technologies de communication associées au traitement de l’information. Sélectives, elles travaillent les bases de données dont elles disposent pour en déduire les meilleures propositions commerciales. Efficaces, elles décomposent tout service en processus élémentaires, permettant un traitement horizontal à grande échelle. Mondiales, elles sous-traitent d’un continent à l’autre leur charge de travail et leur capacité disponible, bénéficiant ainsi de performances optimales en termes de coûts d’exécution et de rapidité de réaction.
De la même façon que la tenue du compte offre à une banque le moyen privilégié de connaître ses clients et donc d’anticiper ses besoins, les cartes constituent un canal puissant d’information.
Les traitements seront consolidés au niveau européen, en réseau avec des capacités mondiales. La carte, comme le compte bancaire, sera la source privilégiée de produits de fidélisation.
Des programmes d’affinité bien ciblés offriront des arguments convaincants pour choisir son crédit immobilier chez GE Capital, Finaref, Cofinoga ou S2P, plutôt que chez son banquier traditionnel.
Ces cartes deviendront, à terme, compatibles entre elles et leur nombre diminuera car les acteurs des plates-formes pousseront à une rationalisation des marques commerciales.
Les plates-formes sont aujourd’hui conçues et mises en place par des industriels autant que par des banquiers. Pour GE Capital, G Mac, l’enjeu est de conclure des partenariats ouvrant accès à de larges bases de clientèle, d’acquérir les compétences, non encore disponibles, sur de nouveaux produits (crédit immobilier, assurance…), de construire les programmes d’affinité et de fidélité…, en s’établissant progressivement sur les principaux marchés dans le monde.
Une course de vitesse entre ces industriels et les sociétés de financement spécialisées (Cetelem, Finaref…) est en cours pour le leadership de ces grandes plates-formes de demain. Mais les uns et les autres s’uniront probablement pour compléter leurs savoir-faire et offrir un service complet, mondial.
Nul doute que ces deux modèles banque de réseau, banque virtuelle ne se préparent à une lutte sévère. Aux USA, Nationsbank et Banc One jouent la stratégie de réseaux. Travelers/Citibank se fixent comme objectif d’atteindre un milliard de clients, conquis et gérés par la carte. Ils rejoindront ainsi l’ambition stratégique des pionniers industriels du crédit à la consommation.
Cet affrontement sera-t-il aussi brutal en France ? Oui et non. Oui, car les enjeux financiers et stratégiques sont tels qu’ils conduiront à une confrontation entre ces modèles alternatifs. Non, car la carte polyvalente, de paiement, de prélèvement et de crédit existe depuis longtemps en France, contrôlée par les banques classiques de manière remarquablement pragmatique. Ainsi, le vrai défi des grandes banques françaises pourrait être de rechercher une intégration des deux modèles afin de cumuler leurs vertus respectives et de construire par les cartes et non par des réseaux leur développement européen, voire mondial.