Benjamin Britten : Billy Budd
Le compositeur britannique Benjamin Britten est principalement connu pour ses opéras, très joués en Grande-Bretagne.
Billy Budd est un opéra très caractéristique de Benjamin Britten. Moins connu que le célèbre Peter Grimes, il partage avec cet opéra le thème de la mer et celui de l’injustice. Se déroulant intégralement dans l’espace clos d’un navire anglais en 1797, l’opéra comporte la particularité de n’avoir que des personnages masculins.
L’histoire est celle, très poignante, de ce matelot modèle, Billy Budd, martyrisé parce que trop parfait par le Maître d’armes du navire, qui est désemparé devant la beauté et la perfection du jeune homme, et dont l’attirance se mue en haine.
Accusé à tort, incapable de se défendre, le beau Billy Budd tue par maladresse son accusateur pervers et est condamné à mort par le cultivé, lucide et compatissant capitaine du navire, incapable de passer outre les codes aristocratiques et hiérarchiques qui ont cours dans la marine britannique. La souffrance du capitaine est aussi importante pour Britten que celle du matelot.
Pour caractériser la situation, Britten et son librettiste, adaptant Herman Melville (le père de Moby Dick), caricaturent les profils et la caractérisation des personnages : des officiers nobles très cultivés, des matelots analphabètes, et entre les deux des contremaîtres brutaux et égoïstes.
L’Histoire est constamment présente dans l’opéra, celle de la Marine anglaise en guerre contre la Révolution française, et subissant des mutineries à répétition. On voit les marins britanniques maltraités « défendant leur roi coûte que coûte contre les Français qui ont tué le leur ». Et on notera le savoureux canon sur Don’t like the French.
Les décors de Glyndebourne (le festival d’été le plus célèbre d’Angleterre), les costumes différenciés, la lumière extrêmement travaillée et la mise en scène très élégante sont des points forts de cette production, parfaitement rendus en film (préférez ici encore le Blu-Ray, pour avoir une impression d’ambiance proche du ressenti en salle).
L’atmosphère du navire est totalement rendue (c’est aussi le fait de la musique), avec une sensation de grandiose donnée par la symétrie du bateau et le décor en trois dimensions.
Excellents chanteurs également : le moderne et tourmenté capitaine Vere, ténor donc véritable héros de l’opéra, joué à la création par Peter Pears, l’ami de Britten, est ici chanté par J. M. Ainsley. On croit, lors du prologue, entendre Peter Pears, ce qui n’est pas un mince compliment. Le Maître d’armes est confié à un chanteur ayant une voix grave, un regard sombre, un timbre lourd et noir, des mimiques très expressives, parfait pour ce rôle.
Quant au Billy Budd de Jacques Imbrailo, disons seulement qu’il est absolument parfait, dans son apparence physique (LE physique du rôle), son jeu et son chant. Il est rare de voir une distribution dont la perfection va ainsi au-delà de la seule capacité de chanter, cela tient aussi au physique et au jeu des personnages.
La musique se marie bien aux situations, souvent très émouvantes, notamment lors du dilemme du capitaine Vere. Naturellement, il s’agit d’un opéra de la seconde moitié du XXe siècle, sans mélodie facile à retenir. La musique accompagne le théâtre, et permet d’exacerber l’expressivité des situations. Il s’agit plutôt d’une sorte de théâtre en musique.
La maison d’édition de l’Opéra de Covent Garden, Opus Arte, est aussi très active pour publier les productions de Glyndebourne. Productions toujours passionnantes : mise en scène inventive mais respectant l’œuvre, distribution de haut niveau, conservation et commercialisation de films haute définition. Pas de comparaison cruelle avec ce que nous avons vécu ces dernières années à Paris.