Bernard SCHRUMPF (51), 1930–2004
C’est avec stupeur que les membres de la section de géodésie du Comité national français de géodésie et géophysique (CNFGG) ont appris, quelques jours à peine après l’Assemblée générale annuelle qui leur avait donné l’occasion de le voir en pleine forme, le décès de Bernard Schrumpf. Et tous ses amis du Service hydrographique et océanographique de la marine, passé le premier moment d’incrédulité, en ont ressenti une peine immense.
Sorti de l’X en 1953 dans le corps des ingénieurs hydrographes de la marine, fusionné dix-sept ans plus tard avec celui des ingénieurs de l’armement, Bernard Schrumpf y a fait une carrière exemplaire, dans une période marquée par une évolution rapide des techniques.
À l’issue de l’École d’application, il participe à des missions de levé sur les côtes du Maroc, puis de Madagascar. Lors de son second séjour dans la grande île, il est directeur technique des travaux, à bord du Lapérouse, lorsque la mission est envoyée dans le Pacifique pour effectuer le levé d’un atoll qui fera beaucoup parler de lui : Mururoa, dont les diverses zones conserveront jusqu’à la fin des essais nucléaires les noms attribués par la mission aux points de son réseau géodésique.
Son affectation embarquée suivante l’amènera à s’initier aux mesures gravimétriques en mer et à fréquenter notamment la mer de Norvège à bord du Paul Goffeny. Dans les intervalles entre les missions, il est affecté au Service central où il entre dans les secrets du passage des levés à la carte, dirige la formation des personnels d’exécution, participe à celle des ingénieurs et conduit des études ; il acquiert également une formation complémentaire à Supélec.
En 1970, lorsque le gros des éléments sédentaires du Service est transféré à Brest, il crée la section « géodésie-géophysique » du nouvel établissement, l’EPSHOM, puis dirige le groupe « études ». Il s’intéresse particulièrement au développement des moyens radioélectriques et acoustiques de localisation, ainsi qu’à l’utilisation des moyens informatiques pour la préparation des travaux à la mer et leur exploitation.
En 1972, il est chef de mission à bord du jeune d’Entrecasteaux, retrouve les mesures gravimétriques, systématise les mesures magnétométriques pour la détection des épaves ainsi que l’usage des satellites Transit pour rectifier des positions géographiques, et réalise dans le cadre de l’opération Famous, sur la dorsale médio-atlantique, un remarquable levé de détail au sondeur à pinceau étroit avec localisation sur réseau de balises posées sur le fond.
Son affectation suivante parachève sa connaissance de tous les aspects du Service, car il dirige le groupe « production » de l’EPSHOM, responsable de l’impression et de la diffusion des documents nautiques, notamment par la voie commerciale, ainsi que de tout ce qui concerne les matériels des missions.
Il est enfin aspiré par l’organe de direction parisien où il est chargé des instructions aux missions et du contrôle de leur activité, avant de devenir directeur adjoint, au moment où il reçoit les étoiles d’ingénieur général. Cette période lui permet de faire bénéficier de ses compétences une multitude de comités ou d’organismes. Il participe aux travaux du groupe de recherches en océanographie spatiale, il préside le groupe de travail sur la localisation en mer du CNFGG, il accepte la charge de secrétaire de la section des sciences physiques de l’océan du même CNFGG.
Anticipant quelque peu sur la limite d’âge, il quitte le service actif en 1990, tout en conservant plusieurs années encore certaines des fonctions qui viennent d’être évoquées. Et il ne laisse pas tomber pour autant le Service auquel il a consacré toute sa carrière, puisque durant deux années il s’attaque bénévolement, avec trois autres mousquetaires de statut comparable, à la révision de la version française du Dictionnaire hydrographique international.
Tout au long de ces années, j’ai eu de nombreuses occasions d’apprécier son calme, la netteté de ses idées – dont son écriture calligraphique donnait une bonne image – et son opiniâtreté. D’autres, embarqués en même temps que lui, ont été frappés par le caractère paisible de son mode de commandement et par l’intérêt qu’il portait à son personnel.
À l’occasion de son pot de départ, je lui avais exprimé toute la reconnaissance du Service, la mienne propre et celle de tous ceux qui l’avaient côtoyé, non seulement pour ce qu’il avait fait et pour les multiples qualités techniques dont il avait fait preuve, mais aussi pour ce qu’il avait été.
Mais si ses qualités humaines se manifestaient dans sa profession, on savait bien qu’elles ne se déployaient pas moins dans sa vie privée. Avec simplicité et discrétion, son épouse Yvette et lui ils faisaient preuve d’une ouverture et d’une générosité sans faille, tant vis-à-vis de leurs amis qu’à l’égard d’œuvres multiples pour lesquelles ils ne ménageaient pas leur peine. Le tout animé par une vie spirituelle et accompagné par une vie de famille dont les émouvants témoignages entendus lors du service célébré au Temple du Luxembourg, le 28 janvier dernier, donnent une idée éloquente.
Qu’Yvette et toute sa famille soient assurées de la fidélité dans l’amitié qui ne cessera de les accompagner.