Bernard Ziegler (54) homme clé du développement d’Airbus
La carrière de Bernard Ziegler, décédé le 4 mai dernier, lui a valu cet hommage d’Airbus : « Airbus ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans votre engagement et les contributions si notables que vous et votre entourage de pionniers avez réalisées. Vous nous avez donné, dans tous les sens du terme, notre envol. »
Né en 1933 à Boulogne-sur-Seine, fils d’Henri Ziegler (26), résistant de la première heure et grande figure de l’aéronautique française, Bernard fait sa prépa à Ginette. À sa sortie de l’X, il intègre l’École de l’air, pour devenir pilote de chasse, et participe à la guerre d’Algérie sur avion T6. En mission de guerre à basse altitude, il s’éjecte de son avion en perdition sous la mitraille du sol et est récupéré in extremis par les hélicoptères d’appui.
À son retour, il fait Supaéro pour devenir pilote d’essai, suit un stage qui lui permet de rejoindre le Centre d’essais en vol d’Istres où il fait les essais sur de nombreux prototypes : Étendard IV M, Jaguar, Mirage IV, Mirage F1, Mirage G8 avion à géométrie variable dont il fut le pilote de marque.
L’aventure Airbus
Au lancement d’Airbus, Roger Béteille (40), directeur technique, embauche Bernard pour diriger les essais en vol. Son style de management fait merveille, il implique plus les ingénieurs des bureaux d’études des partenaires et prend au sérieux leurs avis. La certification du premier bimoteur gros porteur européen est obtenue aux dates et budget prévus. La confiance alors établie avec Béteille permet des décisions parfois révolutionnaires, comme de certifier l’A300 en équipage à deux, ce qui fut fait en 1982, malgré la forte opposition de certains syndicats.
L’adoption des commandes électriques de vol
Béteille nommé directeur général confie alors la direction technique à Bernard. Lorsque est prise la décision de lancer un programme pour concurrencer le Boeing 737 qui, avec dix ans d’avance, avait déjà inondé le marché, il fallait partir d’une feuille blanche et trouver des innovations disruptives, mais acceptables par les pilotes. Concorde ayant ouvert la voie, Bernard défend l’adoption des commandes de vol électriques sur l’A320, mais en allant plus loin dans le domaine de la sécurité. Citons les protections du domaine de vol ; l’introduction du sidestick latéral pour ne pas obstruer la visibilité des paramètres de vol sur la planche de bord des pilotes ; l’adaptation des lois de pilotage à l’aérodynamique des différents types d’Airbus ; et une même philosophie des postes d’équipage permettant une réduction drastique du temps d’entraînement des équipages pour être qualifié, en passant d’un type d’Airbus à un autre.
Aux suggestions de Bernard, Béteille répondait : « Si vous pensez pouvoir le certifier dans les temps, allez‑y. » L’A320 n°1 fit son premier vol le 22 février 1987, certifié un an plus tard et mis en service le 18 avril 1988 à la date prévue, sans aucune modification majeure aux commandes de vol de la famille Airbus.
Un mot pour dire que Bernard était un amoureux de la montagne et du vol en montagne. Avec son frère Michel, guide de haute montagne, créateur d’Air Alpes, un de mes meilleurs souvenirs fut de faire avec eux la célèbre randonnée en peau de phoque Chamonix-Zermatt.
A lire : Airbus : un formidable mégaprojet européen dans La Jaune et la Rouge N° 745, Mai 2019