Bertrand Herz (51) de l’enfer de Buchenwald à l’œuvre de mémoire
Décédé le 20 mai 2021, Bertrand Herz, après avoir subi l’enfer des camps de la mort et accompli une belle carrière, a choisi de consacrer sa retraite à une œuvre de mémoire de la déportation et de la Shoah, tout en travaillant au rapprochement franco-allemand.
Alors que plus de cent polytechniciens ont été déportés entre 1942 et 1944, la première singularité de Bertrand Herz est d’être l’un des seuls à avoir été déporté avant et non après son admission à l’École.
Bertrand est né à Paris le 24 avril 1930 dans une famille à la fois juive et très française. Il a vécu son enfance dans un cadre aisé et heureux où ses parents l’ont protégé des inquiétudes provoquées par la montée de l’idéologie nazie, puis par la défaite de 1940 et les vexations des deux premières années de l’occupation.
Son sort bascule en juin 1942 quand, contraint de porter l’étoile jaune, il réalise directement que la France est l’auxiliaire des nazis pour le malheur des Juifs. L’accalmie qui suit le départ de sa famille pour Toulouse ne durera pas, car la zone libre est occupée peu après son arrivée.
Après presque deux années d’une vie difficile, Bertrand Herz, ses parents, sa sœur et le fiancé de celle-ci (en fait, toute sa famille sauf son frère) sont arrêtés le 5 juillet 1944. Suit alors un parcours terrible qui amènera les hommes à Buchenwald et les femmes à Ravensbrück.
Nous n’ignorons plus maintenant l’horreur de la vie des camps, les coups, la faim, le froid et l’obligation d’un travail exténuant. Bertrand Herz subit. Il n’a que quatorze ans et son père, qui en a plus de soixante, le protège jusqu’à son décès en janvier 1945. D’autres, heureusement, y compris des Allemands, l’aideront à survivre.
Retour en France
À son retour en avril 1945, il ne retrouve que sa sœur mais, fort de l’affection de ses oncle et tante, il reprend de brillantes études. L’X en 1951, le commissariat de la Marine nationale de 1953 à 1960, puis un poste de direction à la compagnie d’assurance La Paix de 1960 à 1965 le conduisent à démarrer l’informatique de gestion au sein du groupe Thomson, puis à y diriger un grand service. En 1985, Bertrand Herz change d’orientation et devient professeur d’informatique à l’université de Paris‑V.
Il parle très peu de sa déportation pendant ses longues années d’une vie professionnelle et familiale active et sereine, mais les réflexions dont sa retraite lui donne le temps vont changer sa perception.
La deuxième singularité de Bertrand Herz est qu’il décide alors de se consacrer à une œuvre de mémoire qui veut surtout contribuer à ce que les atrocités de la Shoah ne se reproduisent plus. Il le fait avec patience et énergie et son beau livre Le pull-over de Buchenwald 1 s’inscrit dans cette démarche.
Un retraité engagé
Ayant rejoint l’association française Buchenwald, Dora et Kommandos, dont il sera vice-président, il travaille au rapprochement franco-allemand, notamment auprès des jeunes qui, pour lui, sont innocents des crimes des générations précédentes. Il sera également président du comité international Buchenwald-Dora et accompagnera le président Obama et la chancelière Angela Merkel lors de leur visite du camp de Buchenwald en juin 2009 .
J’ai bien connu Bertrand Herz qui était administrateur de l’association X‑Résistance. Il y déployait une efficacité réelle et discrète et, comme tous ses nombreux amis, j’ai beaucoup apprécié sa grande bienveillance.
Bertrand Herz a perdu sa femme en novembre 2018, peu avant leurs noces d’or. Elle était la fille d’André Gougenheim, 1920N, et la sœur de Jacques-Henri, 1952. Ils ont eu trois enfants (dont Olivier, X1979) et cinq petits-enfants. Il était depuis peu arrière-grand-père.
Bertrand Herz, plusieurs fois décoré en France, était citoyen d’honneur de la ville de Weimar et a reçu l’ordre du Mérite du Land de Thuringe.
Tallandier, janvier 2015 – voir J&R n° 705 p. 57 et n° 713 p. 38–39.