Beruwala Village, Sri Lanka
Compte rendu de mission, octobre-novembre 2004
Depuis ma première visite, la situation politique s’est profondément améliorée ces derniers mois. Le conflit qui a opposé pendant plus de vingt ans les « tigres du LTTE » aux forces gouvernementales semble pour l’instant plus calme. En revanche le pays continue de subir une chute importante du pouvoir d’achat. Les plus démunis plongent dans une misère épouvantable et malheureusement personne ne se préoccupe de leur sort.
Principales préoccupations des populations
Ce sont toujours les mêmes :
- la sous-alimentation qui ne fait que croître,
- les problèmes médicaux,
- la difficulté pour envoyer les enfants à l’école,
- la création d’emploi.
La situation des familles très pauvres, que j’ai rencontrées, ont fait l’objet d’une ou deux visites. Pour chaque visite il a fallu prévoir environ quarante-cinq minutes sans compter les déplacements parfois difficiles, voire hasardeux, dans la jungle. Les chauffeurs de « tuk-tuk » qui acceptent de s’y rendre ne le font généralement qu’une seule fois. Les risques ne sont pas inconsidérés mais il faut être vigilant.
Pour réaliser et préparer l’ensemble de ces rencontres, notre représentant sur place S. Indrasiri Silva, que nous appelons Siri, Cinghalais de 51 ans, qui maîtrise parfaitement le français car il a travaillé quinze ans en France, l’allemand, mais surtout l’anglais. Il a fait appel dans le secteur musulman à toute l’équipe de foot du village de Maradana. Curieusement, tout Cinghalais qu’il soit, il est aussi le Président de cette équipe exclusivement composée de musulmans de 19 à 26 ans.
Dans la partie la plus difficile, à l’intérieur des terres, c’est une dame remarquable de 61 ans, Madame Daya Shanthi, qui a ratissé ce secteur. Cette femme a été la première salariée de l’association (1 750 roupies par mois, soit 14 €).
Enfin dans un autre secteur près d’Aluthgama, ce sont trois femmes de 32, 40 et 41 ans qui bénévolement ont accepté de couvrir cette zone.
Sur le plan nutritionnel
L’association avait prévu de mettre à la disposition de 350 familles sélectionnées parmi les 900 vivant dans les conditions les plus précaires 6 tonnes de produits alimentaires de base comprenant riz, lentilles, sucre, pommes de terre, poisson et nouilles et, noix de coco.
La distribution a été faite aux 350 familles. Grâce à notre indispensable Siri, qui parle le cinghalais et le tamoul, langue parlée par les musulmans. Il est respecté de tous et son efficacité n’a pas d’égal dans un pays où il faut se méfier de tout.
Le très gros avantage de cette préparation intensive est d’avoir permis de découvrir des problèmes individuels importants que nous ne pouvions pas aborder autrement, notamment en matière de santé.
Accès aux soins
Dans le domaine médical nous intervenons souvent pour financer des interventions chirurgicales, cataracte, opération du cœur et même une transplantation rénale qui a été réalisée à Madras au sud de l’Inde. Nous fournissons des sonotones, préalablement réglés en France avec l’audiogramme fait sur place, des lunettes et faisons effectuer souvent des check-up pour s’entendre dire que la personne est sur le point de mourir de faim.
Le projet de dispensaire devra comporter une salle de consultation généraliste, pédiatrie et gynécologie, pharmacie (gérée par Pharmaciens sans frontières) ainsi qu’un cabinet dentaire. L’ensemble du matériel est pratiquement à notre disposition. L’Association financera le médecin généraliste, les deux infirmières et le coût de l’entretien courant.
Les familles les plus pauvres devraient avoir accès au dispensaire par un paiement symbolique voire, le cas échéant, la gratuité totale.
En effet, je rappelle qu’au Sri Lanka si la médecine est gratuite, elle est de mauvaise qualité et les médicaments restent payants. La conclusion est simple, soit on attend la dernière minute, soit on n’a pas accès aux soins par manque de moyens.
Grâce à l’Association, un petit garçon de 3 ans et demi et une fillette de 9 ans vont être opérés du cœur. Et une jeune fille de 16 ans va devoir subir rapidement une transplantation rénale.
Accès à l’école
Dans le domaine de l’éducation, concernant les enfants de familles démunies, l’Association a apporté son aide dans une petite école de campagne de 40 élèves en distribuant à tous les fournitures scolaires demandées par les professeurs, point important, certains se voyant, par exemple, refuser l’accès en classe pour n’avoir pas de chaussures ad hoc !
L’Association soutient des jeunes filles brillantes dont les parents ne peuvent assurer financièrement les études, notamment celles qui veulent poursuivre des études supérieures à Colombo ou à Kandy : médecine, faculté des lettres, informatique, etc.
Dans une école de 1 380 élèves de niveau collège et lycée, en collaboration avec les enseignants, nous ne sommes intervenus que dans 55 cas. De plus deux élèves de terminale, particulièrement brillantes, ont reçu une bourse d’études qui doit leur permettre de suivre des cours particuliers pour se présenter à l’entrée en faculté.
Une élève, soutenue par Beruwala Village, vient d’être reçue 7e sur 248 au concours d’entrée à la faculté de médecine de Colombo. L’aide sera renforcée et si tout se passe bien, l’élève sera dans cinq ans la première femme musulmane médecin de Beruwala Division. Chacun sait l’importance pour les musulmans d’une femme médecin !
Création d’entreprises et d’une coopérative
Concernant la création d’entreprise, l’Association finance la totalité des projets qui lui paraissent viables. Pour ce faire, elle s’est largement inspirée des idées de la « Grameen Bank », (la Banque des Pauvres). La seule différence consiste à offrir en plus 25 % de la somme comme une prime à la création et dont elle ne demande que le remboursement de 75 % sur deux ans avec un taux d’intérêt « responsabilisant » de 12 % par an.
À titre d’exemple, ont pu être financés : une boulangerie, un atelier de décor sur poterie, des ateliers de couture, un bateau de pêche, un magasin d’alimentation, un salon de thé, etc.
Cette année, Beruwala Village a aidé :
- un homme, qui habite dans la jungle, à démarrer un petit commerce ambulant de bananes. En effet dans son secteur la banane est particulièrement bon marché et il va les revendre sur les marchés de Colombo ;
- une femme qui va faire du commerce de souvenirs avec des touristes ;
- une autre femme qui a demandé une aide au développement de sa petite épicerie.
Toutes ces aides sont enregistrées et sont sous la surveillance attentive de Siri, dont un des rôles consiste à vérifier les remboursements.
Projet en cours
L’Association va tenter d’ouvrir une sorte de Coopérative ouvrière en mars-avril 2005 afin de permettre à une quinzaine de femmes d’avoir du travail. Cette coopérative textile devrait avoir la moitié de son personnel déjà compétent et l’autre moitié en formation. Ainsi, si le projet réussit l’opération, une nouvelle étape sera franchie.
Pierre Vivier termine sa lettre en disant : « Nous ne sommes pas naïfs, ce n’est même pas une goutte d’eau dans cet immense océan Indien, mais au moins celles et ceux qui ont la chance de pouvoir rencontrer nos pas, nous rendent parfois beaucoup plus que nous ne donnons. »
Pierre Vivier,
Beruwala Village, 27, avenue de Lodève,
34070 Montpellier
CCP 7 278 39 A.