Bicentenaire de la campagne d’Égypte
Nous ne reviendrons pas sur les causes de cette campagne d’Égypte, car on s’interroge toujours sur la raison qui a conduit le général Bonaparte à entreprendre cette campagne, âgé de 29 ans, poussé par l’élan de la Révolution, auréolé des victoires de la campagne d’Italie : Marengo, Arcole… mais gênant pour le Directoire : raison politique, stratégique ou bien le rêve d’Orient d’un jeune général nourri des gloires militaires d’Alexandre et de Jules César ?
Le débat historiographique n’est pas clos ; il reste que les 36 000 soldats français, parmi les meilleurs de l’époque et les 16 000 marins qui font voile à partir du 19 mai 1798 vers l’Égypte au départ de Toulon, Ajaccio, Gênes et Civitavecchia, constituent l’armée française la plus nombreuse à avoir traversé la Méditerranée.
C’est seulement après la prise de Malte, le 10 juin, que le corps expéditionnaire est averti de la destination finale.
La troupe qui s’embarque pour l’Égypte sur une flotte composée de bric et de broc (car si les gouvernements de la Révolution ont valorisé l’armée des volontaires, ils ont grandement contribué à la destruction de la marine “ la royale ”) est l’armée de la levée en masse qui s’est formée à Valmy, en Italie et qui s’est équipée en campagne : uniforme et armement de récupération comme les navires qui constituent la flotte mais dotée en revanche d’une confiance inébranlable dans son chef le général Bonaparte qui incarne la Révolution et la victoire.
Face à elle : la flotte anglaise, la meilleure du monde commandée par l’amiral Nelson. La chance est avec Bonaparte : le brouillard tombe sur la Méditerranée et Nelson croise sans jamais la voir la flotte française qui débarque à Alexandrie le 1er juillet ; l’armée, après avoir traversé le delta, sous une chaleur torride, vêtue de costume de drap de laine, effrayée par les mirages (Monge aidé de Larrey expliqueront à la troupe et aux officiers ce phénomène responsable de l’arrêt de la troupe à cause de la peur qu’il avait engendrée) remporte la célèbre victoire des pyramides sur les Mamelouks.
Cette campagne militaire commencée par la victoire se soldera par un échec occulté par un bilan culturel et scientifique exceptionnel.
L’idée de génie de Bonaparte est d’avoir doublé l’expédition militaire d’une expédition scientifique. Ce général, membre de l’Institut, qui se voulait d’abord mathématicien, avait rencontré en Italie Gaspard Monge qu’il subjugua, et lui confia la charge de recruter des savants et des ingénieurs pour cette expédition. Monge étant directeur de l’École polytechnique se trouva face à un dilemme, suivre Bonaparte ou rester avec ses élèves ;
Bonaparte trancha : emmener les élèves ! Monge ne déplaça pas toute l’École, une quarantaine d’élèves (neuf d’entre eux y trouvèrent la mort) accompagnés de deux professeurs, Fourier et Berthollet, suivirent. L’examen de sortie fut passé sur place, malheureusement aucune trace des épreuves ne nous est parvenue.
La chance qui accompagnait Bonaparte accompagnait également l’École : la pierre de Rosette (qui permettra plus tard à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes) est découverte par l’élève Bouchard…
Le corps des savants et ingénieurs comprenait 167 membres : mathématiciens, astronomes, naturalistes, ingénieurs, chimistes, médecins, peintres, littérateurs et musiciens. Le résultat de leurs travaux sera publié dans la Description de l’Égypte, dont Jomard, un ancien élève, fut le maître d’œuvre.
Nous présentons dans cette exposition un point de vue de cette campagne : celui de l’École polytechnique. Ce que nous exposons est lié aux élèves et à leurs professeurs. Vous y verrez néanmoins des choses extraordinaires : un dromadaire (qui permettait aux savants et aux militaires de se déplacer), le sabre du colonel Cavalier, commandant le régiment des dromadaires, une réplique de la pierre de Rosette, un nilomètre, le livre le plus grand de l’édition française et polytechnicienne (110 x 71 cm), son meuble dessiné par Jomard (X 1794), une machine à graver créée par Conté, l’obélisque de la Concorde (réplique de la manufacture de Sèvres) ramené en 1836 par Lebas (X 1816), de Joannis (X 1821) et Levavasseur (X 1824) et devant lequel les élèves terminent le défilé et bien d’autres choses encore…
L’exposition a lieu dans le couloir des expositions, dans les vitrines de la poste, à la bibliothèque sur plusieurs niveaux.
Cette exposition est particulièrement dédiée à la mémoire de René de Villiers du Terrage (X 1796) auteur du Journal et souvenirs d’Égypte 1798–1801, témoignage exceptionnel d’un élève.