Bicentenaire d’un ancien plus célèbre à Prague qu’à Paris, Joachim Barrande (1819) 1799–1883
Le 11 août 1799 naissait dans la région de Saugues (Haute-Loire) un garçon qui s’intéressera très tôt à la nature, à la technique et aux machines. Grâce à la solide aisance de ses parents, le jeune Joachim peut poursuivre ses études dans un établissement renommé de Paris, le collège Stanislas. Entré à l’École polytechnique en 1819, il en sort major en 1821 puis termine sa formation aux Ponts et Chaussées en 1824.
Son intérêt personnel pour les sciences naturelles le conduit à suivre des cours et conférences des plus grands naturalistes de l’époque comme Georges Cuvier, Alexandre Brongniart, Alcide d’Orbigny…
Évoluant dans la société parisienne et aussi à la cour royale, il est remarqué par le dauphin, le duc d’Angoulême, pour son intelligence exceptionnelle, son ardeur au travail et sa probité. À la fin des années 1820, Charles X l’appelle à être le précepteur de son petit-fils Henri de Chambord aux Tuileries. En juillet 1830, Barrande suit la cour en exil au château d’Édimbourg en Écosse, puis en 1831 au château de Busterhad en Bohême et enfin au château de Prague. Il y côtoiera Chateaubriand qui l’apprécia, comme cela est relaté dans les Mémoires d’outre-tombe (4e partie, livre IV).
Barrande, tout en poursuivant son rôle de précepteur, fait la connaissance des hommes de science tchèques et principalement du comte Gaspard Sternberg, instigateur de la fondation du musée de Bohême. Il habitait juste en face du palais Sternberg existant encore actuellement et toujours le siège du service géologique de Prague.
Après le départ de la cour royale en 1833, Barrande reste à Prague en tant que responsable de la construction de la ligne de chemin de fer – à traction hippomobile – reliant Prague à Pilzen.
Phacopoidae – l, Dalmanitina sacialis Barrande ; Ordovicien, Bohême (x 1,5).
2, Phacaps fecundus Barrande ; Dévonien, Bohême (x 1).
Ses visites sur le terrain pendant l’exécution des travaux le conduisent à examiner les formations de l’ère paléozoïque et à s’intéresser progressivement aux structures géologiques de toute la Bohême. Il découvre alors un grand nombre de fossiles inconnus, particulièrement des Trilobites. Ses qualités de grande précision et de haute technicité lui permettent d’approfondir le sujet, de 1840 à 1846. Il publie en 1852 deux premiers volumes consacrés aux Trilobites du « Système silurien du centre de la Bohême » ; ils seront suivis de vingt autres tomes comportant 6 000 pages, 1 160 lithographies exceptionnelles et 3 550 descriptions d’organismes fossilisés.
Barrande révèle ainsi au monde scientifique que le paléozoïque de Bohême est un des territoires les plus riches en fossiles de notre planète. Depuis cette époque, la Bohême est devenue un terrain classique d’études de l’ère primaire, connu de tous les géologues et naturalistes érudits.
Par ses études et ses recherches, Barrande a débordé le domaine étroit de la Bohême en établissant des corrélations avec les autres régions du monde grâce à une documentation considérable. C’est ainsi qu’il a été amené à distinguer une « faune primordiale » correspondant à l’explosion de la vie marine du début des temps fossilifères, notion qui fait toujours autorité aujourd’hui.
Il mourut en 1883 après avoir légué ses écrits, sa bibliothèque et ses collections au Muséum d’histoire naturelle de Prague (Narodni Muzeum) où une salle entière lui est actuellement consacrée.
Son œuvre considérable a laissé de telles traces qu’il est aujourd’hui un des Français les plus célèbres en République tchèque. Un étage de la fin du précambrien défini en Bohême porte son nom, le Barrandien ; Barrandov, un quartier de Prague, lui fut dédié en 1928 autour du rocher portant dès 1884 une plaque commémorative ; de plus, en 1969, deux bustes de Barrande furent inaugurés à Skryje, petit village près de Rakovnik et sur sa maison de la rue Ujezd à Prague.
Il faut ajouter que Joachim Barrande a sans aucun doute contribué au développement des relations d’amitié entre les nations tchèque et française et qu’il peut être un atout supplémentaire pour aller visiter, cette année, la ville de Prague restée une des perles de l’Europe malgré tous les déboires historiques et politiques qu’elle a subis.