Bien plus qu’un producteur d’énergie renouvelable, un acteur engagé au service de la transition énergétique
Camille Vandenbeuck, Directrice générale déléguée de H2air, nous présente son entreprise et son positionnement dans le secteur des énergies renouvelables. Elle nous en dit également sur la complexité du métier de développeur de projets à la croisée d’enjeux structurants. Elle revient aussi sur le recrutement et la féminisation des métiers de son secteur, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Entretien.
Quels sont les métiers de H2air ?
H2air est un producteur indépendant d’électricité renouvelable qui couvre toute la chaîne de valeur et de création de projets d’électricité renouvelable, du développement à la construction, en passant par l’exploitation, le financement et l’exploitation pour des projets d’éolien et de solaire photovoltaïque au sol.
Nous avons fait le choix d’être producteur, et non pas seulement développeur et vendeur, afin d’avoir un positionnement plus large sur le marché de l’électricité. En ce sens, nous sommes donc des producteurs qui disposent d’un parc d’actifs qui nous permet d’avoir des revenus constants, et, in fine, une assise financière plus importante.
En parallèle, parce que nous couvrons toutes les étapes clés de la vie d’un projet de production d’électricité renouvelable, nous pouvons nous inscrire dans une démarche d’amélioration continue en tirant parti des retours d’expérience de nos différents actifs.
Au-delà de cette dynamique positive, nous sommes aussi un acteur indépendant, ce qui nous permet d’avoir une certaine agilité, flexibilité et autonomie dans nos prises de décision.
Historiquement, H2air a vu le jour en 2008, avec un positionnement initial, sur l’éolien. En 2011, nous avions déjà 150 Mégawatts d’éolien autorisé. En 2018, nous avons élargi notre périmètre d’action au solaire photovoltaïque au sol. Depuis, nous avons lancé notre développement à l’international avec l’ouverture d’une première filiale en Roumanie.
« Nous avons fait le choix d’être producteur, et non pas seulement développeur et vendeur, afin d’avoir un positionnement plus large sur le marché de l’électricité. »
Aujourd’hui, nous nous intéressons aux solutions et aux technologies de stockage. Nous avons, d’ailleurs, des projets de développement de stockage en cours, ce qui nous permet d’avoir un rôle plus large dans la transition énergétique qui va au-delà de la production d’énergie renouvelable.
Notre stratégie aujourd’hui s’articule essentiellement autour de deux axes : poursuivre notre croissance et diversifier nos activités pour in fine diversifier les revenus, mais également les risques ! En effet, si l’éolien permet de générer des revenus plus importants que le solaire, les temps de développement restent relativement plus longs. Inversement, les projets photovoltaïques sont déployés plus rapidement, mais génèrent des revenus moins conséquents. Ce positionnement dual nous permet donc d’assurer un certain équilibre.
Aujourd’hui, H2air emploie 160 personnes réparties dans nos neuf agences, notamment à Amiens, qui est aussi notre siège social, à Nancy, à Caen, à La Rochelle, à Toulouse, à Bordeaux, à Aix-en-Provence… 40 % de notre effectif est dédié au développement des projets.
Depuis le lancement de notre activité, nous avons construit l’équivalent de presque 0,5 GW de puissance. À date, nous exploitons encore un peu plus de 200 MW en propre, le reste des projets ayant été cédés.
Revenons plus particulièrement sur les maillons de la chaîne de valeur que vous couvrez.
Nous sommes des spécialistes du développement de projet d’énergie renouvelable. Dans la chaîne de valeur, c’est le maillon le plus risqué, mais aussi l’étape la plus longue dans un projet. Par exemple, en France, pour un projet éolien, entre le moment où le foncier est identifié et le développement, puis la mise en service du parc éolien, il va s’écouler entre 8 et 15 ans. Sur ces projets, la principale difficulté réside dans l’obtention des autorisations administratives dans un contexte marqué par des contraintes environnementales croissantes et des attentes plus fortes en matière d’études d’impact. À titre indicatif, depuis le début de notre activité en 2008, nous avons dû nous adapter à trois changements de régime administratif !
Une fois l’autorisation obtenue et purgée de tout recours administratif, nous lançons la phase de construction, le raccordement et la sécurisation du tarif de vente de l’électricité qui sera produite par le site. À partir de là, en lien avec les acteurs bancaires, nous sécurisons le financement du projet et pouvons être amenés à investir en fonds propre dans les projets pour compléter le financement bancaire.
Une fois l’ensemble de ses étapes finalisées, l’équipe de construction prend le relais. La durée moyenne de la construction d’un projet d’éolien varie de 1 à 1 an et demi. Pour un projet solaire, nous sommes sur une durée moyenne de 6 à 9 mois selon la taille du projet.
« Nous sommes des spécialistes du développement de projet d’énergie renouvelable. »
Intervient ensuite la mise en service, dans le cadre de laquelle sont mobilisées nos équipes de gestion technique et administrative pour coordonner l’entente entre les prestataires, monitorer la disponibilité des parcs, réaliser les reportings financiers et techniques et garantir la conformité avec toutes les exigences environnementales et administratives.
Nous sommes positionnés sur un métier extrêmement complexe à la croisée d’enjeux administratifs, politiques, environnementaux et industriels.
Aujourd’hui, nous avons dans notre pipe près de 150 projets aux enjeux divers et variés. Au-delà, il s’agit aussi d’assurer la gestion et l’exploitation de ces projets sur une durée moyenne de 20 à 30 ans, en lien avec l’ensemble des parties prenantes, et dans un contexte réglementaire mouvant face auquel il nous faut être particulièrement réactif et flexible.
Pour relever l’ensemble de ces défis, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur nos équipes, des hommes et des femmes aux compétences et expertises plurielles, engagées au service de la réussite de l’ensemble de nos projets.
Quelques mots sur vos principaux projets.
En 2008, alors que l’entreprise venait de voir le jour, avec une équipe de 8 personnes, H2air a lancé le projet Seine Rive Nord (SNR), un parc éolien d’une puissance de 75 MW mis en service en 2015. Co-développé avec Nordex, le projet a été directement raccordé à RTE, ce qui, à l’époque, a ajouté une complexité technique supplémentaire. En effet, H2air a pris en charge la construction du poste de transformation qui transforme donc la basse et moyenne tension en haute tension.
Il s’agit, par ailleurs, d’une expertise assez rare sur le marché qui est devenue au fil des années une de nos forces. D’ailleurs, en 2019, nous avons de nouveau relevé le défi avec le parc éolien des Tulipes pour lequel nous avons dimensionné, construit et mis en service un poste de transformation. Aujourd’hui, nous exploitons trois postes privés sur des projets différents. Depuis 2024, nous développons également l’activité de raccordement de confrères en raccordant sur nos postes de transformation leurs projets éoliens. Nous sommes particulièrement fiers d’avoir réussi à relever ce défi et d’en avoir fait un vecteur de différenciation sur le marché !
Alors que la décarbonation s’accélère, quels sont vos objectifs et vos enjeux ?
Pendant très longtemps, en France, nous avons eu tendance à opposer le nucléaire et les renouvelables. Aujourd’hui, nous allons de plus en plus vers un consensus autour de la nécessité d’avoir un mix énergétique, renouvelable et pluriel. Plus concrètement, les énergies renouvelables peuvent être déployées rapidement et à un coût compétitif, alors que les cycles du nucléaire restent relativement plus longs.
Néanmoins, pour passer à l’échelle et développer plus de projets renouvelables, il y a un travail mené au niveau de l’obtention des autorisations. Si la loi sur l’accélération des renouvelables illustre la volonté politique d’aller plus vite dans le déploiement des renouvelables, il nous semble nécessaire que cette volonté se traduise véritablement à l’échelle régionale et territoriale.
Dans cette continuité, se pose aussi la question de la concertation et de la nécessité d’amener toutes les parties prenantes locales à adhérer à ces projets. Nous pensons qu’une intervention de l’État est nécessaire pour appuyer la stratégie nationale au niveau régional. Il nous semble aussi important que les préfets contribuent à cette volonté d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables en fluidifiant et simplifiant le traitement des autorisations.
D’ici 2030, notre objectif est de couvrir 1,5 % de la consommation d’électricité nationale avec les projets que nous aurons développés. Pour accompagner cette montée en cadence, depuis 2015, nous avons multiplié les recrutements et sommes passés de 20 à plus de 160 personnes, ce qui nous a permis d’élargir notre secteur géographique de prospection, avec l’ouverture de nouvelles agences, et d’augmenter le volume de projet que nous pouvons gérer en parallèle.
Alors que le secteur peine à recruter, se pose également la question de la féminisation des métiers. Comment appréhendez-vous ce sujet ?
À l’instar de nombreux secteurs d’activité, nous avons, en effet, des difficultés à recruter, notamment des femmes. Nous sommes positionnés sur une activité relativement récente alors que les écoles et les universités commencent à peine à ouvrir des masters spécialisés dans les énergies renouvelables. En effet, il n’existe pas beaucoup de cursus spécifiques qui forment à nos métiers, ce qui complexifie le recrutement.
De plus, notre industrie s’est significativement développée au cours des dernières années, ce qui entraîne des tensions sur de nombreux métiers. Nous devons faire preuve de flexibilité afin de trouver des talents issus d’autres industries, mais qui ont des compétences adaptables à nos métiers. En parallèle, nous investissons beaucoup dans la montée en compétence et la formation de nos collaborateurs. Néanmoins, pour de jeunes ingénieurs, nos métiers offrent de très belles trajectoires de développement professionnel.
Comme beaucoup de secteurs, nous peinons à attirer les femmes dans nos métiers. Cela s’explique notamment par le fait qu’encore aujourd’hui la proportion de femmes dans les écoles d’ingénieur reste très limitée, alors que celles qui optent pour des écoles de commerce ne vont pas forcément choisir les métiers de la finance.
À notre niveau, nous essayons de valoriser nos métiers auprès des compétences féminines, de mettre en avant des parcours et de créer des « rôles modèles » féminins pour susciter des carrières. Nous avons aussi adapté nos processus de recrutement, afin d’avoir sur chaque poste ouvert au minimum le choix entre un homme et une femme sur la dernière ligne droite.
Quelles sont justement les perspectives de carrière que vous offrez aux ingénieurs ?
Nous recherchons des experts et des profils opérationnels sur l’ensemble de nos métiers. Nous offrons des parcours de carrière très flexibles avec des passerelles entre les différentes fonctions. Ainsi, un ingénieur peut commencer sur des fonctions techniques ou financières et évoluer vers de la gestion de projet, un rôle plus commercial ou bien du management d’équipe. Contrairement aux industries plus matures et aux grands groupes, chez H2air, qui reste à taille humaine, les jeunes ingénieurs se voient confiés des tâches très diversifiées et transverses, et peuvent prendre des responsabilités beaucoup plus rapidement.