Biodiversité : un enjeu de société
« Nous faisons la guerre à la nature », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à l’ouverture de la 15e Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique, en décembre dernier. Et pour cause : on estime que, sur les huit millions estimés d’espèces végétales et animales, un million est menacé d’extinction dans les prochaines décennies. En France métropolitaine, ce sont 14 % des mammifères, 24 % des reptiles, 32 % des oiseaux nicheurs ou encore 19 % des poissons d’eau douce qui sont menacés de disparaître du territoire. Ces chiffres traduisent une réalité alarmante : celle d’une sixième période d’extinction de masse, comparable à celle qui a entraîné la disparition des dinosaures il y a 66 millions d’années.
“La protection de la biodiversité offre de précieuses opportunités sociétales.”
Nous peinons collectivement à prendre pleinement conscience de l’ampleur de la crise. Peut-être parce que ses manifestations ne sont pas encore aussi perceptibles que celles du dérèglement climatique. Pourtant, la perte de biodiversité affecte déjà les rendements agricoles, la qualité de l’eau et de l’air. Elle augmente le risque de transmission de maladies infectieuses de l’animal à l’homme et diminue nos chances de découvrir de nouveaux médicaments. Elle menace aussi fortement notre économie, puisque plus de 50 % du PIB mondial en dépend.
Et puis, comme le rappelle la Secrétaire exécutive de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques : « Au-delà des questions de chiffres, de moyens, il faut se rappeler ces questions éthiques et de valeurs : est-ce que l’on veut vivre seul sur cette planète ? C’est la qualité de notre vie sur Terre qui est en jeu à ce moment de l’histoire. » La destruction d’habitats, la surexploitation de ressources naturelles, les dérèglements climatiques, les pollutions diverses, les introductions d’espèces exotiques envahissantes… sont tout autant de pressions qui s’accumulent sur les écosystèmes et qui causent leur dérèglement brutal après des milliards d’années d’évolution.
« C’est l’ensemble de nos modes de production et de consommation qui est en cause et qui doit changer en profondeur. »
Alors oui ! il est urgent de créer des réserves, de protéger certaines espèces, certains espaces emblématiques. Mais, face à l’ampleur et à la complexité du phénomène, cette approche historique de conservation de la biodiversité atteint ses limites. C’est l’ensemble de nos modes de production et de consommation qui est en cause et qui doit changer en profondeur. Et, si ces transformations sont souvent perçues comme des contraintes, nous prenons progressivement conscience que la protection de la biodiversité offre également de précieuses opportunités sociétales, en matière de développement économique, de lutte contre le changement climatique, de préservation de la santé humaine ou encore d’équité sociale. La biodiversité est un sujet de société majeur, au croisement de défis sanitaires, économiques et climatiques, pour lequel il est urgent et opportun de s’engager. C’est tout l’objet de ce dossier que de tenter de le montrer.
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