BioUp : faire émerger des leaders mondiaux français en HealthTech
En 2019, Elsy Boglioli (X01) a fondé BioUp, pour combiner son expertise stratégique et sa passion pour la solution des défis opérationnels auxquels les entreprises de la tech de santé font face. Son portefeuille d’activités lui permet de tirer un plein profit de ses expériences passées, dont le coaching.
Quelle est l’activité de BioUp ?
J’ai créé BioUp en 2019 pour accompagner des start-up prometteuses dans la santé, en particulier dans leurs efforts de développement et montée en échelle. Nous avons beaucoup de très belles jeunes sociétés dans ce domaine en France, mais encore trop peu de licornes ou même d’entreprises valorisées plusieurs milliards.
Quel est ton parcours ?
À la sortie de l’X, je ne savais pas bien vers quel type de métier m’orienter et j’ai assez naturellement choisi le conseil, voie idéale pour explorer plusieurs secteurs. J’ai passé douze ans au Boston Consulting Group et j’ai adoré ce chapitre de ma vie professionnelle. J’ai travaillé dans la grande consommation, dans la banque, dans l’industrie lourde, et puis je suis tombée amoureuse du secteur santé. Par la suite, en tant qu’associée à Paris, j’ai développé une activité auprès de jeunes sociétés de biotechnologie, et ces sociétés m’ont tant plu que j’en ai rejoint une, Cellectis, en 2017, en tant que directrice des opérations. Puis, en 2019, j’ai décidé de créer ma propre structure pour pouvoir travailler avec plusieurs sociétés et les aider à se développer.
Comment t’est venue l’idée ?
Alors que j’étais encore au BCG en 2016, j’ai travaillé avec France Biotech sur un état des lieux du secteur Biotech-HealthTech en France. Nous avons analysé les freins du secteur et proposé des pistes pour permettre aux entreprises de mieux se développer. Puis en 2020 j’ai travaillé à nouveau sur ce sujet avec BPI France et BCG. Nous avons constaté que les freins étaient toujours là et que la France n’avait pas réussi à « briser le plafond de verre » de la HealthTech. Le secteur de la santé, en particulier le développement de médicaments, est complexe et nos jeunes pousses ont trop souvent tendance à réinventer la roue. En créant ma structure pour accompagner plusieurs sociétés, j’espère leur apporter une combinaison unique d’expertise en consulting stratégique, acquise au BCG, et de capacité d’exécution terrain, grâce à mon passage chez Cellectis. Mon objectif : contribuer à faire émerger des leaders mondiaux français en HealthTech !
Qui sont les concurrents ?
Je travaille beaucoup en réseau et j’ai plus de partenaires que de concurrents ; les fonds d’investissement par exemple sont des acteurs clés qui peuvent eux aussi accompagner les jeunes pousses. Mais les dirigeants ont besoin d’être épaulés aussi par des indépendants, et c’est en cela que nous sommes complémentaires.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
J’ai commencé par travailler avec deux, puis trois clients, passant une à deux journées par semaine avec chacun. Petit à petit mon modèle a évolué et je passe aujourd’hui en moyenne quelques heures par semaine avec chaque client. J’ai réalisé que, en peu de temps et avec un bon niveau de préparation, on peut débloquer de nombreux sujets stratégiques, lancer des recrutements clés ou préparer une réunion avec des investisseurs. Je pense que savoir faire évoluer son modèle et se réinventer au fil de l’eau est essentiel lorsque l’on entreprend.
Quels sont les problèmes que rencontrent les entreprises de biotechnologie, en France et dans le monde ?
Il y a deux problèmes très spécifiques au secteur des biotechnologies. D’une part évidemment la complexité et les ordres de grandeur auxquels une société doit faire face, dans toutes les dimensions : temps, coûts de développement, montants à investir. Alors qu’une société dans le numérique peut mettre sur le marché un produit en quelques mois et l’améliorer en continu, il faut déjà plusieurs années pour qu’une société de biotechnologie puisse envisager de démarrer un essai clinique chez l’homme. Et ensuite encore de nombreuses années pour passer les différentes phases de développement clinique. Les montants à investir se chiffrent quant à eux en dizaines, voire centaines de millions. L’autre spécificité est la pluridisciplinarité. Il faut bien souvent une dizaine de personnes seniors pour réussir le développement d’un médicament. Au-delà des fondateurs (CEO, chief scientific officer), il faut embaucher rapidement les chief medical officer, chief regulatory officer, chief quality officer. Ces fonctions sont parfois négligées, car les scientifiques pensent que la science parlera d’elle-même ; mais la réalité est différente et de nombreuses sociétés échouent à cause d’erreurs sur ces fonctions perçues comme « auxiliaires ».
Les entreprises françaises ne disposent-elles pas d’avantages sérieux, comme le crédit d’impôt recherche, des données médicales centralisées (via la sécurité sociale), un système de santé cohérent ?
Ces avantages existent, mais ne suffisent pas à réussir le développement d’un médicament. Grâce au CIR et aux diverses modalités d’aide de BPI France, les jeunes entreprises arrivent à se financer et à passer les toutes premières étapes de leur vie ; mais, si les études cliniques et les aspects réglementaires ne suivent pas, alors ces aides sont vaines et c’est malheureusement ce que l’on a souvent observé par le passé.
“Quand on sort de l’X, on peut se permettre de prendre des risques.”
Tu es passée par le conseil, l’entreprise, et tu es maintenant indépendante : est-ce l’avenir de tous les X et de toutes les Xes ?
Je le souhaite à tous ! Enfin, à tous ceux qui en ont envie. L’indépendance est un modèle de carrière qui se développe et est très attractif. Les carrières n’ont plus lieu d’être linéaires, limitées à un grand groupe, avec une progression classique et progressive des échelons de la hiérarchie. Être indépendant c’est avoir plusieurs vies, plusieurs carrières, se donner la liberté d’explorer différentes pistes et de choisir les personnes avec lesquelles on souhaite collaborer. Aujourd’hui je travaille avec environ une quinzaine d’entreprises, dans des secteurs très variés, de la thérapie cellulaire à l’accompagnement des jeunes parents. J’accompagne des entrepreneurs brillants, ambitieux, courageux et incroyablement sympathiques. Je n’ai pas un seul client avec lequel je m’ennuie, ni un conseil dans lequel je ne me sens pas utile. C’est une vraie richesse et une chance.
Que devrait-on faire, à ton avis, pour que les ingénieurs et les personnes issues d’une formation médicale apprennent à mieux travailler ensemble ?
Je crois que pour une fois nous n’avons rien à faire, la science s’en charge. Aujourd’hui les sujets d’ingénierie sont partout en médecine : data science, tech, IA, appliqués aux analyses des données de biologie, etc. TreeFrog, société dont je préside le conseil de surveillance, est un excellent exemple en la matière. Le cœur de notre science est l’application de technologies de pointe à la biologie pour recréer des niches biomimétiques, afin de permettre le développement de cellules dans un environnement qui est le plus similaire possible à celui du corps humain. Metafora Biosystems est un autre exemple, avec l’utilisation d’IA pour optimiser des techniques d’analyse de profil cellulaire. En résumé, cela fait des années que nous en parlions, mais la convergence santé et technologie est enfin là, avec des exemples concrets d’applications médicales.
Dans ce numéro, nous voyons qu’il y a des femmes engagées dans le DataLab de la Gendarmerie nationale. Tu effectues toi-même du mentorat auprès d’anciens membres féminins de l’unité technologique de l’armée israélienne. Qu’est-ce qui les différencie des femmes passées par l’X ?
C’est une question difficile ; je connais de nombreuses femmes passées par l’X et leurs parcours sont tous différents. Ce que j’observe en Israël, c’est peut-être une plus forte appétence au risque. En France même, si les carrières sont de moins en moins linéaires quand on sort de l’X, on a tout de même une certaine pression sociale et il peut sembler naturel de rejoindre un grand groupe. Les femmes que j’accompagne en Israël sont toutes déjà passées par plusieurs sociétés à l’âge de trente ans et elles ont souvent travaillé dans des start-up. Quand on sort de l’X, on peut se permettre de prendre des risques, car on a justement une bonne assurance académique, donc il ne faut pas hésiter à oser !