Blues en si bémol
Tout roman est autobiographique. On connaît le mot de Flaubert : « Madame Bovary, c’est moi. »
François Mayer n’échappe évidemment pas à la règle, et si son premier ouvrage La Digue de sable était ouvertement un récit, Alain Berthier, le personnage central et narrateur de son nouveau roman Blues en si bémol, quoi qu’il s’en défende, c’est lui !
Le roman se situe dans l’immédiat après-guerre. Comme Mayer, Alain Berthier, issu d’une famille bourgeoise, entre dans l’industrie à sa sortie de l’X et, parallèlement, joue du cornet dans des ensembles de jazz. Et il va découvrir en même temps les arcanes, les chausse-trappes et les joies de la vie en entreprise, et ceux, plus complexes encore, du commerce des femmes. Mais cette description lapidaire ne saurait rendre compte d’un livre beaucoup plus ambitieux. Blues en si bémol est le récit d’une initiation, d’un passage de la vie simple et claire au monde réel, qui entremêle en un contrepoint exigeant et subtil les manipulations dont un jeune X est l’objet dans un groupe industriel, l’insertion d’un musicien amateur parmi des musiciens professionnels et le cheminement amoureux d’un garçon qui ne peut se résoudre à aliéner sa liberté.
Écrit dans un style vif, concis et qui pétille d’intelligence, Blues en si bémol, dont le sous-titre Paris-Lyon-Méditerranée résume par ailleurs le déroulement géographique du récit, se lit d’une traite et avec un plaisir sans mélange. À recommander sans réserve à ceux qui attendent d’un roman, au-delà du petit bonheur d’une histoire bien écrite et bien conduite avec des personnages complexes, la découverte d’un milieu, ici celui de l’industrie de la fin des années 40, qui ne le cède en rien, par sa dureté et ses faux-semblants, à celui des polars américains de la même époque.