Alain Nicolaïdis (X62), bourlingueur
L’histoire d’Alain Nicolaïdis, est celle d’un français et métèque gréco-angevin-breton, reçu en sept demi parce qu’il préférait le français aux maths, qui n’a jamais réalisé son rêve de dessiner des bateaux, et a fini par plonger dans l’informatique et est devenu grand dirigeant de sociétés.
Un bourlingueur, grand dirigeant de sociétés : Matra Datavision (1979−1987), à la tête de la CAO 3D, puis Matra Transport (1987−1990), avec l’aventure du métro automatique Val, adopté par Taipei, l’aéroport O’Hare de Chicago et pour la desserte d’Orly ; Spie Automation et Jeumont Schneider Automation (1990- 1995), « triste métier qui consiste à mettre beaucoup de monde au chômage » ; Spie Batignolles International, avec l’épopée du tunnel sous la Manche et le métro de Caracas (1995−2000).
Animateur d’équipe, homme ouvert, chaleureux, d’expression facile, ses métiers d’une carrière riche et variée l’ont emmené sur tous les continents, « je me nourrissais au kérosène ».
Citoyen du monde
« Ma famille paternelle est originaire de Castoria (nord de la Grèce, plus slave que méditerranéenne). Mon grand-père avait un négoce de fourrures (au XIIIe siècle déjà, Castoria était un comptoir vénitien achetant des peaux aux chasseurs slaves), avec des antennes à New York, Düsseldorf et Paris.
Lorsque mon père a décidé de devenir chirurgien, il a choisi la France car il parlait déjà très bien le français, tradition des familles démocrates (pour les familles royalistes, c’était l’allemand). Il a épousé une Française, médecin elle aussi, ce qui m’a valu de naître français et métèque gréco-angevin-breton.
Je dois énormément à ma famille, à mes grands-parents, à mes parents et à la diversité de leurs origines et cultures. Ayant épousé une métisse franco-vietnamienne, vous imaginez le mélange génétique de mes enfants. Mes parents m’ont aimé, mais jamais couvé, et, aussi loin que puisse remonter ma mémoire, ils m’ont toujours considéré comme un adulte. »
Puis, des études d’abord aisées : « De la cinquième à la première : lycée Mangin (aujourd’hui Mohamed‑V) à Marrakech où mes parents avaient installé leur clinique.
Vie de rêve : tennis en face du lycée, ski à une heure et demie, les fastes de l’Orient à la “cour” du Glaoui, le pacha de Marrakech. » Plus mouvementées, ensuite.
Dessiner des bateaux
Math sup et math spé : Henri-IV. Pas très bonne prépa (pas plus de quatre ou cinq à l’X sur cinquante) mais, en fait, pas la bosse des maths et surtout une vie très dissolue (une maîtresse très jet set, incontestablement plus agréable que les livres de maths).
“ Je dois énormément à ma famille, à la diversité de ses origines et cultures ”
Collé partout en cinq demi (admissible seulement à l’X, grâce au français mais petit oral impitoyable pour ceux qui sont admissibles grâce à un 18 dans cette matière). Exilé à Clermont-Ferrand au lycée Blaise- Pascal. Vie monacale, bachotage et remarquables professeurs. Résultat : admis partout, en particulier à l’X (malgré 9,5 et 10,5 aux deux épreuves de maths, notes peu glorieuses pour un sept demi, mais grâce à un 18 en physique en plus du 18 habituel en français).
« En fait, j’ai beaucoup ramé pour entrer à l’X car, bien que plutôt littéraire, je voulais dessiner des bateaux, et on m’avait dit que c’était impossible sans passer par le Génie maritime et le préalable de la rue Descartes. Ce qui était évidemment faux.
En fait, dessiner des bateaux, c’est peut-être la seule chose que je n’ai jamais faite. La Marine n’avait d’yeux que pour l’électronique. Donc, Supélec : dure, dure, l’immersion en troisième année. »
L’essor de l’informatique
Pas très passionné par les radars de poursuite, Alain Nicolaïdis se donne à Sciences-po un vernis économique, et propose l’informatisation de la gestion des arsenaux : « Une période fabuleuse : bien que borgne au pays des aveugles, je me suis senti utile comme jamais ; en fait indispensable au point de refuser – le temps d’un week-end seulement – un poste d’attaché scientifique à Washington, qui me permit de découvrir le fabuleux essor de l’informatique aux États- Unis. »
“ La voile a sûrement été ma meilleure école pour la direction des hommes ”
Impliqué dans les négociations État-Honeywell, il se retrouve au ministère de l’Industrie. Sous-directeur à la direction des industries électroniques et de l’informatique, il y fut responsable de 1974 à 1979 du Plan calcul, « qui fut pourtant, j’en suis très fier, à l’origine de la puissance de l’industrie française du logiciel ».
Il créa alors la Société Datavision, revendue à Matra, dix-sept mois après sa création, seize fois la mise : « Jean-Luc Lagardère se plaisait à répéter que c’était la seule société achetée par Matra qui n’avait jamais eu à appeler au secours la maison mère. »
Meneur d’hommes
La voile, qu’il a pratiquée au plus haut niveau, lui a développé des qualités de meneur d’hommes, Alain Nicolaïdis en est persuadé. En course de haute mer, en particulier, on apprend à évaluer les risques, « on a peur, on se demande ce qu’on fait là, on est frustré quand on a fait un mauvais choix tactique.
La voile a sûrement été la meilleure école pour le seul métier que, sous diverses formes, j’ai exercé avec un certain bonheur : la direction d’entreprises c’est-à-dire des hommes, d’un équipage. »
Pour en savoir plus
Alain Nicolaïdis, Fiordalisa (2 tomes)
L’amour de la régate lui infligea son plus grand échec : malgré trois tentatives, point de sélection pour les jeux Olympiques.
Aujourd’hui, il continue d’être pleinement heureux. Retraité, il partage sa vie entre l’écriture, d’abord un roman historique, Fiordalisa, et la croisière : après un demi-tour du monde jusqu’en Nouvelle- Calédonie sur un catamaran de quinze mètres, il continue encore à bourlinguer.