Brefs témoignages d’anciens en activité
Dans la gendarmerie
Dans la gendarmerie
Avant d’intégrer l’X, je ne connaissais pas particulièrement le milieu militaire, n’y ayant notamment aucune famille, de près ou de loin. J’ai découvert l’Armée au cours du service national, effectué dans la cavalerie, puis à Pau, dans le cadre du club de parachutisme de l’École. Ayant remarqué que j’y étais à l’aise, j’ai choisi la gendarmerie, que je ne connaissais pas davantage, après en avoir brièvement parlé avec l’officier de gendarmerie de l’École,
C’était donc en fait pour moi un véritable saut dans l’inconnu. Ayant choisi de commander sur le terrain, je n’ai pas été déçu. Lieutenant, commandant de peloton à l’escadron de gendarmerie mobile de Chartres, j’ai eu ensuite la chance de commander comme capitaine un autre escadron de gendarmerie mobile, à Versailles-Satory. On m’a ensuite confié le commandement de la compagnie de gendarmerie d’Angers, qui ne me laisse que d’excellents souvenirs. Puis ma formation scientifique m’a rattrapé, et on m’a demandé en 1987 de créer le laboratoire de police scientifique de la gendarmerie. J’en assure encore la direction, non sans avoir entre-temps commandé le groupement de gendarmerie départementale de Charente-Maritime (La Rochelle) de 1993 à 1996. Mission passionnante que de diriger ce laboratoire, dont la création a été difficile, mais qui m’apporte maintenant beaucoup de satisfaction.
J’ai été longtemps seul X dans la gendarmerie, plongé dans un milieu où régnait traditionnellement la licence en droit et où les scientifiques étaient quelque peu marginalisés, il m’a été demandé de faire mes preuves. Un successeur n’est arrivé que dix ans après. Depuis cinq ans, un X choisit la gendarmerie chaque année, ce dont je me réjouis.
Le métier d’officier de gendarmerie est passionnant et varié, essentiellement tourné vers le contact humain, interne à l’arme et externe, envers les diverses autorités et le public. Il nécessite bon sens, pragmatisme, esprit de décision, mais aussi une grande disponibilité. Selon ses aspirations, on peut y effectuer différents métiers. Je ne pourrais que le recommander à de jeunes camarades qui auraient le sens du service public, un certain goût pour l’uniforme bien entendu, et le souhait de servir dans une institution assez traditionnelle au sein de laquelle on dispose, cependant, d’une très grande liberté d’action.
Colonel Serge Caillet (75)
Dans l’armée de l’air,
Cet article a pour objet de décrire ma carrière militaire au sein de l’armée de l’air, et n’a aucunement vocation à commenter ou prendre position sur celle-ci. Il va de soi que la richesse de mes expériences en son sein ne signifie pas qu’elle constitue un monde dénué de tout défaut, ce qui serait assez surprenant pour une structure de plus de 70 000 hommes et femmes, en constante évolution.
Il m’est difficile d’évoquer ma carrière militaire sans préciser au préalable ce qui m’a conduit à entrer dans le corps des officiers de l’air. Outre une passion pour le milieu aéronautique, deux facteurs sont à l’origine de mon choix. D’une part, la première année de formation, effectuée au sein de l’escadron EC 4⁄7 » Limousin » (alors équipé de Jaguar et stationné sur la base aérienne d’Istres), a été l’occasion de découvrir la vie en escadron de combat ainsi que le vol à réaction. D’autre part, l’extraordinaire diversité des enseignements dispensés à l’X fut génératrice d’une certaine hésitation quant à la voie à choisir, ce qui m’incita à faire le choix de la passion.
En septembre 1989, j’ai rejoint l’École de l’air pour y suivre la formation initiale en vol, sur Fouga Magister, avec les élèves de troisième année. Puis j’ai rejoint l’École de chasse, à Tours, où j’ai obtenu mon brevet de pilote en octobre 1990, avant de poursuivre ma formation sur Alpha-jet et de recevoir, en mars 1991, ma première affectation à l’EC 3/3 » Ardennes « , basé à Nancy-Ochey et équipé de Mirage III E. C’est dans cet escadron que j’ai acquis mes différentes qualifications, sur Mirage III E puis sur Mirage 2000 D, pilotant ainsi successivement le plus vieil avion en service et le plus récent.
Des cinq années passées au 3/3, je retiens surtout trois points :
- la force, la grandeur et l’extraordinaire richesse des relations humaines au sein d’une unité de combat,
- la rigueur et l’entraînement nécessaires pour réaliser les missions opérationnelles (dans les Balkans en ce qui me concerne),
- l’exaltation procurée par l’utilisation débridée de la troisième dimension (en particulier lors des présentations en vol que j’ai eu la chance d’effectuer sur Mirage III E en 1993).
Après ces années d’engagement humain et opérationnel, j’ai choisi de rejoindre l’équipe de marque Mirage 2000 D, petite structure située à Mont-de-Marsan et destinée à conseiller l’état-major dans la conduite des programmes d’armement, en jouant un rôle d’interface avec les industriels et la DGA. C’est donc avec une double casquette de conseiller de l’état-major parisien et d’expert militaire auprès de l’industriel que j’ai participé au développement du nouveau standard R2 de l’avion. J’ai pu y retrouver une approche technique d’un problème (ce que le rythme de la vie en escadron ne permet pas), combinée à une prise en compte des contingences opérationnelles, au sein de groupes de travail armée de l’air-DGA-industriels aux intérêts parfois (souvent ?) divergents, mais tenus par une obligation de résultat.
Ce fut une expérience extraordinaire en tout point, qui s’est achevée par les » crash programmes » déclenchés peu avant la campagne aérienne au Kosovo. Plusieurs d’entre eux concernaient le Mirage 2000 D, et nous avons réalisé en un temps record des améliorations importantes, grâce bien évidemment aux efforts déployés par l’industriel, mais aussi en partie grâce à la confiance accumulée au fil des réunions entre les différents intervenants.
Il m’a été difficile après une telle expérience de reprendre le chemin de l’école, pour une année au Collège interarmées de Défense, mais il s’agit d’un point de passage imposé dans l’armée de l’air pour un retour dans les » forces « , avant de basculer ensuite vers une carrière en état-major central.
La transition fut brutale, entre l’enthousiasme né de l’intensité des travaux de développement de programme, réalisés souvent dans l’urgence mais où la prise en compte du détail est presque obligatoire, et le recul nécessaire aux travaux de planification en état-major.
À la sortie du CID, j’ai rejoint l’Escadron de reconnaissance 1⁄33 » Belfort « , en tant que commandant en second, équipé de Mirage FI CR, c’est une unité d’environ 220 personnes, à la tête de laquelle j’achèverai en 2003 mon cursus de pilote de chasse » actif » avant d’entamer une seconde carrière.
Si mes origines polytechniciennes ont parfois constitué un avantage (notamment en incitant mes supérieurs à me donner un droit de parole assez large), elles ont jusqu’à présent eu pour principal corollaire l’absence de promotion (de l’École de l’air) de référence, par rapport à laquelle s’établit néanmoins l’essentiel des plans de carrière, et surtout un séjour en unité opérationnelle écourté de deux ans, afin de » gommer » mon avance de deux ans dans le grade entre la sortie de l’X et l’entrée au CID. Bien évidemment, ces origines font également de moi un correspondant privilégié pour les élèves qui effectuent leur première année sur la base aérienne où je suis affecté : une façon d’entretenir le lien avec l’École, mais aussi de réaliser combien les années passent vite.
Lieutenant-colonel Alexandre Dupuy (86)
Dans l’armée de terre,
Comment peut-on être X dans l’armée ? Cette question est celle que posent rituellement ceux qui, civils ou militaires, découvrent que leur interlocuteur est à la fois X et militaire dans l’armée de terre, chasseur alpin en ce qui me concerne. Les interrogations sous-jacentes portent en fait sur les intérêts respectifs de l’individu et de l’institution, ce qu’on gagne à choisir le métier des armes après l’X et ce que l’armée y trouve. Au-delà de ces questions d’intérêt, l’incompréhension provient surtout de la méconnaissance de l’armée de terre, dans sa richesse humaine et sa modernité technologique.
Être militaire est d’abord une expérience humaine extrêmement enrichissante : quand, sur le terrain ou en opérations, on combat, travaille, vit, dort avec ses subordonnés, il se forge forcément des liens sans aucune mesure avec ceux qui peuvent être créés avec de simples collègues de travail. Il n’est pas possible de tricher, et la vraie nature de chacun est mise à jour. La remise en question est permanente, soit par les changements réguliers de fonction, soit par les contraintes dues à la mission. L’enrichissement n’est certes pas financier, puisqu’à responsabilités égales une solde est difficilement comparable à un salaire dans le privé.
À titre informatif, en tant que capitaine responsable d’une grosse centaine de subordonnés, ma solde brute est d’environ 15 000 F, certes suffisants pour vivre confortablement. En opérations extérieures, l’indemnité de sujétion pour séjour à l’étranger (1,5 fois la solde) se rajoute à la solde de base : on est encore loin d’un salaire d’expatrié, avec des contraintes opérationnelles et familiales très fortes (quatre mois d’absence sans retour ou permission). On ne s’engage pas pour faire fortune, c’est bien connu. L’intérêt principal, en fait, qu’à mon avis on trouve difficilement dans d’autres métiers, vient de la responsabilité totale qu’un chef a de ses subordonnés : ceux-ci lui confient leur vie, de la même manière que la sienne est dans les mains de ses propres chefs.
Dans ces circonstances, où l’erreur peut être fatale, la confiance doit être totale et réciproque : si un chef ne croit pas en ses hommes, et si ceux-ci se défient de lui son action est vouée à l’échec. L’idéal et la foi en son métier tiennent ainsi une place majeure, intimement liée à la notion de service : comme tout militaire, un officier sert la France, et est au service de ses subordonnés et de ses supérieurs.
Qu’apporte un X à l’armée ?
» Ne vous engagez pas si vous ne comptez pas devenir général » disait le général Marescaux aux fanas milis de la promotion 92, promotion extraordinaire qui vit six des siens rejoindre l’armée de terre, en plus d’un gendarme, d’un aviateur et d’un médecin des armées. Comme ça ne m’est encore jamais arrivé d’être général, sauf sur ordinateur, j’aurais du mal à commenter cette affirmation. Elle reflète pourtant l’intérêt qu’a l’institution d’exploiter le potentiel intellectuel, scientifique ou technique que peut représenter un X dans ces postes de responsabilité.
Pourtant, il faut du temps pour faire un général, et la bonne vingtaine d’années nécessaire est riche d’enseignements. Tout d’abord, les postes d’officier subalterne (lieutenant, capitaine) permettent d’acquérir de l’expérience, de s’imprégner de l’esprit de la maison. C’est le creuset, où les facultés d’organisation et de meneur d’hommes (et de femmes) sont mises à l’épreuve. Là, un X peut apporter un regard neuf.
À l’issue du temps de commandant d’unité élémentaire (je m’aventure là sur un sujet que je ne connais pas), le travail d’officier supérieur, formé et validé par le concours de l’enseignement militaire du deuxième degré, alterne postes en état-major et en corps de troupe, et devient plus conceptuel.
En clair, on n’a pas besoin d’X pour être lieutenant ou capitaine, ne serait-ce que parce que leur nombre est marginal ; en revanche, il s’agit d’un investissement à long terme pour honorer ces postes d’officier supérieur et d’officier général. Et ce n’est pas toujours facile d’avoir une étiquette » d’investissement à long terme « , d’être considéré comme le météore qu’attendent de hautes responsabilités, quand on a vingt-cinq ans et qu’on se passionne pour le commandement de ses hommes… Chaque chose en son temps !
Si la question » Que fait un X dans l’armée ? » se pose, c’est surtout parce que le métier d’officier est mal connu : on sait rarement la richesse et la diversité des postes offerts, qu’ils soient de commandement, de conception ou de maîtrise technique ; on ignore souvent les capacités technologiques que possèdent les armées, même si les matériels modernes annoncés arrivent toujours trop lentement au gré de ceux qui les servent ; et on a peine à imaginer la foi que peut et doit avoir un militaire pour s’adapter en permanence, en échange d’une reconnaissance illusoire. C’est là l’écho de la devise de l’École, » Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire ! »
Capitaine Genest Cartier (92)
Dans la marine,
Trois février 2001, quinze heures. Les vagues masquent l’horizon régulièrement, le vent souffle à 70 nœuds. Je reste à la passerelle de mon aviso. Encore quatre heures avant d’être abrités par la côte. » Réduisez à 8 nœuds ! « . » Bien commandant ! « . » Les deux moteurs AV 080. » Bientôt seize ans dans la marine.
Des souvenirs remontent. L’été dernier, à Djibouti, quand j’ai fait approvisionner les armes et rappeler au poste de combat, pour chasser les pirates, ou les heures interminables de patrouille par 50 °C, à veiller sur la sûreté du port. Un bon équipage que le mien.
Il y a deux ans, avec le Georges Leygues à Tarente comme commandant en second. Cinq semaines d’entraînement à la manœuvre et au combat. L’expérience est à la base de notre métier.
Il y a cinq ans à l’EMIA, quand j’ai participé à la planification pour notre intervention en Bosnie. Des moments parfois difficiles, mais combien instructifs !
Les cours à l’École atomique, il y a huit ans. C’était bien, la neutronique ; pour mes études sur le nouveau sonar installé sur sous-marin, j’étais aussi comme un poisson dans l’eau.
Il y a neuf ans sur le Saphir. Neuf semaines d’opérations : surveillance, chasse, exercices…
Il y a quatorze ans, enfin, sur mon patrouilleur, quand nous avons pris un pauvre plaisancier anglais en remorque après une nuit bien courte.
La mer semble diminuer. » Montez à 10 nœuds ! On va voir si ça passe. » » Bien, commandant, les deux moteurs AV 100 ! »
Capitaine de frégate Antoine Devaux (82)
À la DGA,
Le corps de l’armement est probablement le corps proposé à la sortie de IX ayant la vocation technique la plus affirmée. C’est ainsi qu’à l’issue de ma formation complémentaire à l’ENSTA, j’ai rallié en 1994 la douceur angevine et l’établissement technique d’Angers, spécialisé dans les systèmes d’armes terrestres. Dans un premier temps, j’ai travaillé dans le domaine de la robotique mobile, pour développer des méthodes et moyens d’essais, et assurer le soutien scientifique et technique des équipes d’essais. Le champ de mon activité s’est ensuite élargi à la vétronique – l’électronique embarquée dans les véhicules – dans le cadre d’un département dont j’étais responsable.
Au cours de ce premier poste, j’ai également eu l’opportunité de passer huit mois aux États-Unis, dans deux centres de la US Army impliqués dans les mêmes domaines techniques. Outre le bénéfice indéniable sur le plan linguistique, ce type d’expérience internationale in situ reste sans égal pour comprendre les enjeux et difficultés des actions en coopération.
Fort de cette expérience technique très formatrice, j’ai naturellement voulu me rapprocher ensuite de la conduite de programmes d’armement, qui constitue le cœur du métier de la DGA. C’est pourquoi j’ai rejoint fin 1998 le service des programmes d’observation, de télécommunication et d’information, en devenant rapidement responsable d’un projet de messagerie sécurisée, d’environ un milliard de francs (150 MC faut-il dire maintenant…). Ce projet contribue directement à la rénovation des architectures de télécommunication du ministère de la Défense, en intégrant les nouvelles technologies de l’information tout en assurant le niveau réglementairement élevé de la sécurité de l’information.
Avec une maîtrise d’œuvre constituée d’EADS et THALES, ce projet est touché de près par les restructurations de l’industrie de l’armement. Il l’est également par les divers choix politiques qui ont marqué l’évolution du monde de la défense : professionnalisation des armées, dimension européenne croissante, objectif pour la France d’être nation cadre, etc. Autant de challenges que les ingénieurs de l’armement doivent désormais relever dans la conduite des programmes, au travers de leurs décisions quotidiennes.
Depuis quelques mois, je suis également l’un des huit directeurs d’opération du service, en charge des services de communication et de sécurité des systèmes d’information. Cette fonction extrêmement motivante que j’exerce à 32 ans met en évidence l’un des atouts du corps de l’armement, qui confie assez rapidement aux jeunes ingénieurs de l’armement d’importantes responsabilités.
Arnaud Vandame (89), ingénieur de l’armement