Brevet, licence et stratégie d’entreprise
REPÈRES
REPÈRES
La fonction première du brevet est d’assurer la protection d’une innovation technique, protection sans laquelle nombre d’acteurs hésiteraient à investir dans des programmes de recherche et développement. Le brevet accorde à l’inventeur une exclusivité dans l’exploitation du procédé breveté, pendant une durée généralement de vingt ans, pour le pays dans lequel le brevet est valide, et le protège contre la contrefaçon. Si le détenteur de brevet détecte un tiers contrefacteur, il a la possibilité de lui interdire la poursuite de la production de produits utilisant indûment le procédé protégé.
Des entreprises en nombre croissant ont compris qu’il est important de déposer des brevets pour protéger leurs innovations et leurs produits. Celles qui les utilisent pour dégager des revenus additionnels en concédant des licences à des tiers sont en revanche beaucoup moins nombreuses. Celles qui font de la gestion de leur propriété intellectuelle et de leurs brevets un fondement de leur stratégie sont encore plus rares.
La concession de licences
Le refus d’Apple
Le refus de licencier peut s’observer dans des marchés comme l’électronique ou l’informatique. Apple en est un exemple : disposant d’une position commerciale très forte construite sur la facilité d’utilisation de ses produits, la firme refuse avec constance de licencier ses droits de propriété intellectuelle afin de protéger ses tarifs élevés. Apple déploie désormais cette stratégie sur le terrain juridique.
Le détenteur d’un brevet peut concéder à des tiers des licences d’exploitation, c’est-à-dire les autoriser à exploiter le procédé protégé, moyennant paiement de redevances. Il renonce implicitement au monopole que lui confère le brevet. D’un point de vue économique, les redevances perçues des industriels licenciés doivent compenser la baisse attendue des marges de l’inventeur. Ce raisonnement n’est pas toujours valable. Dans des marchés fermés où interviennent peu d’acteurs, il est souvent préférable de refuser la concession de licences et d’exploiter pleinement la capacité d’exclusion conférée par le brevet.
Des licences non exclusives
Compenser des redevances faibles par de grands volumes
Dans des marchés très ouverts, comme l’électronique ou l’informatique, où interviennent un grand nombre d’acteurs, marqués par le foisonnement des technologies et des innovations, l’usage est de concéder très largement des licences non exclusives. Les redevances unitaires sont généralement faibles, mais c’est compensé par de gros volumes de production.
Vente de produits et concession de licences
Il n’est pas forcément évident de faire coexister deux modèles d’affaires fondés respectivement sur la vente de produits et sur la concession de licences. En effet, si le licencié est un concurrent direct, chaque vente qu’il réalise se traduit par une marge nette très inférieure à celle réalisée par l’industrie du détenteur. Certes les coûts marginaux et le risque industriel sont à peu près nuls (une fois l’investissement de recherche réalisé), mais l’absorption de coûts de structure est également quasi nulle, et la généralisation sans précaution de ce modèle peut conduire à la disparition de l’activité productive en propre. Une activité d’innovation permanente permet au détenteur de maintenir un différentiel constant à l’égard de ses licenciés. Cette activité inventive permanente se traduit également par un flux de dépôts de nouveaux brevets, qui vont renforcer le portefeuille de droits.
Équitable, raisonnable et non discriminatoire
Le « Graal » dans la concession de licences est atteint quand un brevet protège un procédé nécessaire à la mise en conformité avec une norme internationale. La détention du brevet équivaut alors pratiquement à un droit de battre monnaie. Tout industriel souhaitant produire un produit conforme est obligé d’utiliser le procédé, et donc, s’il veut être en règle avec le droit international, de prendre une licence et de verser des redevances au détenteur du brevet. Les contributions aux organismes de normalisation sont étroitement encadrées. Il est généralement demandé aux contributeurs de s’engager à l’avance à concéder des licences, de façon à empêcher la formation de monopoles, et à le faire à des conditions équitables, raisonnables économiquement, et non discriminatoires (d’où le fameux acronyme FRAND pour fair, reasonable and non discriminatory ). L’interprétation de ces notions donne lieu à d’âpres disputes, le plus souvent litigieuses.
Se maintenir à la pointe de la technologie
L’innovation permanente permet de maintenir un différentiel constant à l’égard des licenciés
Un excellent exemple est fourni par la société américaine Dolby, célèbre par son logo apposé sur des équipements audio fabriqués par des industriels licenciés. Dolby continue à concevoir et à produire des équipements professionnels, ce qui lui permet de se maintenir à la pointe de la technologie dans un contexte concurrentiel, et de renouveler en permanence ses brevets. Dolby tire les deux tiers de son chiffre d’affaires (près d’un milliard de dollars en 2010) de ses activités de licensing. On exploite ici la dualité entre marchés professionnels (faibles volumes, prix élevés, forte intensité de recherche et développement) et marchés grand public (grands volumes, prix bas, intensité R&D moyenne).
Intégrer la propriété intellectuelle
Après la stratégie industrielle et la stratégie produit, il faut intégrer la stratégie « propriété intellectuelle » comme élément fondamental de la stratégie de l’entreprise. Il s’agit alors d’intégrer pleinement les effets de l’acceptation de ses technologies par le marché (par exemple, par un effort déterminé de normalisation) et de porter l’horizon de réflexion stratégique à cinq ou dix ans.
Inverser l’équation
Une autre réponse peut consister à inverser les termes de l’équation. Dans le cas des produits audio MP3, les logiciels de codage-décodage étaient fournis gratuitement aux licenciés des brevets couvrant les technologies sous-jacentes, les redevances étant calculées en fonction du volume de produits. Ce modèle s’est révélé infiniment plus efficace pour la pénétration du MP3 que celui qui consiste à facturer des licences de logiciels sans support de brevets. Un concurrent basé dans un pays à bas coût de main-d’œuvre peut faire baisser arbitrairement le coût de production du logiciel ; en revanche le prix de la licence ne dépend que de facteurs d’attractivité et d’acceptabilité, et est, in fine, corrélé à la marge brute moyenne réalisée par l’industrie dans son ensemble sur le produit.
L’un des exemples les plus aboutis de cette intégration est fourni par la société américaine Qualcomm, qui génère un tiers de son chiffre d’affaires (11 milliards de dollars) par les redevances de ses brevets. Certains peuvent lui reprocher de ne développer des offres industrielles qu’à la seule fin de promouvoir ses technologies brevetées au sein des organismes de normalisation. D’autres observent qu’ils sont tout simplement plus cohérents et plus méthodiques que leurs concurrents, qu’ils planifient plus longtemps à l’avance, ou qu’ils pèsent plus soigneusement dans chaque décision les risques et opportunités dans la dimension des produits comme dans celle des licences.
La technologie avant les produits
Ce type de raisonnement n’est nullement réservé à de très grandes entreprises. Toute entreprise réussissant à gagner une influence significative dans le segment de technologie et de marché qu’elle couvre, aussi fin soit-il, est en mesure de le concevoir et de le déployer. La condition nécessaire est de s’astreindre à un raisonnement stratégique portant sur l’horizon du renouvellement des technologies sous-jacentes plutôt que des produits, et bien entendu de poursuivre un investissement au long cours en recherche et en innovation. La compréhension de cet enjeu devient capitale pour le succès du tissu industriel européen. Face à l’activisme d’acteurs spécialisés dans une approche litigieuse, face aux appétits des géants asiatiques qui grandissent sur les aspects de la propriété intellectuelle, le brevet achève sa mue d’un objet défensif en un actif délibérément tourné vers la conquête et s’invite à l’agenda des conseils d’administration.
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cession de licence d’exploitation
je suis detenteur d’une demande de brevet dont le titre est stipulé : procédé de calcul d’Amplitude thermique du thermoplat , une invention d’un chapitre de physiques ; j’en recherche les concessionnaires ou universités qui sollicitent les chaires.