Bruno Cattan (X93) : « X‑UP se distingue par l’excellence de son accompagnement »
Bruno Cattan (X93) est chargé de la Direction entrepreneuriat et innovation (DEI) de l’X depuis 2021. En 2015 l’École polytechnique avait lancé plusieurs initiatives en faveur de l’entrepreneuriat dont la création du Drahi‑X Novation Center et de la DEI, destinés à repérer et à accompagner les pépites entrepreneuriales issues des rangs de l’X et du plateau de Paris-Saclay. La stratégie de l’École vise aujourd’hui à compléter une action déjà significative, afin d’offrir, avec le renforcement de son incubateur X‑UP, un continuum d’accompagnement sur tout le parcours des entrepreneurs, des alumni et notamment des élèves qui veulent se lancer dans la création d’une start-up deep tech.
Peux-tu nous rappeler les étapes de création du Drahi‑X Novation Center et de la DEI ?
Le Drahi‑X Novation Center est le centre d’innovation et d’entrepreneuriat de l’École, ouvert en 2015, au sein duquel se trouve la DEI. Nous y menons trois activités : la sensibilisation des élèves et étudiants de l’École à l’innovation par la pratique au sein de notre espace de prototypage X‑FAB, en liaison avec le corps enseignant ; l’accompagnement de start-up technologiques issues de tous horizons au sein de notre incubateur X‑UP ; et l’hébergement de projets innovants d’organisations publiques ou privées partenaires de l’École. L’action de la DEI vise aussi à enrichir et à faire rayonner l’écosystème entrepreneurial de l’X – notamment par l’organisation avec la Fondation de l’X des prix Pivin, Gerondeau, et par des échanges réguliers avec Polytechnique Ventures – et aussi à organiser des événements avec IP Paris comme la Nuit de l’entrepreneuriat étudiant Innov’Night.
La genèse du Drahi‑X Novation Center est liée au constat fait par l’École au cours de la première partie des années 2010 : l’entrepreneuriat était sous-représenté à Polytechnique. En 2015, trois nouveaux dispositifs ont été déployés : un nouveau département d’enseignement et de recherche sur le Management de l’innovation et de l’entrepreneuriat (MIE) ; les prix de la Fondation de l’X – dans le cadre de sa deuxième campagne – pour soutenir l’entrepreneuriat des futurs diplômés et des jeunes diplômés polytechniciens ; et enfin le Drahi‑X Novation Center et son incubateur X‑UP, destiné à repérer et à accompagner les pépites entrepreneuriales issues des rangs de l’X et du plateau de Paris-Saclay. À l’époque, n’existait que l’incubateur IncubAlliance dont l’École était partenaire.
« Le Drahi‑X Novation Center et son incubateur X‑UP repère et à accompagne les pépites entrepreneuriales issues des rangs de l’X et du plateau de Paris-Saclay. »
Depuis son lancement en 2015, le Drahi‑X Novation Center proposait aux start-up le programme d’incubation X‑UP, ouvert à tous, et une pépinière qui s’appelait X‑Tech pour les héberger, sans que le tout ne communique vraiment. L’incubateur X‑UP était par ailleurs modeste – 6 start-up par promo – et complètement généraliste, ce qui ne permettait pas d’attirer des entreprises qui voulaient faire de l’open innovation ou des fonds d’investissement spécialisés. Puis, en 2019, le Drahi‑X Novation Center a été agrandi avec plus d’espaces de prototypage, des bureaux, des salles de réunion, permettant de commencer à accueillir au sein du centre d’autres départements de l’École et aussi des équipes d’innovation de grandes entreprises ou d’agences publiques.
Début 2022, nous avons lancé un plan de transformation du centre avec plusieurs objectifs : recréer des unités de lieu, créer de l’animation interne, fédérer la communauté de nos entrepreneurs, connecter le Drahi‑X Novation Center avec l’écosystème de Paris-Saclay (French Tech Paris-Saclay, EPA Paris-Saclay, Essonne Développement, France Digitale…), professionnaliser l’équipe de l’incubateur, et enfin retravailler nos offres pour devenir visibles, lisibles et crédibles dans un contexte de concurrence accrue entre les structures d’accompagnement à l’entrepreneuriat en région parisienne.
Quel a été ton parcours avant de rejoindre la DEI ?
Je suis X93, diplômé de Polytechnique et de Télécom Paris. J’ai passé toute ma vie dans la tech et dans l’innovation au sein de deux secteurs : les télécoms et l’audiovisuel. J’ai travaillé sept ans dans la téléphonie mobile, secteur en plein boom en 1998, contribuant au développement des premiers téléphones GPRS de Motorola, puis j’ai évolué chez Nokia et dans une start-up. Je me suis un peu arrêté en 2004 car j’ai eu des jumeaux !
Ensuite j’ai eu envie de sortir des entreprises qui faisaient la tech pour aller dans des entreprises qui utilisaient la tech. Je suis entré dans le groupe Canal+ où j’ai évolué pendant onze ans. J’ai contribué à relancer le processus d’innovation technologique du groupe à l’époque de l’arrivée de l’ADSL, de la TNT, de la 3G, du wifi dans les foyers… J’y ai énormément appris sur les sujets de gestion de produit et de stratégie d’innovation. Notre plus belle réussite est d’avoir prototypé la télévision sur internet en 2007, ce qui a ensuite donné lieu au lancement des offres de télévision en streaming du groupe. Par la suite je me suis occupé du passage au tout numérique (extinction du réseau analogique, déploiement de la TNT, migration des abonnés).
Et plus tard j’ai été directeur technique et digital de Canal+ Overseas (Afrique, Viêtnam, outre-mer…) avec de grands enjeux de transformation business et technologiques. J’ai eu la chance de travailler avec tous les métiers chez Canal+, dans une vraie culture de la transversalité. Enfin, après cinq ans chez Eutelsat, j’ai voulu donner une autre couleur à ma carrière et j’ai postulé pour être directeur de l’entrepreneuriat et de l’innovation à l’École polytechnique.
X‑UP propose désormais trois nouvelles offres : X‑UP Create, X‑UP Scale et X‑UP Access. Qu’est-ce qui a motivé ces innovations ?
Nous faisons tous face à des défis majeurs comme le changement climatique et le besoin de renforcer l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe. L’innovation, troisième pilier stratégique de l’École, peut et doit y contribuer, en liaison notamment avec les objectifs du plan France 2030. À l’École, elle revêt plusieurs formes.
C’est d’abord la réussite de nos anciens qui créent des start-up à succès : un quart des scale-up du Next40 ont été fondées par des anciens de l’X, bravo à eux ! C’est aussi l’innovation issue de la recherche de nos 23 laboratoires (transfert technologique, recherche partenariale, spin-off). À ce sujet, nous œuvrons à renforcer notre position en contribuant aux objectifs ambitieux du plan DeepTech et des pôles universitaires d’innovation. La France crée moins de deux start-up par an pour 1 000 chercheurs ; nous sommes au-dessus de la moyenne nationale avec plus de deux start-up par an pour 500 chercheurs – quand le Technion et l’EPFL sont respectivement à 15 et 30 par an – et nous souhaitons doubler ce nombre d’ici 2027 !
« Notre ambition est de créer un environnement cohérent, propice à l’innovation, facilitant les interactions et les collaborations au sein de cet écosystème dynamique. »
Et l’innovation à l’X, c’est enfin, bien sûr, l’accompagnement à la création et au développement de start-up. Pour ce faire, il m’a paru essentiel de renforcer notre incubateur, de le rendre plus visible et plus influent. Notre approche consiste à proposer désormais un continuum d’accompagnement bien défini, à travers trois offres principales : X‑UP Create (parcours collectif), X‑UP Scale (accompagnement individualisé) et X‑UP Access (accès à l’écosystème), chacune répondant à des besoins spécifiques des start-up à différents stades de leur développement. Ce qui manquait surtout, c’était X‑UP Scale, c’est-à-dire l’accompagnement après le lancement de la start-up.
Pour ce qui est de X‑UP Create, nous avons doublé la durée du programme et le nombre de start-up par promotion, et fait en sorte que les promos se superposent – un peu comme les Jônes et les Roûjes ! – pour favoriser le partage d’expérience. Nous nous efforçons également de thématiser nos programmes autour de secteurs clés tels que la green tech, la santé et les industries du futur (New Space, transport, mobilité, robotique). J’ai également à cœur de développer la Edtech parce que nous sommes une école, parce que ça fait partie de nos missions pédagogiques et parce que cela peut contribuer à créer du lien avec le département d’innovation pédagogique de l’École.
Notre ambition est de créer un environnement cohérent, propice à l’innovation, facilitant les interactions et les collaborations au sein de cet écosystème dynamique. Mon obsession est de créer un contexte favorable pour les entrepreneurs. Et la réussite de notre mission à la DEI, à mes yeux, se mesure par notre capacité à intégrer pleinement l’accompagnement des projets innovants et des start-up deep tech dans les missions fondamentales de l’École polytechnique. C’est aussi l’objectif que je me suis personnellement fixé.
Comment sélectionnez-vous les projets au sein de l’incubateur ?
Nous cherchons à attirer des projets à forte composante technologique ou deep tech. Notre objectif s’étend au-delà de la deep tech au sens strict – définie par Bpifrance comme nécessitant des investissements significatifs en R & D, en propriété intellectuelle et en capitaux – pour embrasser un éventail plus large de projets. Cela signifie aussi que certains projets, bien qu’innovants – tels que ceux de l’économie sociale et solidaire, des applications mobiles, des market places, ou issus de domaines hors de nos thématiques prioritaires – ne sont généralement pas retenus, car ils peuvent être bien accompagnés ailleurs. Notre mantra est que les start-up qui viennent chez nous aient besoin de toute la richesse de notre écosystème et que nous sachions les accompagner avec l’excellence qu’elles sont en droit d’attendre de l’École polytechnique.
« L’une de nos promesses uniques est l’accès à des infrastructures de prototypage de pointe, y compris à un laboratoire d’ingénierie biomédicale. »
L’une de nos promesses uniques est l’accès à des infrastructures de prototypage de pointe, y compris à un laboratoire d’ingénierie biomédicale, déployé récemment grâce au soutien du centre interdisciplinaire Engineering for Health (E4H) de l’Institut Polytechnique de Paris. Ce type de ressources permet aux start-up de bénéficier directement de l’expertise et des équipements spécialisés, soulignant l’importance de leur présence physique au sein de notre écosystème.
Enfin, avec le modèle économique d’X‑UP Create, nous sommes associés aux start-up incubées via notre filiale X‑Création : X‑Création prend une participation de 5 % dans les start-up, si bien que nous continuons à les soutenir à la sortie du programme, en particulier dans leurs phases de levée de fonds.
Un exemple frappant est celui de My Bubble Health, une start-up engagée dans le suivi médical des nouveau-nés. Bien que l’équipe ne soit pas basée à Paris, ses membres continuent de graviter autour de notre écosystème, ce qui leur a permis de tisser des liens précieux pour le développement de leur projet. Nous avons récemment participé ensemble au salon MedInTechs au cours duquel My Bubble Health a reçu le Prix du public. Cet exemple illustre l’importance pour les entrepreneurs de s’immerger dans notre environnement pour exploiter pleinement les ressources et les opportunités disponibles.
Qu’est-ce qui, selon toi, différencie X‑UP des autres incubateurs ?
Les programmes de X‑UP se distinguent par l’excellence de leur accompagnement, aux dires même de la French Tech Paris-Saclay. La notoriété de l’École polytechnique ouvre également de nombreuses portes aux entrepreneurs. Et nous donnons accès à de nombreuses ressources comme notre espace de prototypage et des réseaux variés d’investisseurs. Notre incubateur n’est pas simplement un espace de travail ponctué de rencontres mensuelles avec un start-up manager ; il offre un soutien permanent, dense et complet, incarnant la véritable valeur ajoutée que nous apportons à chaque entrepreneur. Et, en collaboration avec les autres incubateurs d’IP Paris, nous organisons des grands événements qui mettent en lumière nos start-up, comme VivaTech ou le Demo Day à Station F organisé pour la première fois en février 2024, ce qui permet par rebond d’attirer l’attention sur notre écosystème entrepreneurial.
Quelle est la proportion d’alumni qui bénéficient du programme X‑UP ?
Le taux de projets accompagnés issus de notre écosystème, incluant les alumni et les chercheurs des cinq écoles d’IP Paris, est stable à environ 40 %. Nous aspirons à augmenter cette proportion, en travaillant toujours plus étroitement avec le monde académique. Et nous travaillons activement à améliorer notre visibilité et notre réputation au sein de la communauté polytechnicienne. Nos efforts incluent la mise en valeur de nos succès, comme les start-up Néolithe, Cryptio, Mainbot, Outmind, Poppins, BeautyMix, Lixo, ou encore Exotrail, et la focalisation sur des thématiques clés nécessitant un accès à des équipements spécialisés. L’amélioration de l’accès à Palaiseau par la mise en service annoncée de nouvelles lignes de métro facilitera aussi très concrètement notre accessibilité et donc notre notoriété.
Les alumni qui sont accompagnés par X‑UP appartiennent à des générations variées ; il n’y a pas de règles, c’est la fibre entrepreneuriale qui est déterminante.
Quel message souhaites-tu transmettre à la communauté ?
Je souhaite que notre communauté nous connaisse mieux et participe à notre démarche de soutien de l’entrepreneuriat. Nos start-up bénéficient déjà du mentorat de plus de 250 alumni, un engagement qui enrichit notre écosystème. Nous en encourageons d’autres à nous rejoindre, que ce soit en tant que mentors, donateurs via la Fondation de l’X ou simplement en nous faisant connaître ! Bien que nous ne prétendions pas être le meilleur incubateur du monde, notre approche unique et notre soutien aux start-up très tech et early stage nous distinguent. Nous prenons des risques calculés, soutenus par notre mission de service public et notre modèle économique, pour encourager l’innovation au sein de notre communauté.
Pour finir, qu’est-ce qui fait ta joie dans ton métier aujourd’hui ? Qu’est-ce qui résonne avec le reste de ta carrière et avec tes valeurs ?
J’adore connecter les gens, une passion qui résonne avec mon expérience chez Nokia, où le slogan Connecting People me convenait à 300 %. J’ai travaillé dans les télécoms pour comprendre assez tardivement que le mot important pour moi, ce n’était pas « télé » mais « communication ». Ce parcours me permet de rencontrer des personnes passionnées et innovantes dans des domaines très variés. N’étant pas un académique, c’est un des postes à l’École polytechnique pour lequel je pense avoir une vraie valeur ajoutée. Ce travail de transformation du Drahi‑X Novation Center et de professionnalisation de l’incubateur avec Philippe Hazet, son nouveau responsable, est une mission passionnante qui me motive chaque jour.