Bulletin numéro 19 de la SABIX
Ce bulletin n° 19 qui paraît au milieu de l’été est consacré en quasi-totalité à un grand ancien, Jean-Victor Poncelet (1788−1867), qui était lieutenant du génie lorsqu’il a été fait prisonnier pendant la campagne de Russie. Pendant sa captivité à Saratov (1812- 1814), il a conçu et rédigé le premier cahier de ses Applications d’Analyse et de Géométrie dont un exemplaire est conservé par la bibliothèque de l’École.
Le deuxième article du bulletin “ La Guerre, la Captivité et les Mathématiques ”, par Dimitri et Irina Gouzévitch est précisément consacré aux circonstances exceptionnelles de cette création scientifique. Article d’érudition, certes ; mais l’enthousiasme des auteurs et leur talent de déduction (quasi policière) sont tels qu’à la lecture l’intérêt ne faiblit pas.
Ce travail établit l’authenticité du manuscrit et donne d’excellents éclairages sur les conditions de cette captivité, une déportation à pied de quelque 1 200 km (souvent par une température de – 30 °C) au cours de laquelle environ les deux tiers des prisonniers ont péri – et enfin sur certains aspects de l’industrie russe d’alors.
Le premier article, dû à Bruno Belhoste, “ De l’École polytechnique à Saratov, les premiers travaux géométriques de Poncelet ” étudie, lui, en détail le manuscrit même de Saratov qui lui permet “ de révéler une pensée en mouvement”. Il montre en quoi Poncelet est un créateur de la géométrie moderne ou, plus précisément, de la géométrie projective et de l’extension hardie des méthodes de géométrie pure – ou, pour mieux dire, synthétique.
Cette hardiesse (principe de continuité, raisonnements “ géométriques ” appliqués à des éléments imaginaires…) lui a valu des critiques dont celles du peu amène Cauchy lui ont été les plus pénibles.
Le troisième article, de Konstantinos Chatzis, est intitulé “ Jean-Victor Poncelet ou le Newton de la Mécanique appliquée… ”. Il est donc consacré à un aspect généralement peu connu de l’oeuvre de ce savant qui a joué un rôle majeur pour combler par une méthode scientifique le quasi-vide qui a existé longtemps entre la mécanique rationnelle, abstraite et souvent insuffisante à appréhender la réalité physique, et l’empirisme des hommes de l’art.
Cette partie de l’œuvre de Poncelet a culminé entre 1838 et 1848 dans son cours de mécanique physique et expérimentale à la Faculté des sciences de Paris. Ce cours, bien que n’ayant pas été publié, a eu une influence incontestable sur les mécaniciens de l’époque, grâce notamment à un manuscrit de 500 pages rédigé par des élèves, manuscrit décrit en détail dans l’annexe de l’article.
On peut appliquer à ces trois articles un jugement que Poncelet lui-même appliquait à ses propres travaux d’histoire des sciences et techniques : l’érudition, qu’implique toute étude sérieuse de ce type, n’est pas vaine ; elle ne permet pas seulement de rendre justice aux créateurs du passé ; mais elle met aussi en lumière les échecs instructifs et enfin la continuité de la pensée créatrice, continuité présente même en cas de grande innovation.
Ces articles sont précédés d’un éditorial, d’une brève biographie de Poncelet, d’une présentation du “fonds Poncelet ” de la bibliothèque de l’École polytechnique, de l’annonce des trois articles et d’une note succincte sur les polygones de Poncelet.
La livraison se termine par un bref compte rendu sur un colloque tout récemment consacré à Auguste Comte.
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Je n’hésite pas à répéter que le bulletin de la SABIX mérite d’être lu par un plus grand nombre de polytechniciens et d’autres personnes intéressées par la valorisation de documents scientifiques du passé. Soyez donc nombreux à devenir membres de la SABIX et pour ce faire téléphonez sans tarder au 01.69.33.40.42.