But alors, you are French ?!?
Autant me ravit toujours cette réplique culte échangée par le duo Bourvil-de Funès à la recherche de « Big moustache » dans les vapeurs d’un bain turc, autant m’irrite l’invasion chaque jour plus visible de termes anglais dans notre vocabulaire et, horresco referens, jusque dans nos colonnes. Certes, ce n’est pas d’hier que les living room, pressing et autres anglicismes (ou plutôt globish-ismes) ont pénétré nos conversations. Le grand Proust lui-même n’avait-il pas marqué sa dilection pour les grooms, le spleen, et même le « smoking », avec des guillemets toutefois, non sans remarquer que, « en France, on donne à toute chose britannique le nom qu’elle ne porte pas en Angleterre ». Mais il semble que, comme pour l’accumulation des gaz à effet de serre, ces dernières années voient une évolution exponentielle de ces termes d’importation et souvent… de contrefaçon ! Jusqu’à l’ineptissime « French Days » apparu sur nos écrans publicitaires ces dernières semaines, sans doute pour faire pièce aux Black Fridays et autres Feel-Good Days. Tous n’en mourraient pas de ridicule, mais tous étaient frappés, et surtout certaines professions largement représentées dans notre communauté, j’ai nommé : les spécialistes des ressources humaines, du commerce ou de la communication.
“Auriez-vous ouvert avec autant d’impatience un numéro consacré à la mercatique numérique ?”
Alors, pourquoi consacrer un numéro de La Jaune et la Rouge au « marketing digital » ? Bon nombre d’entre nos lecteurs en frissonneront d’horreur, sans doute. Mais avouez-le : auriez-vous ouvert avec autant d’impatience un numéro consacré à la « mercatique numérique », strict synonyme bien français celui-ci, que l’Académie eût plus volontiers cautionné (voir dans ces pages l’excellent ÉtymologiX de Pierre Avenas sur le sujet) ? Et puis, nous dira-t-on non sans quelque raison, c’est parler la langue des affaires, avoir l’assurance d’être immédiatement compris en tout point du globe, emprunter ses propres armes linguistiques à l’adversaire pour mieux l’affronter : qu’importe le flacon, pourvu qu’on vende ce qu’il contient ! Les plus chagrins feront observer que l’argument porterait davantage si la balance commerciale française ne restait pas obstinément dans le rouge. Mais ce sont seulement les plus chagrins… Les autres feront l’expérience d’un très happy day, sous le mentoring des very best connaisseurs du topic, en découvrant les best practices les plus disruptives du domaine.
Mais, oups : voici que, editor-in-chief négligent, en suivant mon lead, j’en oubliais la deadline !
J’arrête donc là – done ! – Full stop.