C. MONTEVERDI : ORFEO
Quel autre thème que celui du pouvoir de la musique sur toutes les forces, y compris les Enfers, aurait pu être le sujet de l’opéra originel ? En effet l’Orfeo de Monteverdi est considéré comme le premier opéra de l’histoire (même si les puristes tiennent l’Euridice de Peri, de cinq ans plus vieux, pour le tout premier, d’ailleurs sur le même sujet). Ce sujet (Orphée va chercher son amour Eurydice dans les Enfers) a depuis été repris par de très nombreux compositeurs, dont bien sûr Gluck et Haydn, jusqu’à Offenbach qui en fit une fameuse parodie, puis Stravinski et Darius Milhaud.
Joué à la cour de Mantoue en 1607, Orfeo est une œuvre très riche qui mélange récitatifs expressifs et airs poignants ou entraînants. Nous avons une chance inouïe de disposer en DVD de l’interprétation de cet opéra, dans la mise en scène de Pier Luigi Pizzi, par Les Arts Florissants, dirigés depuis trente ans par William Christie.
Cette production de 2008 à Madrid est, à voir, une merveille. Le grand esthète Pier Luigi Pizzi a placé la scène devant le palais ducal de Mantoue, avec une scénographie, des décors et des costumes du xviie. L’orchestre est devant la scène, très visible, et en costume d’époque également (W. Christie aussi), montrant de superbes instruments anciens (luth, théorbes, cuivres naturels des Sacqueboutiers de Toulouse). L’ensemble est d’un effet visuel très marquant. William Christie dirige depuis les claviers (orgue et clavecin), considérant que, l’œuvre étant constituée majoritairement de récitatifs, il doit accompagner constamment les chanteurs.
Parmi les chanteurs, donnons une mention spéciale à Dietrich Henschel, magnifique Orfeo, très théâtral. Ce baryton, spécialiste de musique contemporaine, est connu pour ses interprétations des rôles-titres de Cardillac d’Hindemith, Faust de Busoni, Karl V de Krenek ou Wozzeck de Berg. Il explique que chanter Monteverdi est revenir à la base du chant, et ne considère pas comme antinomique de chanter Orfeo et Wozzeck. Comme au xviie siècle, une seule chanteuse, Maria Grazia Schiavo, cumule les rôles de la musique qui ouvre l’opéra, de Proserpine et naturellement d’Eurydice.
Par ailleurs, la qualité des images et du son nous permet de profiter pleinement du côté exceptionnel de cette production. Des nombreuses œuvres lyriques de Monteverdi, toutes sur des sujets de l’Antiquité (Ariane, Andromède, Proserpine, Énée), seuls trois opéras complets nous sont parvenus, chéris par les amateurs. Pizzi montera également Le Couronnement de Poppée et Le Retour d’Ulysse (autre rôle fameux de D. Henschel) d’ici fin 2010. Souhaitons qu’ils soient filmés.