Cantates, délices et orgues

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°534 Avril 1998Rédacteur : Jean SALMONA (56)

Bach, cantates : volume 6

Bach, cantates : volume 6

Avec le volume 6, l’in­té­grale des Can­tates de Bach par Ton Koopman(1) attaque le gigan­tesque ensemble des can­tates sacrées de la période de Leip­zig (1723−1750). Ce volume est consa­cré à dix can­tates, dont six sont les toutes pre­mières qu’il écri­vit au cours des trois mois qui sui­virent son arri­vée à Saint-Tho­mas. On exa­mi­ne­ra un jour ici les étranges constantes numé­riques des can­tates de Bach, qui ont fait l’ob­jet de recherches appro­fon­dies, et notam­ment l’im­por­tance du chiffre 14 (cama­rades numé­ro­logues, à vos cal­cu­lettes!). On sait aujourd’­hui, en tout cas, que tout se passe comme si Bach avait eu, avant la com­po­si­tion de cha­cune de ces oeuvres, la vision inté­grale non seule­ment de l’ar­chi­tec­ture de l’oeuvre, mais de l’oeuvre tout entière, mesure par mesure, pour chaque ins­tru­ment et chaque voix, d’où l’ab­sence totale de ratures dans les manus­crits ori­gi­naux des can­tates qui nous sont par­ve­nus. Mais qu’im­porte : quelle jubi­la­tion pour l’au­di­teur, croyant ou non . Para­phra­sant (approxi­ma­ti­ve­ment) un géné­ral connu, l’on pour­rait dire qu’il y a là des moments qui dépassent cha­cune de nos pauvres vies. Quant à l’in­ter­pré­ta­tion de Koop­man, on n’a jamais fait aus­si clair, aus­si juste, aus­si jubilatoire.

Mozart, Séverac

Une petite curio­si­té qui dépasse le simple diver­tis­se­ment : l’on s’est amu­sé à rap­pro­cher quelques oeuvres de Mozart, jouées par l’Or­chestre sym­pho­nique de Bul­ga­rie, de musiques tra­di­tion­nelles égyp­tiennes, sous le pré­texte léger – que Mozart s’é­tait inté­res­sé à l’É­gypte (Tha­mos, roi d’É­gypte, Sym­pho­nie égyp­tienne, etc.). Et l’on a ten­té des enchaî­ne­ments, et même des arran­ge­ments, comme l’as­so­cia­tion de l’oud au pia­no dans le concer­to 23. Le tout est publié non sans culot sous le titre Mozart l’É­gyp­tien(2). Eh bien, uni­ver­sa­li­té de Mozart, qui se prête à tous les habillages (les­quels ne fai­sait-il pas lui-même), ou ouver­ture d’es­prit de notre fin de siècle, ten­té par toutes les per­ver­sions, le résul­tat est plus qu’a­mu­sant : inté­res­sant, par­fois fascinant.

Déodat de Séve­rac est déli­cieu­se­ment daté, et aujourd’­hui presque oublié. Cela vaut la peine de redé­cou­vrir cette musique d’ins­pi­ra­tion lan­gue­do­cienne et cata­lane, dans une réédi­tion en CD de l’en­re­gis­tre­ment qu’en avait fait Aldo Cic­co­li­ni dans les années 70(3). Une musique qui n” aspire qu’à pro­cu­rer du plai­sir, sans aucune recherche (appa­rente), par­fai­te­ment tonale, une musique de vacances à dégus­ter avec un verre de Banyuls, un dimanche, en ne son­geant qu’au soleil. Fina­le­ment, plus serein, plus enso­leillé que Poulenc.

Orgue, orgues

Sous le titre Trois siècles de musique fran­çaise, le cama­rade Ferey (75), tou­jours féru d’i­né­dit, publie dans sa mai­son Skar­bo un réci­tal don­né sur l’orgue his­to­rique de Saint-Roch par Fran­çoise Levéchin-Gangloff(4). Pour les incon­di­tion­nels de l’orgue, un ins­tru­ment à la fois clas­sique et roman­tique, à l’ex­tra­or­di­naire richesse de timbres. Pour les curieux de musique fran­çaise peu connue, Nivers, Bal­bastre (plus connu par ses pièces de cla­ve­cin), Benoist, Boë­ly, Lefé­bure-Wély sont à décou­vrir, musique foi­son­nante et dans le droit fil clas­sique, toute d’é­qui­libre. À quand, sur l’orgue de Saint-Roch, les pièces pour orgue de Déodat de Séverac ?

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(1) 3 CD ERATO 3984−21629−2.
(2) 1 CD VIRGIN 24347 17272.
(3) 3 CD EMI24357 23722.
(4) 1 CD SKARBO SK 1978.

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