« Capitaliser sur le digital et ses outils pour produire mieux et plus »
Acteur incontournable de l’instrumentation et de l’industrie des procédés, SAMSON a pris le virage du numérique pour aider ses clients à conserver leur compétitivité et à innover. Explications de Laurent Martinod, Responsable Digitalisation au sein de SAMSON.
Dites-nous en plus sur votre positionnement et sur votre cœur de métier.
Depuis plus de 100 ans, le groupe opère dans le secteur de l’instrumentation et des procédés. Historiquement, notre cœur de métier est la régulation des fluides pour l’industrie et pour les réseaux tertiaires. Nous fabriquons majoritairement des vannes de régulation, un composant incontournable dans l’industrie des procédés.
À travers nos solutions, notre ambition est d’apporter à nos clients la flexibilité, la sécurité et la fiabilité, des qualités indispensables dans le secteur industriel.
Notre cœur de métier et notre positionnement ont également évolué au cours des décennies. En effet, les vannes ont un rôle qui ouvre beaucoup d’opportunités en termes d’innovation.
Inspirés par les possibilités technologiques (industrie 4.0), la dynamique du marché et aidés par les organisations industrielles allemandes, nous avons fait le choix d’investir massivement dans notre activité digitale il y a environ 5 ans. Les équipes pilotes se sont renforcées (multiplication par 10 de nos effectifs) pour devenir une direction à part entière et nous avons accéléré le déploiement du digital au sein du groupe. Ces investissements financiers et humains nous ont permis de faire évoluer notre positionnement en passant d’un acteur du domaine des composants à un acteur capable de proposer des systèmes numériques et des services autour du digital.
Concrètement, comment s’est passé le virage numérique du groupe ?
À l’instar de toutes les entreprises, notre enjeu est de conserver notre compétitivité pour résister à l’apparition de nouveaux acteurs, notamment en provenance des BRICS, qui ont atteint un niveau de maturité industrielle leur permettant de nous concurrencer. En parallèle, nos clients souhaitent se lancer dans une démarche de digitalisation.
Nous avons donc construit notre offre autour de la valorisation des données issues de l’activité industrielle afin de faire émerger de nouveaux business modèles pour nos clients et nous-même. Dans l’industrie des procédés, la première application est l’analyse et l’optimisation de l’outil de production. En effet, l’enjeu est de capitaliser sur le digital et ses outils pour produire mieux et plus.
Il est intéressant de noter que, de fait, cela amène à davantage de visibilité et de transparence sur l’outil de production. Ceci est particulièrement vrai pour les groupes internationaux qui ont une supply chain mondialisée.
D’un point de vue opérationnel, quels sont les axes sur lesquels vous vous êtes concentrés dans le cadre de cette digitalisation ?
Avec nos clients et d’autres acteurs du marché, nous avons identifié trois phases. Premièrement, viennent deux phases de fondation : générer des données terrains de qualité puis les collecter et les stocker. Ce sont les prérequis pour permettre la troisième phase : la valorisation des données. Cette valorisation des données est la partie la plus critique de ce processus, car c’est elle qui permet l’émergence de nouveaux usages, de nouveaux business modèles, d’optimisation… en d’autres termes, de profits. C’est grâce à cela que les industriels seront en mesure de conserver et d’améliorer leur compétitivité.
Fort de ces constats, nous nous sommes ensuite focalisés sur chacune de ces phases.
Pour la génération de données, nous avons créé une entreprise indépendante : FOCUS-ON. Elle se concentre sur l’intégration de capteurs dans les vannes et l’intelligence embarquée (edge computing).
Pour la collecte et le stockage des données, nous faisons partie de groupes de travail sur la communication industrielle et sur l’internet des objets industriels (IIoT). Nous développons notre plateforme IIoT dans ce cadre collaboratif. En effet, il s’agit d’une thématique transverse qui nécessite une action coordonnée de tous les acteurs de l’instrumentation et des procédés.
Sur le volet de la valorisation des données, nous travaillons selon quatre axes : les tableaux de bord contextualisés, la supervision du parc d’équipement, l’analyse et l’optimisation via le Machine Learning (ML). Ces quatre axes contribuent in fine à optimiser la disponibilité, la performance et la qualité des outils industriels.
Le groupe a fait le choix de se focaliser plus particulièrement sur la valorisation des données. Pourquoi ?
Comme je l’indiquais, c’est la phase pour laquelle les gains de productivité sont les plus prometteurs. En y réfléchissant, elle peut être mise en œuvre rapidement sur les installations existantes sans nécessairement passer par les phases 1 et 2.
Par exemple, nous avons développé le logiciel SAM GUARD : l’analyse prédictive par « Machine Learning » (ML) assistée par l’humain. Nous sommes partis de la constatation qu’il existait déjà des données présentes dans les « historians » (base de données liée au DCS) et qu’il était possible de les utiliser pour augmenter la production dans l’industrie des procédés. En effet SAM GUARD peut anticiper des événements inédits et imprévisibles (défaillance matérielle, blocage, déviation…), alerter le personnel et ainsi réduire drastiquement les arrêts de production.
Cependant, il existe un écueil avec le ML. C’est une technologie habituellement complexe, contraignante et nécessitant du personnel très qualifié.
Notre démarche innovante avec SAM GUARD a été de combiner le ML avec le savoir-faire des ingénieurs procédés. Cela permet au ML de « parler » le langage métier et de communiquer uniquement les informations utiles au personnel.
Les responsables de production bénéficient ainsi d’une solution qu’ils peuvent déployer en autonomie, rapidement (2 à 3 semaines), sur l’intégralité de l’installation et qui s’intègre sans heurt dans l’activité du site.
Nos clients ne peuvent renouveler tout le matériel d’un coup ou embaucher une équipe dédiée à une solution. C’est pourquoi cette solution nous tient à cœur : elle permet d’avancer dans la démarche de digitalisation en se greffant sur l’existant et donc avec un investissement minimum. Cela permet de valider l’intérêt d’une telle technologie en prenant des risques très limités.
Comment résumeriez-vous votre valeur ajoutée sur le marché, notamment grâce à ce positionnement sur le numérique ?
SAMSON est une entreprise à taille humaine, agile et réactive. Dans un monde en perpétuelle mutation, cela présente un avantage. Cela veut aussi dire que nous ne révolutionnerons pas le marché seuls. Nous devons travailler dans une logique de partenariat avec les autres acteurs et avec nos clients. Si on considère la nature de la digitalisation, le fait de devoir travailler en collaboration est un avantage. Nous contribuons aux projets de digitalisation de nos clients avec notre savoir-faire, mais aussi avec des solutions ouvertes, capables de s’interconnecter avec des outils déjà existants, en cours de déploiement ou à venir.
De plus, nous avons toujours cette double focale : travailler à la fois sur le bénéfice à court terme, mais aussi sur les bénéfices à long terme puisque nos solutions sont toujours prêtes à utiliser les nouvelles données et les nouveaux algorithmes que la technologie de demain apportera. Avec eux viendront de nouveaux usages plus profitables.
Quels sont les enjeux et les sujets qui vous mobilisent à ce niveau ?
La recherche et l’innovation sont essentielles afin que nous puissions consolider notre positionnement dans le marché à l’échelle mondiale. Plus précisément dans le domaine de la digitalisation, les enjeux nous semblent être les suivants.
L’interopérabilité est primordiale : personne ne sait comment les technologies vont évoluer. Nous contribuons à une approche globale sur un ou des sites industriels. Nos solutions doivent s’intégrer facilement aujourd’hui et demain à l’environnement de notre client.
Ensuite, l’évolutivité est, par essence, présente dans notre démarche. La R&I est très foisonnante dans ce domaine et nos clients bénéficient en permanence des dernières fonctionnalités développées.
Pour conclure, l’accessibilité permet l’adhésion des gens du métier et cela est une condition indispensable aux succès de tels projets. Une approche d’expert que les personnes opérationnelles ne pourraient utiliser serait abandonnée à coup sûr. La technologie ne devrait pas être un sujet, elle devrait aider le personnel à travailler plus efficacement en étant aussi discrète que possible.
Notre engagement dans la recherche et l’innovation s’est traduit par l’inauguration, en novembre 2017, du « Rolf Sandvoss Innovation Center » à Francfort. Ce sont plus de 7 000 m² de surface dédiée à l’innovation. C’est aujourd’hui le plus grand centre de ce type en Europe.