Carbometrix : la donnée carbone, premier pas vers la décarbonation de la finance
En 2020, Marie David (X96) a cofondé Carbometrix, société qui entend contribuer aux solutions de réduction des émissions de GES en s’appuyant sur les dernières avancées en science des données. Parce que chaque dixième de degré de réchauffement évité compte, les fondateurs ont décidé de contribuer par leurs idées, leurs compétences et leur force de travail aux solutions d’atténuation du changement climatique.
Quelle est l’activité de Carbometrix ?
Carbometrix développe un outil de calcul de bilan carbone simple et non intrusif à destination des investisseurs, afin de déterminer l’empreinte carbone de leurs participations. Il y a en effet de plus en plus de pression pour les acteurs du monde financier à mesurer et rapporter leur empreinte carbone. Par ailleurs il peut y avoir également des sujets de risque, puisque des entreprises très exposées aux énergies fossiles pourraient se retrouver en risque financier dans quelques années, dans le cas par exemple d’une taxe carbone mais également dans celui d’une pression accrue des consommateurs ou des clients. Nous aidons également les investisseurs à consolider leur exposition aux émissions de CO2 via un tableau de bord et des indicateurs spécifiques. Nous travaillons notamment avec des fonds de private equity qui cherchent à mieux suivre leur empreinte carbone, avec des cabinets de conseil pour des due diligence en LBO ou M & A, avec une grande banque de détail française qui veut proposer systématiquement notre solution à ses clients corporate…
Quel est le parcours des fondateurs ?
Nous sommes trois. Christian Couturier vient du Private Equity, Corinne Bach (X94) a fait sa carrière dans les Télécoms et de mon côté je viens du monde de la finance et de l’assurance.
Comment t’est venue l’idée ?
L’idée revient surtout à mes cofondateurs qui ont lancé Carbometrix ; je ne les ai rejoints que six mois plus tard. Mais je partageais leurs constats que l’enjeu de la donnée carbone allait être clé dans les prochaines années et que le niveau et la qualité des données existantes étaient très insuffisants. Nous sommes aussi convaincus que le monde financier a un rôle fondamental à jouer dans la transition vers un univers bas carbone.
Qui sont les concurrents ?
Nous avons comme concurrents d’une part les cabinets de conseil généralistes ou environnementaux qui réalisent des bilans carbone et d’autre part des acteurs qui fournissent des solutions numériques automatisées. Notre différenciant est notre go to market puisque nous ciblons exclusivement les acteurs du monde financier et que nous leur proposons plusieurs offres en fonction du niveau d’accès à l’information qu’a l’entreprise. Il est ainsi possible de réaliser un bilan carbone complet en une trentaine de questions, mais également une estimation simplifiée qui donne déjà un bon ordre de grandeur en quatre ou cinq questions. Notre solution est également simple à utiliser, et non intrusive puisqu’il n’y a pas besoin de brancher ses systèmes d’information sur notre plateforme.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Carbometrix a été créé en 2020. Nous avons eu nos premiers clients fin 2021. Nous avons levé des fonds au premier trimestre, cela afin de renforcer notre équipe commerciale et de nous étendre notamment à l’international.
Passer de la banque aux bilans carbone, ce n’est pas une sorte de grand écart ?
Pas tant que ça. J’ai passé ma carrière à travailler dans deux domaines : l’analyse des risques et la data. Je combine les deux chez Carbometrix. Et puis mon expérience dans la banque me sert au quotidien, car nos clients sont tous dans le monde financier. Il est vrai que je souhaitais m’engager plus en faveur de la transition écologique, qui est au cœur de mes préoccupations, et que pour cela la voie de la création d’entreprise m’a paru une façon plus rapide d’avoir l’impact que je souhaitais.
La lutte contre le changement climatique semble faire consensus auprès des individus, mais qu’en est-il au niveau des entreprises ?
Les niveaux d’information et d’implication sont très différents. Il y a aussi énormément de greenwashing, notamment sur le sujet de la compensation carbone. Nous pensons d’ailleurs que le greenwashing est une stratégie risquée pour les entreprises, car les activistes lancent de plus en plus d’actions et que le tout peut se retourner contre elles à terme. Sinon, toutes les personnes avec qui nous discutons, que ce soit dans le secteur financier ou dans les entreprises, sont en général désireuses d’agir de façon concrète ; ce qui manque, c’est d’avoir une information quantitative ; c’est justement à cela que sert le bilan carbone. Cela permet de connaître des ordres de grandeur et de savoir à quels postes s’attaquer en priorité, et également de se fixer une trajectoire réaliste de réduction des émissions.
“Connaître les ordres de grandeur et savoir à quels postes s’attaquer en priorité.”
Au-delà d’un bilan carbone, par quoi une entreprise peut-elle vraiment s’engager pour lutter contre le réchauffement ?
En effet le bilan carbone n’est qu’un premier pas, indispensable pour comprendre le niveau d’exposition d’une entreprise aux énergies fossiles, mais insuffisant. En simplifiant, on peut dire qu’il y a deux types d’entreprises. Certaines sont relativement peu exposées au carbone et, même si elles ont un bilan carbone élevé, peuvent le baisser par des mesures rapides qui ne mettent pas en danger leur modèle économique. Baisser les voyages en avion par exemple permet souvent de drastiquement diminuer le bilan carbone des sociétés de conseil. Pour d’autres entreprises c’est plus délicat, notamment parce que l’activité est très dépendante des énergies fossiles. Il faut alors envisager une transition qui sera forcément plus complexe, en repensant le modèle économique, en diversifiant les activités, en restructurant la suppply chain. Cela demande une volonté forte et parfois des investissements importants, mais nous sommes convaincus que les entreprises qui ne se lancent pas seront perdantes à terme.
La responsabilité sociétale ne devrait-elle pas faire partie du cadre légal de fonctionnement des entreprises et des organisations ?
Bien sûr ! et c’est déjà le cas. Les réglementations bougent énormément en ce moment, tant sur la mesure que sur le reporting des risques extra-financiers. Mais on ne peut pas tout attendre de la réglementation, il faut aussi l’anticiper.
Accordes-tu une importance, ou non, à la diversité, dans les sciences et la technologie, et pourquoi ?
Le milieu de la tech manque cruellement de diversité, ce n’est pas une découverte. Je parlerai du sujet que je connais le mieux – celui de la parité hommes-femmes. Ce manque de parité vient directement d’un manque de parité dans les formations scientifiques et techniques. Je vois deux solutions : d’une part encourager les femmes à se reconvertir au métier de développeur qui peut s’apprendre tout au long de la vie, d’autre part travailler encore et toujours auprès des lycéennes pour les inciter à faire des études scientifiques. Souvent les filles ont des profils plus « généralistes » que les garçons et choisissent à ce titre des filières généralistes, car elles veulent garder un équilibre dans leur formation. Je trouve qu’il est plus facile d’apprendre les sciences dures, notamment les mathématiques ou la physique théorique, quand on est encore jeune. C’est plus facile de reprendre une formation en économie ou en sciences humaines au cours de sa vie professionnelle que d’apprendre de nouveau l’algèbre ou l’électromagnétisme.