Carl Maria von Weber : Le Freischütz
Adrian Eröd, Albert Dohmen, Orchestre de la Staatskapelle de Dresde, Christian Thielemann
Un Blu-ray CMAJOR 733204
C’est le chaînon manquant ! L’opéra qui fait le lien entre les opéras allemands de Mozart et Beethoven et ceux de Wagner. C’est l’opéra qui est cité dans tous les livres d’histoire de la musique, et mentionné par tous les musicologues, mais qui n’est pourtant pas souvent joué, ni enregistré en dehors de l’Allemagne. Grâce à cette très belle production, nous pouvons enfin juger, dans de bonnes conditions.
Effectivement la proximité stylistique avec le Fidelio de Beethoven (1805, son seul opéra) est frappante (récitatifs parlés, airs, ensembles, et même orchestration), mais reconnaissons qu’avec Le Freischütz, en 1821, on a clairement changé de siècle. Les thèmes sont désormais ceux du romantisme (surnaturel, amour maudit et impossible, âme vendue…). L’ouverture anticipe les thèmes des airs et ensembles marquants, tout en définissant l’ambiance de l’opéra, exactement comme pour Le Vaisseau fantôme, premier des grands opéras de Wagner, postérieur de vingt ans.
Weber était le cousin germain de l’épouse de Mozart, Constance, et des chanteuses Aloysia et Josepha Weber pour qui Mozart a composé (Josepha a créé La Reine de la Nuit). Ses œuvres de jeunesses (conseillons principalement deux symphonies, deux concertos pour clarinette, un quintette avec clarinette) sont dans la pure tradition beethovenienne. Puis avec ses premiers grands opéras (Le Freischütz, Oberon, Euryanthe), Weber devient un des premiers romantiques.
La production donnée à Dresde en 2015 est très classique, représentant bien l’ambiance fantastique des brumes germaniques que le livret et la musique exigent, même si elle transpose une action du milieu du XVIIe siècle à l’après-guerre. La fameuse scène de la Gorge aux loups est de ce point de vue parfaite. Thielemann, un des plus grands chefs actuels, un chef qui arrive à conjuguer modernité et grande tradition, est l’artisan de ce beau travail d’équipe. Il dirige aujourd’hui, dans la salle qui a déjà vu 1 500 représentations du Freischütz, la Staatskapelle de Dresde, le plus vieil orchestre du monde (1548 !), et l’un des plus beaux orchestres d’Europe avec Berlin, Vienne, Amsterdam et Leipzig. Cela fait de lui l’héritier de Weber qui dirigeait cette Staatskapelle au moment où il composait Le Freischütz, et qui créa même il y a deux cents ans le Chœur de la Staatskapelle de Dresde, que nous entendons dans cette production.
Mahler adorait Weber, il a même terminé l’opéra entamé juste après Le Freischütz mais que Weber avait laissé inachevé, Die drei Pintos, en 1888. Espérons que les productions comme celles reproduites ici permettront de réhabiliter un des premiers romantiques.