Carrières originales de femmes : la diversité que permet Polytechnique
La majorité des polytechniciennes suivent une carrière dans le secteur public, dans l’industrie, la banque, le conseil, les services… ou un parcours académique. C’est ce que la société attend traditionnellement d’elles. Quelques-unes choisissent cependant de se tourner vers des voies atypiques, dans l’art ou la médecine par exemple. Leurs témoignages sont remarquables parce que ces choix audacieux ne sont pas un désaveu de leur formation d’ingénieure à l’X, mais au contraire leur meilleure manière de la faire fructifier.
Une femme polytechnicienne se distingue principalement sous trois aspects : une formation scientifique de très haut niveau, l’appartenance à une communauté féminine minoritaire dans un univers encore très masculin et une expérience militaire. Chacune de ces dimensions apporte des compétences et des qualités humaines spécifiques.
Une formation d’ingénieure
La formation d’ingénieure à l’X a de nombreux atouts, au premier rang desquels des qualités scientifiques, comme la rigueur et la curiosité. Le positionnement de l’École offre une forte reconnaissance par la société, un sens de la responsabilité vis-à-vis de cette dernière et une envie marquée de la transformer. De manière plus générale, les mathématiques transmettent sûrement un goût pour le beau et une incitation à se rapprocher d’un idéal. Les polytechniciennes écrivaines, architectes, viticultrices… ont à cœur de centrer leur activité sur ces idéaux et sur les compétences acquises lors de leur formation. Elles le font de plusieurs manières, soit directement, par exemple en innovant, en mettant leurs connaissances scientifiques au service d’activités liées aux milieux scientifiques ou d’ingénierie, soit indirectement, par exemple en donnant plus de place à des qualités comme la rigueur dans une discipline où ces qualités sont secondaires d’habitude. Par ailleurs, s’engager là où l’on n’est pas attendu est difficile. Il faut souvent faire face à l’incompréhension des autres. La formation reconnue de l’X aide à inspirer confiance, mais également à se faire suffisamment confiance, pour se lancer dans des domaines variés.
Une communauté féminine minoritaire
Être femme au sein d’une majorité d’hommes, dans un environnement parfois sexiste, peut inciter plus fortement à se démarquer et à faire ressortir ses qualités propres. Être une polytechnicienne signifie aussi appartenir à une communauté soudée, qui donne confiance en soi et pousse à agir. Cette vie en communauté incite à s’engager dans des environnements où l’individualisme ne prime pas. Pour certaines, la vie étudiante à l’X est un déclencheur pour faire un choix de carrière osé, même si ce dernier correspond le plus souvent à une passion de longue date. En plus des compétences acquises à l’X, c’est ainsi l’expérience même du campus qui donne une force, une maturité et une confiance en soi essentielles pour poursuivre une passion intime.
La formation militaire
De la formation militaire, lieu de nombreuses rencontres et de témoignages inspirants, on garde un vrai sens de l’intérêt général et du service, et des qualités humaines, tels l’humilité et le goût pour l’effort et le dépassement de soi. Cela peut susciter un appel à s’engager et à servir son pays. Pour une polytechnicienne, aller là où on ne l’attend pas signifie engager toute sa vie pour cette activité. C’est donc une belle manière de faire usage des qualités de courage et d’audace acquises à l’X. Toujours ressortent l’ambition et la recherche de l’excellence, ainsi que la fierté pour ces polytechniciennes d’avoir pu, grâce à leur formation, s’épanouir dans une discipline où ce qu’elles sont et portent en elles-mêmes est le mieux mis en valeur.
Découvrons maintenant les portraits de ces polytechniciennes, qui s’épanouissent grâce à leur évolution dans des parcours considérés comme atypiques ou osés.
Isabelle Sorente X90, écrivain
À la sortie de l’X, après ma formation à l’École nationale de l’aviation civile, j’ai suivi une formation de comédienne au Cours Florent.
J’ai su très tôt que la création, la poésie étaient essentielles pour moi – comme un territoire dont je ne pouvais pas me passer. J’ai écrit ma première pièce, Hard Copy, puis mon premier roman, L, et je n’ai plus cessé d’écrire, essentiellement des romans (mon neuvième roman, La femme et l’oiseau, est paru en septembre 2021), mais aussi des scénarios ou des chroniques (France Inter, Philosophie Magazine).
Mes romans rencontrent aujourd’hui un large public et cela génère des dialogues, des rencontres, des temps de partage, qui me donnent une joie profonde.
“Se laisser guider
par ce qui fait sens.”
Bien sûr, la capacité de travail, la concentration. Mais aussi quelque chose de plus profond, quelque chose de presque spirituel. La concentration, l’attention portent naturellement à vouloir pénétrer le mystère des choses – c’est ce que m’a apporté l’X, ce sentiment de frôler parfois de grands mystères, en cours que ce soit de physique quantique, d’humanités et sciences sociales ou d’histoire de l’art, pour ne citer que ceux-là. Les enseignements reçus ont été pour moi une forme d’initiation à un état de concentration, d’attention aux choses – cette attention que je retrouve dans l’écriture, mais aussi dans toutes les activités qui ont du sens pour moi.
Cécile Robilliard X91, directrice d’association
Après quinze ans de recherche fondamentale fructueuse en physique quantique expérimentale, j’ai choisi de bifurquer vers une activité centrée sur l’humain et de me consacrer à l’éducation des jeunes, en ajoutant une page nouvelle à la longue et riche histoire d’une association d’éducation populaire chrétienne. Ma rigueur de scientifique, ma créativité et mon audace de chercheuse, ma puissance de travail, mon sens pratique d’expérimentatrice, ma culture du travail collaboratif, mon expérience de l’encadrement d’étudiants sont de solides atouts pour concevoir, mettre en œuvre et accompagner des projets éducatifs et diriger une équipe riche de diversité.
“Pour qu’ils aient la vie, la vie en abondance !”
Virginia Cruz X96, artiste – designer entrepreneur
Après plus de quinze ans d’expériences à la croisée de l’innovation, du design et du numérique, pour l’industrie et l’État (CNNum), je développe une activité d’artiste numérique.
Mes créations sont des tableaux d’art vivants. Ces œuvres numériques encadrées évoluent selon l’histoire et la vie de leurs commanditaires, ou du lieu où elles sont exposées.
Cette forme d’art évolutif revisite l’art du portrait et la représentation des données sous une forme belle, contemplative et intrigante.
“Oser sortir du cadre,
car l’hybridité est une richesse.”
Jeune, j’aimais tout autant les arts et les sciences. L’X m’a permis de cultiver cette hybridité, par les cours de dessin, de peinture à l’huile et d’histoire de l’art, et de creuser cette piste par un stage au Centre de recherche des musées de France au Louvre. J’ai continué à mixer création, sciences et industrie à l’École des mines de Paris, puis au Royal College of Art à Londres où j’ai été la première polytechnicienne à obtenir un Master of Arts. L’X m’a apporté un mélange de structure et de lâcher-prise. D’un côté : rigueur, exigence et capacité à apprendre et synthétiser. De l’autre : curiosité, dépassement de soi et questionnement. Un mix parfait pour explorer de nouveaux sujets et des démarches inédites.
Valérie Sion X82, cheffe de chœur
Après quinze années en société de services en informatique, à une période où je trouvais que le quantitatif prenait trop le pas sur le qualitatif, j’ai créé l’association Aïsthanoumaï. J’y ai enseigné la danse orientale ; je suis maintenant cheffe de chœur, donne des cours de soutien et d’accompagnement scolaire, et ai des fonctions administratives.
Je travaille au niveau local, dans un esprit de sobriété heureuse et de respect de l’environnement, et avec du temps pour mes enfants.
“…Trouver son étoile dans le fouillis du ciel…”
Jean Tardieu
Les cours à l’X m’ont donné de l’audace et le goût d’explorer ailleurs. L’École donne aussi une carte de visite, bien sûr. J’ai senti le droit d’être une femme dans un environnement majoritairement masculin et je me suis sentie libre de faire ensuite des choix de vie hors des cadres genrés. L’émancipation se joue de différentes façons. À l’X, je me sentais différente
mais acceptée, dans un milieu humble et ouvert.
Noémie Aureau X08, architecte
Passionnée par les sciences et les arts depuis mon enfance, j’ai toujours souhaité devenir architecte. Cela représentait à mes yeux la quintessence d’un métier extrêmement à la fois technique et artistique, de par l’extrême richesse offerte par la variété de sa pratique. Avec un double diplôme d’ingénieur des Ponts-architecte HMONP en poche, j’ai débuté mon parcours professionnel en tant qu’ingénieure structures à Paris, puis à Londres. Réalisant que je voulais avoir davantage de liberté dans la conception des projets, j’ai finalement rejoint l’agence Renzo Piano Building Workshop, en tant qu’architecte. Je travaille sur des projets très variés et de grande envergure en France et à l’international.
“Toujours viser la lune, le risque est uniquement d’arriver sur une étoile.”
La très grande diversité des enseignements à l’X et l’approche très fondamentale enseignée ont renforcé mon goût pour explorer chaque nouveau défi avec une approche multicritère et paramétrique.
Mon profil hybride me permet en effet de dialoguer avec aisance et pertinence sur toutes les dimensions du projet, aussi bien purement architecturales que techniques comme la structure, les fluides, l’acoustique, la thermique, les matériaux innovants.
Enfin l’expérience apportée par la première année de l’X (service militaire et civil) me donne une facilité indéniable pour évoluer dans des univers très hétéroclites et avec une multitude d’intervenants d’horizons très variés, pour créer une œuvre bâtie harmonieuse et pérenne.
Monique Legrand-Larroche X82, première femme 5 étoiles
J’ai choisi le corps de l’armement à la sortie de l’X par passion pour les hélicoptères et pour le service de l’État. Ma carrière a une dominante dans la direction de projet et les programmes d’armement. Depuis 2018, j’ai créé et je dirige la direction de la maintenance aéronautique au ministère des Armées. La rigueur
du scientifique, la capacité à appréhender et synthétiser des problèmes complexes, l’ouverture, l’intérêt du travail pour l’État et la fonction publique.
“C’est le bien général et non l’intérêt particulier qui fait
la puissance d’un État.”
Marguerite Bories X08, illustratrice
Je suis illustratrice à mon compte, je dessine avec bonheur des cartes, des affiches, ou réponds à des commandes privées. Aujourd’hui je lance tout juste mon activité. Je travaille encore à une petite échelle, mais j’espère atteindre un stade plus professionnel. J’envisage cette année de démarcher plusieurs entreprises, me former en ligne pour toujours
progresser, exposer dans une galerie…
“Oser !”
Je découvre que la plupart des illustrateurs « classiques » sont spécialisés : livres pour enfants, dessin de presse, motifs pour la mode, communication et marketing… Moi, tout m’intéresse ! Je suis curieuse et je n’ai pas peur de m’adapter à de nouvelles contraintes d’impression, de format, de support… Je pense que cette pluridisciplinarité est aussi un atout polytechnicien. Ces années d’études m’ont appris la rigueur, la recherche du beau et de l’excellence, la patience, l’exigence et l’humilité. Ce fut passionnant et très formateur. Je place la barre très haut, c’est sans doute aussi quelque chose qui vient de ma formation à l’X.
Catherine Greiveldinger X83, coach
J’ai passé trente belles années en tant que dirigeante et manager dans le groupe EDF et à RTE : directrice de région, DRH adjointe et directrice de la transformation. À 50 ans, une deuxième vie professionnelle guidée par l’envie d’un nouveau challenge professionnel et d’OSER faire mes propres choix. Je me suis repositionnée depuis cinq ans sur l’accompagnement de dirigeant en coaching et outplacement, et j’adore ce métier : aider, participer à l’élaboration d’un projet, avoir de l’impact me réjouit !
“Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends.”
Nelson Mandela
L’X représente trois très belles années et m’a permis de : m’ouvrir à d’autres milieux (service militaire) en encadrant des appelés issus de quartiers très populaires et tellement différents de moi ; développer ma confiance en moi, grâce aux engagements associatifs ; acquérir un réseau professionnel, une carte de visite ; à travers les stages, comprendre que je pouvais être dans des métiers techniques et riches sur le plan humain.
Caroline Ledédenté X05, viticultrice négociante vinificatrice
Négociante et vinificatrice depuis 2018 dans le Bugey. Grain par Grain est le nom de mes vins. Toute l’année je m’occupe de 4 ha de vignes, depuis la taille jusqu’aux traitements. Je complète cette activité par de l’achat de raisins dans la région Bugey et Savoie ; je vinifie les raisins de façon naturelle, au sens où il n’y a pas d’ajout de sulfites ni de manipulations exagérées. Je m’occupe de la commercialisation. À cette occasion j’ai pu également dessiner mes propres étiquettes pour créer l’univers Grain par Grain, j’en suis très fière. Depuis que j’ai découvert la linogravure, c’est la technique utilisée pour mes étiquettes ; j’ai pu faire aussi un livre d’illustration retraçant les étapes de la viticulture.
“Essaye, t’as rien à perdre, personne ne t’attend là, fonce !”
Après l’X j’ai fait le double cursus Pont-architecture. J’ai travaillé dans un bureau d’architecture pointu et très intéressant, j’étais solide sur mes acquis et quand même quelque chose me manquait, le lien avec le vin nature, ma passion ultime. Ce parcours m’a donné l’assurance pour remettre en question mes anciens choix et en faire de nouveaux.
Clélia Sarotte X17, primée au 48×2 Animation Project
À la sortie de l’X, je m’engage dans des projets de mise en scène, dans le cinéma ou le spectacle vivant. J’ai réalisé plusieurs courts métrages, dont deux films d’animation qui ont obtenu la prmière place au 48×2 Animation Project 2020 et 2021. Mes expériences m’ont conduite à toucher à des missions très diverses, de la recherche de figurants au story-board. Ces activités artistiques me permettent de ne pas « m’éteindre ». Je peux y raconter des histoires, ce qui me passionne. C’est un juste équilibre entre activités manuelles et activités intellectuelles ; l’organisation d’un tournage ou d’un spectacle est très complexe.
“Ne pas soi-même vouloir se ranger dans une catégorie et toujours faire les choses avec enthousiasme !”
Je vois le campus de l’X comme un extraordinaire laboratoire, qui m’a donné la chance d’expérimenter la réalisation de vidéos et d’une comédie, au milieu d’une ambiance très porteuse et sans les contraintes du milieu professionnel. J’y ai développé une grande capacité d’adaptation, un goût pour la complexité et une débrouillardise très utiles. Être polytechnicienne implique pour moi une responsabilité vis-à-vis de la société.
Julia Mouzon X04, lauréate du programme Leaders de la Fondation Obama et fondatrice d’Élues locales
En sortant de Polytechnique, j’ai cherché comment contribuer au progrès de notre démocratie. J’ai d’abord rejoint la direction du Trésor, au ministère des Finances, pour conseiller les ministres sur les politiques de la jeunesse et de l’emploi. Rapidement, je me suis intéressée aux acteurs locaux, qui jouent un rôle majeur mais méconnu pour mettre en place ces politiques et transformer nos territoires. Pour accélérer ces changements, j’ai créé il y a dix ans Élues locales, une société qui forme les femmes élues à l’exercice du mandat local. Aujourd’hui, nous formons mille femmes élues par an. À ce titre, j’ai fait partie du programme Europe : Leaders 2020 de la Fondation Obama.
“Au-delà des divisions, nous devons construire ensemble notre avenir commun.”
J’ai énormément appris à l’École polytechnique sur le plan intellectuel comme sur le plan humain. Avoir eu cette chance nous donne collectivement beaucoup d’opportunités, mais aussi une responsabilité : celle de travailler pour diversifier le recrutement des grandes écoles, afin que toutes et tous puissent demain y accéder.
Léa Dubois X17, actrice metteuse en scène auteure
Après mes études à l’X, je suis en troisième année au Cours Florent. J’ai joué dans une dizaine de courts métrages depuis l’X, j’écris une pièce de théâtre, en mets en scène une autre et passe cette année les concours des écoles nationales.
Je souhaite ensuite travailler en tant qu’actrice, metteuse en scène ou auteure pour le théâtre, actrice pour le cinéma, et potentiellement monter ma propre compagnie.
Les stages que l’X m’a permis de faire dans des instituts publics m’ont ouvert de nombreuses portes. J’ai également acquis une souplesse intellectuelle et une habileté à trouver des astuces concrètes. Mes années à l’X m’ont donné confiance en le fait que je pouvais travailler dans le milieu qui m’attirait et que mes études me permettaient de le faire intelligemment. Mon esprit critique et d’analyse, et les compétences de gestion d’équipes et de projets, développées lors de mes études, sont aussi cruciales pour le métier de metteuse en scène.
“Et si ?”
J’ai toujours eu une passion pour le spectacle vivant, mais c’est l’année que j’ai passée à tenir le premier rôle à X‑Broadway que je me suis dit : « Et si je pouvais réellement et concrètement faire du théâtre ma carrière et ma vie ? »
Nathalie de Preobrajensky X98, ophtalmologiste
Après l’X, j’ai bénéficié d’une passerelle pour débuter des études de médecine en troisième année. J’ai effectué mon externat puis mon internat à Paris, et je me suis spécialisée en ophtalmologie.
Je suis à présent installée en libéral à Versailles avec le Dr Julien Bullet, X99, également ophtalmologiste, et je travaille une journée par semaine au centre de la rétine du Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts. J’aime beaucoup ma spécialité car elle est extrêmement variée, tant par la diversité des pathologies que par les possibilités d’exploration et de prise en charge.
“Il y a encore tant de choses à comprendre et à découvrir !”
L’X m’a apporté une très riche formation scientifique et humaine, des amitiés fortes et durables et l’envie d’apprendre toujours et encore.