Ceci n’est pas une dictature
André Bellon nous livre un travail d’historien qui, même s’il dérange bien des idées reçues, ne doit pas être confondu avec un brûlot de politique partisane.
L’auteur ne trouve les principes des Lumières ni chez les partis en lice, ni dans la structure et le fonctionnement de nos institutions actuelles. Il évite les pièges des vaines polémiques pour s’en tenir à des faits incontestables, ce qui fait de son propos un diagnostic objectif et éclairant sur les dérives de la Ve République.
Ainsi, en 2005, par voie référendaire, les Français ont dit majoritairement non au projet de TCE, mais en 2007, députés et sénateurs ont voté oui au traité de Lisbonne et à la réforme constitutionnelle. Selon les points de vue, de tels événements peuvent paraître symptomatiques d’un défaut de pédagogie imputable à l’absence de véritables débats et, dans tous les cas, d’un étiolement de la démocratie.
Comment s’étonner de la perte de confiance qui éloigne une part croissante de la population du personnel politique, alors même que des segments entiers du peuple ne se sentent pas représentés, ou même ne sont manifestement pas représentés du tout ? Le nombre des Français qui ne se reconnaissent dans aucun parti et s’abstiennent d’aller aux urnes, ou votent blanc, ne cesse de croître de façon inquiétante.
Ce livre d’André Bellon apporte une nouvelle contribution à l’histoire des dernières décennies. À travers une grande richesse documentaire d’événements, et d’anecdotes risibles s’il ne fallait en pleurer un jour, il sait projeter une lumière crue sur le jeu des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire, médiatique, financier, qui ne répondent plus que théoriquement au principe de séparation.
Le Parlement ne serait d’ailleurs plus qu’une chambre d’enregistrement, s’il était vidé de ses prérogatives par les structures européennes qui décident des règles et des lois. La réduction à cinq ans du mandat présidentiel et l’inversion du calendrier des élections présidentielles et législatives ne font qu’accentuer la dérive d’une république devenue celle des partis, et qui prend insidieusement la forme d’une dictature sans dictateur en titre.
L’histoire montre que, sous aucune latitude, un régime ne peut durablement affronter ni résoudre les crises que traverse le pays dont il a la charge, s’il ne bénéficie pas de la confiance du peuple, légitime et véritable détenteur, in principio et in fine, du pouvoir.
Quelles que soient les opinions du lecteur, l’ouvrage d’André Bellon, captivant sur le fond comme dans la forme, alimentera sa réflexion, dans une perspective historique, et par une argumentation très documentée, qui réserve bien des surprises.