Centenaire de la disparition d’Henri POINCARÉ
Henri Poincaré est un scientifique qui, par de nombreux textes écrits destinés à un large public, a fait avancer une réflexion assez globale sur la nature de la science et des réponses qu‘elle peut apporter en relation avec d‘autres activités humaines. Voici quelques citations qui continuent d‘appeler notre curiosité.
La pensée
© CLAUDE GONDARD (65) |
« L‘histoire géologique nous montre que la vie n’est qu‘un court instant entre deux éternités de mort, et que, dans cet épisode même, la pensée consciente n‘a duré et ne durera qu‘un moment. La pensée n‘est qu‘un éclair au milieu d‘une longue nuit. Mais c‘est cet éclair qui est tout. »
La Valeur de la science, Flammarion, Paris, 1911, préface.
La vérité entre science et morale
« Quand je parle ici de la vérité, sans doute je veux parler d‘abord de la vérité scientifique ; mais je veux parler aussi de la vérité morale, dont ce qu‘on appelle la justice n‘est qu‘un des aspects. Il semble que j‘abuse des mots, que je réunis ainsi sous un même nom deux objets qui n‘ont rien de commun ; que la vérité scientifique qui se démontre ne peut, à aucun titre, se rapprocher de la vérité morale qui se sent.
« Et pourtant je ne peux les séparer, et ceux qui aiment l‘une ne peuvent pas ne pas aimer l‘autre. Pour trouver l‘une, comme pour trouver l‘autre, il faut s‘efforcer d‘affranchir complètement son âme du préjugé et de la passion, il faut atteindre à l‘absolue sincérité. […]
« La morale et la science ont leurs domaines propres qui se touchent mais ne se pénètrent pas. L‘une nous montre à quel but nous devons viser, l‘autre, le but étant donné, nous fait connaître les moyens de l‘atteindre. »
La Valeur de la science, p. 2–4.
« Il ne peut pas y avoir de morale scientifique ; mais il ne peut pas non plus y avoir de science immorale. »
Dernières Pensées, Flammarion, Paris, 1913, p. 93.
Preuve et invention
« Mais avant de démontrer, il a fallu inventer. On n‘invente pas par déduction pure ; si toute la conclusion était déjà dans les prémisses connues, ce ne serait plus de l‘invention, de la création, ce ne serait que de la mise en oeuvre, de la transformation. »
Les Sciences et les Humanités, Paris, Fayard, 1911, p. 27.
Idée et certitude
« À ce moment, je quittai Caen, que j‘habitais alors, pour prendre part à une course géologique entreprise par l‘École des Mines. Les péripéties du voyage me firent oublier mes travaux mathématiques ; arrivés à Coutances, nous montâmes dans un omnibus pour je ne sais quelle promenade ; au moment où je mettais le pied sur le marchepied, l‘idée me vint, sans que rien dans mes pensées antérieures parût m‘y avoir préparé, que les transformations dont j‘avais fait usage pour définir les fonctions fuchsiennes étaient identiques à celles de la géométrie non euclidienne. Je ne fis pas la vérification ; je n‘en aurais pas eu le temps puisque, à peine assis dans l‘omnibus, je repris la conversation commencée, mais j‘eus tout de suite une entière certitude. De retour à Caen, je vérifiai le résultat à tête reposée pour l‘acquit de ma conscience. »
L‘Invention mathématique, p. 8, conférence faite à l‘Institut général psychologique, Paris. Extrait du Bulletin 3, 8e année, 1908.