Cérémonie de la passation du Drapeau à la promotion 1997
La cérémonie de la passation de la garde du drapeau a eu lieu le mercredi 10 mars. Elle a été présidée par M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d’État aux Anciens combattants.
À cette occasion le général Novacq, directeur général de l’École, a prononcé l’allocution ci-dessous.
Polytechniciens de la promotion 1997
La cérémonie de passation du drapeau entre la promotion rouge et la promotion jaune se déroule traditionnellement en cette période de l’année, peu avant l’arrivée du printemps qui voit aussi le départ des anciens en stage d’option. C’est la dernière occasion qui soit donnée de rassembler les deux promotions d’élèves présentes à l’École.
Je remercie en votre nom M. Jean- Pierre Masseret, secrétaire d’État aux Anciens combattants, d’avoir bien voulu accepter de présider cette cérémonie et de témoigner par sa présence l’intérêt que porte le ministre de la Défense à l’évolution de l’École polytechnique.
Je remercie également toutes les hautes personnalités civiles et militaires qui nous font l’honneur et l’amitié de leur présence, et tout particulièrement :
- M. Mutz, préfet de l’Essonne,
- M. Lamy, député de l’Essonne,
- M. Loridan, sénateur,
- M. Allain, conseiller général, maire de Palaiseau,
- M. le général de corps d’armée Billot, gouverneur militaire de Paris.
Votre présence, messieurs les élus, prouve, s’il en était besoin, que l’École est bien implantée dans le tissu économique local et nous conforte dans notre volonté de participer pleinement à la grande aventure de la valorisation du pôle scientifique de l’Îlede- France Sud et de son cœur, le plateau de Saclay.
Je tiens à saluer la présence sur les rangs d’une délégation de cadets du Virginia Military Institute, qui témoigne de l’amitié séculaire qui lie l’École polytechnique à sa petite sœur d’outre- Atlantique, fondée en 1839 par un de nos anciens, Claudius Crozet.
Je salue enfin la présence d’une importante délégation d’élèves de la promotion 1998, actuellement en stage de formation militaire et humaine. Je les remercie d’être venus si nombreux et de manifester ainsi leur attachement à leur École dont ils sont temporairement éloignés.
Polytechniciens de la promotion 1997, vous avez été présentés au drapeau de l’École ici même en octobre dernier. Je vous en ai alors rappelé la signification : notre drapeau est le symbole de la nation et des idéaux à vocation universelle qui l’ont forgée, mais c’est aussi l’emblème de l’École qui porte sur sa soie la devise que lui a donnée l’Empereur Napoléon et que vous avez fait vôtre : Pour la patrie, les sciences et la gloire. C’est cet emblème qui va maintenant être confié à votre garde pour les douze mois à venir.
Ce geste revêt évidemment une valeur hautement symbolique. Mais il est du nombre de ces symboles au nom desquels on peut s’engager totalement, jusqu’au sacrifice suprême.
Et puisque aujourd’hui l’École participe au devoir de mémoire avec l’inauguration d’une exposition consacrée aux polytechniciens dans la Résistance, je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour vous rappeler un épisode peu connu de l’histoire de l’École sous l’Occupation. Il s’agit de l’opération “ rapatriement du zurlin ”.
Au moment de la débâcle, en 1940, quand l’École se replia sur Bordeaux avant d’être transférée provisoirement à Lyon, le Drapeau fut confié à l’archevêque de Bordeaux, Mgr Feltin.
Au début de l’hiver 1941, alors que l’École était devenue officiellement civile tout en conservant cependant son caractère militaire, trois élèves de la promotion 1938 franchirent clandestinement la ligne de démarcation avec l’accord tacite d’officiers du cadre pour récupérer le Drapeau. Je passe sur les difficultés qu’ils eurent pour se faire reconnaître comme élèves de l’École auprès de l’archevêché de Bordeaux.
Toujours est-il qu’ils y parvinrent et que le meilleur moyen qu’ils imaginèrent pour rapatrier le Drapeau fut de le rouler autour du corps de l’un d’entre eux. Et c’est ainsi que cet emblème arriva à Lyon sans autre encombre et put figurer en bonne place à une cérémonie organisée peu après à la cathédrale de Lyon en mémoire des polytechniciens tombés au champ d’Honneur.
Deux des acteurs de cette épopée mémorable nous font l’honneur d’être présents parmi nous aujourd’hui. Ils ont émis le souhait de ne pas être mis en avant, considérant qu’ils n’avaient fait somme toute que leur devoir. Je respecte bien évidemment leur vœu.
Mais qu’il me soit cependant permis de vous demander, à vous jeunes polytechniciens de la promotion 1997, de vous inspirer de leur exemple et plus généralement de l’exemple de ceux de vos anciens qui n’ont pas subi et qui sont allés jusqu’au bout de leur engagement pour la cause de la liberté.
Au moment où la garde du Drapeau va vous être confiée, je vous demande d’assumer vos responsabilités dans la plus pure tradition de l’École :
- en dépassant les intérêts particuliers, aussi légitimes soient-ils, pour œuvrer en permanence dans le sens de l’intérêt général. Votre état de polytechnicien vous ouvre les portes de la réussite, mais il vous confère avant tout des devoirs ;
- en cultivant les qualités de tolérance, d’écoute, de générosité d’esprit et de cœur qui vous permettront de forger un véritable esprit de promotion au-delà des différences qui font précisément la richesse de votre promotion.
Polytechniciens de la promotion 1997, les responsabilités que la promotion 96 exerçait au nom de l’ensemble des élèves vont désormais vous être confiées. Je vous souhaite plein succès dans cette entreprise et pour la suite de vos études.
Au cours de la cérémonie militaire la médaille de bronze de la Défense nationale a été remise à plusieurs élèves présents à l’École.
Puis, M. J.-P. Masseret, secrétaire d’État aux Anciens combattants, a prononcé le discours ci-dessous.
Mesdames, Messieurs,
D’abord, vous dire le sentiment de fierté que j’éprouve de pouvoir présider la cérémonie de passation de drapeau d’une promotion à l’autre ; je le fais avec d’autant plus d’émotion que je viens également évoquer avec vous la mémoire de cette école, le rôle de ses élèves et anciens élèves dans une page dramatique de notre histoire, la Seconde Guerre mondiale.
Le général Novacq et Monsieur Jean-Pierre Masseret. © JEAN-LUC DENIEL/ÉCOLE POLYTECHNIQUE
Dans ce continuum entre passé et présent, que symbolise la cérémonie traditionnelle qui vient d’avoir lieu, je vois aussi l’avenir, puisque le passé vous incite à garder un certain esprit d’ouverture, de service et de fidélité aux valeurs de progrès scientifique et politique qui sont celles de l’École. C’est pourquoi je dirai quelques mots de l’avenir de Polytechnique au moment où celle-ci aborde un siècle nouveau.
Après le bicentenaire de la création de l’École voici quelques années, on a commémoré l’expédition d’Égypte l’année dernière, et voilà que l’on rappelle maintenant le rôle des élèves et anciens élèves dans la Résistance et les Forces françaises libres, comme si ces commémorations répétées devaient vous aider à tenir le cap des engagements démocratiques et scientifiques, à ne pas vous tromper de route sur les chemins de votre vie et de votre carrière.
Naturellement, je souscris à cette vision des choses. Un secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense chargé des Anciens combattants, au gouvernement, est comptable de la mémoire. Je sais le rôle de ces commémorations pour la formation des générations présentes. C’est dans cet esprit, d’ailleurs, que nous avons mis au point le film qui est projeté aux jeunes d’après le service national, aux générations de l’Appel de Préparation à la Défense.
À vous, élèves de l’École polytechnique, comme à tous les jeunes Français, le monde des Anciens combattants a des choses à dire. Dans des moments difficiles, ces hommes ont accepté des sacrifices parce qu’ils adhéraient comme citoyens aux valeurs de la République.
Ceux parmi vos anciens qui ont combattu contre l’ennemi, qui se sont opposés au régime de Vichy dès les premiers jours, sont donc un exemple de citoyenneté active, engagée ; et l’image par laquelle débute l’exposition, une photo des quelques dizaines de soldats – dont plusieurs élèves de l’X – défilant à Londres, doit rester dans nos mémoires comme le refus de la défaite et de la mort de la République.
Car l’École polytechnique a une longue histoire de complicité avec la République, une histoire qui passe par la Révolution, se poursuit dans les luttes du XIXe siècle pour rétablir la République, et se confirme dans le sacrifice fait par de nombreux polytechniciens au cours de la Première Guerre mondiale. L’exposition qui s’ouvre aujourd’hui en rappelle un autre épisode.
Et demain ? L’École doit plus que jamais servir de poste avancé pour la République ; elle doit continuer à promouvoir le progrès des sciences, le progrès économique et social, un régime juste et rationnel. Elle doit aussi s’ouvrir sur le monde extérieur et poursuivre sa modernisation.
Le nouveau schéma directeur de l’École, résultat d’une réflexion collective lancée en 1993 sous l’impulsion du président du conseil d’administration, M. Pierre Faurre, a déjà choisi des orientations stratégiques. Celles-ci semblent propres à assurer l’avenir de Polytechnique, à garantir à la fois sa fidélité à la mission que lui confie la République et l’ambition de relever les nouveaux défis de notre enseignement scientifique.
Je voudrais en évoquer les principaux axes, les caps que l’École peut se donner pour naviguer dans son environnement des décennies prochaines.
Et d’abord, quel est son objectif ? Il s’agit de renforcer, dans le cadre d’une internationalisation croissante, la triple vocation actuelle de l’École polytechnique, à savoir former :
- des cadres à fort potentiel pour les entreprises,
- des chercheurs de haut niveau,
- et de futurs hauts fonctionnaires.
Cette variété des parcours des anciens élèves de l’École polytechnique est un apport indéniable pour le pays, en rapprochant des espaces souvent trop cloisonnés en France. Ce contact gardé entre vous après l’École, et qui fait votre force, sachez en faire un réseau créatif pour l’intérêt général, sans le laisser dériver vers le traditionalisme ni vers le corporatisme.
Mais revenons à l’avenir de Polytechnique. La traduction de ces objectifs suppose des évolutions concrètes dans plusieurs domaines. Je voudrais revenir sur deux grandes évolutions qui paraissent particulièrement importantes.
1. Il faut poursuivre et accentuer l’internationalisation de l’École polytechnique.
Cela suppose en premier lieu d’augmenter encore à l’avenir le recrutement d’élèves étrangers, en provenance notamment des pays de l’Union européenne et des autres pays les plus avancés. L’École polytechnique a déjà engagé des efforts importants pour élargir le recrutement des élèves : pas moins de 61 élèves étrangers au sein de la promotion 97. L’École est en avance, dans ce domaine, sur bien d’autres. Mais il faut poursuivre cet effort.
L’objectif d’internationalisation suppose que les diplômes délivrés par l’École polytechnique jouissent de la plus grande reconnaissance possible au niveau international.
Enfin, l’internationalisation de l’École polytechnique devrait conduire également à internationaliser, dans des proportions adaptées, le corps enseignant.
2. Il faut moderniser le cursus de formation des élèves.
Cette modernisation doit s’appuyer sur les points forts qui ont toujours été ceux de la formation dispensée à l’École :
- la formation polyscientifique suivie par les élèves. Cette formation permet de développer les qualités de rigueur, d’intuition et d’innovation qu’on acquiert au contact des diverses disciplines scientifiques enseignées ici ;
- l’importance accordée à la formation humaine. Cette spécificité trouve son origine dans le statut militaire de l’École hérité de l’histoire, mais c’est également un puissant atout pour l’avenir. En effet, il est essentiel que les polytechniciens, appelés à d’importantes responsabilités d’impulsion et de direction, acquièrent les qualités humaines qui en sont le support, le goût du travail en équipe et aussi le sens des responsabilités civiques et sociales.
Pour faire fructifier ces atouts, et s’adapter aux changements du contexte économique et social, il est nécessaire de faire évoluer le cursus des études, en le considérant dans sa globalité :
- le cursus actuel de trois ans, incluant la formation humaine selon des modalités diversifiées, doit être conforté et adapté, et permettre aux élèves d’obtenir des diplômes reconnus ;
- à l’issue de ces trois années, les élèves qui le souhaitent auraient le choix de s’engager dans une formation professionnalisante, dans le cadre d’une quatrième année sanctionnée par un diplôme spécifique, conçu en étroite concertation avec les écoles d’application, ou bien d’entrer dans les Corps de l’État, ou bien encore de suivre une formation par la recherche.
- enfin, il importe de conforter le troisième cycle de l’École polytechnique, afin que les élèves qui le souhaitent puissent suivre une formation conduisant au doctorat. Dans ce sens, je tiens à saluer les efforts engagés par le corps enseignant et les laboratoires de Polytechnique depuis près de dix ans pour donner à ce troisième cycle une dimension internationale de très haut niveau. Ces efforts sont déterminants pour l’avenir.
L’évolution de l’École polytechnique doit se mettre en phase avec un monde qui évolue de plus en plus vite : la réflexion sur la réforme doit déboucher rapidement sur l’action. Je sais que de nombreuses commissions y travaillent. Au cours des deux siècles écoulés, l’École polytechnique a su, dans l’ensemble, tenir la balance égale entre le respect des formes passées et l’évolution au présent.
À votre tour sachez évoluer, prenez- en l’initiative, pour prolonger l’élan de vos anciens. L’évolution n’est-elle pas une vertu scientifique ? Le projet 2000 me semble en cela conforme à l’esprit qui doit rester celui de Polytechnique.
Jacques Maillet (31) et Robert Saunal (40) présentent l’exposition “ Des polytechniciens dans la Résistance ”.
© JEAN-LUC DENIEL/ÉCOLE POLYTECHNIQUE
Et puisque cette cérémonie de passation du drapeau marque l’avènement d’une nouvelle promotion, c’est plus particulièrement à cette nouvelle promotion que je m’adresse, pour lui rappeler les engagements qu’elle doit tenir. Éduqués comme une élite de la connaissance et du savoir, vous avez plus de devoirs que d’autres. Notre nation doit pouvoir compter sur vous, sur votre exigence et votre ambition de servir une communauté consciente de ses responsabilités en Europe et dans le monde.
À vous de vous montrer dignes de l’exemple des anciens qui ont servi dans la Résistance, des combattants de la France libre. À vous de transmettre l’esprit de leur lutte, de conserver leur mémoire, et surtout d’y rester fidèles.
Après la cérémonie, M. Masseret a inauguré l’exposition “ Des polytechniciens dans la Résistance ” organisée par X‑Résistance et la Bibliothèque de l’École polytechnique.
Plusieurs décorations ont été remises à des personnalités civiles, en particulier la croix d’officier des Palmes académiques à M. Jean-Claude Toledano (60), directeur général adjoint pour l’Enseignement.
La journée s’est achevée avec la finale du XVe concours international de piano de l’École polytechnique, organisée par Musicalix, à l’amphithéâtre Poincaré.
Les organisateurs de cette journée sont à féliciter pour la haute tenue de l’ensemble des manifestations.