Cérémonie de la remise des diplômes à la promotion 1997
Le 15 juillet 2000 à Palaiseau, les élèves de la promo 1997 ont reçu leur diplôme suivant l’excellent cérémonial des quatre années précédentes mis au point par Philippe Wolf (78), directeur des études, toujours maître des cérémonies. Quelle belle tradition !
La délégation de l’A.X. à cette manifestation était conduite par Éric Le Mer (71), vice-président.
À 15 h 30 à l’amphi Poincaré, après La Marseillaise chantée par les élèves dirigés par M. Patrice Holiner, directeur de Musicalix, le général Novacq (67), directeur général de l’École, a ouvert la cérémonie. Puis, Monsieur Axel Kahn, directeur de l’Institut Cochin de génétique moléculaire, prononça une conférence “ Sciences et techniques : pouvoir et responsabilité” dont on trouvera le texte ci-après, conférence qui a suscité un profond intérêt chez les auditeurs. On peut même affirmer qu’elle les a frappés…
Ce fut alors la remise des diplômes par les professeurs de l’École ayant revêtu leur tenue de cérémonie (robe noire avec parements écarlates), avec remise des certificats d’auditeur de l’École aux élèves du Programme international et remise du “ prix de thèse ” à cinq docteurs de l’École polytechnique sélectionnés parmi les 72 diplômes conférés en 1999–2000, entrecoupées d’interventions musicales (piano, violon) d’élèves de la promotion 1998.
Puis au nom de l’A.X., Éric Le Mer remit le prix Poincaré aux deux majors de sortie ex æquo de la promotion 1997, Cédric Bourillet et Tuân Ngô Dac, élève vietnamien illustrant brillamment l’ouverture de l’École à l’international par le concours “2e voie ” ; et le prix Jordan au numéro 2 (après 1 et 1 bis) Yohann Leroy. L’allocution d’Éric le Mer est reproduite ci-après, ainsi que celle de Cédric Bourillet que Tuân Ngô Dac compléta par quelques mots exprimant sa reconnaissance pour les deux années extraordinaires passées à l’École.
Enfin, discours de clôture de Pierre Faurre (60), président du Conseil d’administration de l’École, exhortant ces tout nouveaux anciens élèves à être durant toute leur existence performants, désintéressés… et modestes.
Dernière cérémonie aux couleurs de la promo 1997.
Sympathique dîner présidé par le Général et Madame Novacq.
Et pour terminer la journée, récital de piano donné à l’amphi Poincaré par Stéphane Afchain (97), Emmanuel Naim (97), Benjamin Leclaire (98) et Loïc Marchand (98). Interprètes extraordinaires de Scriabine (deux études), Prokofiev (sonate), Liszt (La vallée d’Obermann), Ravel (Alborada del graciozo), Debussy (Jardins sous la pluie et Feux d’artifice) et, à deux pianos, Darius Milhaud (Scaramouche).
Je ferai personnellement la même remarque qu’il y a deux ans : comment peut-on atteindre cette maestria, ce niveau voisin du professionnalisme, et “ faire ” l’X ? Ils ont bien sûr été particulièrement applaudis.
Très belle journée, digne de l’École, qui marque avec solennité (un peu), chaleur (beaucoup), joie (passionnément) le passage d’une promotion du statut d’élève à celui d’ancien élève (définitivement acquis quand paraîtront ces lignes) qui dure toute la vie.
Marcel RAMA (41)
Conférence de Monsieur Axel Kahn
Sciences, technique, pouvoir et responsabilité
Mesdames, Mesdemoiselles,
Messieurs, Ingénieurs
de l’École polytechnique,
vous avez de la chance.
Vous obtenez votre diplôme au lendemain du 14 juillet de l’an 2000, prêts à conquérir le siècle qui s’annonce.
Le monde est en paix, l’Europe se construit, la France est prospère. Vous verrez l’homme mettre le pied sur de nouvelles planètes, communiquer par le texte, le son et l’image partout dans notre monde, et probablement au-delà.
L’association de l’informatique, de la microélectronique, de la robotique et de la micromécanique permettra d’accroître dans des proportions hier encore inimaginables le pouvoir combiné de la main et de l’esprit humains, et de réparer de plus en plus efficacement les corps endommagés par des accidents ou des maladies. Ces dernières seront de mieux en mieux connues, prévues et maîtrisées grâce aux progrès attendus de l’exploitation des informations tirées de l’étude des génomes, avant tout du génome humain. La maîtrise croissante de la régénération des cellules et des tissus permettra, dans une certaine mesure, de réparer des ans l’irréparable outrage. De ce fait, beaucoup d’entre vous seront centenaires, peut-être certains verront-ils le XXIIe siècle.
Polytechniciennes, polytechniciens, je vous plains ! Vous arrivez aux responsabilités dans un monde fou, dont personne ne peut prédire où il va. L’accroissement continu des inégalités qui rendent la misère encore plus inacceptable est vertigineux. Notre monde, en Europe, en Amérique et au Japon est celui dont je viens de vous décrire les brillantes perspectives, si elles ne sont pas ruinées, cependant, par les conséquences sur l’environnement et le climat d’un développement non maîtrisé, auquel pourtant des milliards de terriens aspirent.
Les tensions et conflits découlant du caractère impudent d’une débauche de richesses et de bien-être affichée chaque jour, à l’heure de la mondialisation des moyens de communication, aux yeux d’une humanité démunie, constituent une menace tout aussi sérieuse : l’inacceptable finit, un jour ou l’autre, par n’être plus accepté ! Or, comment qualifier autrement le spectacle du monde que nous contemplons ?
À Manille, ville occidentalisée depuis longtemps, des centaines de milliers de personnes vivent de l’exploitation de gigantesques décharges à ciel ouvert où s’accumulent les détritus de la population aisée. Elles habitent pratiquement sur leurs flancs. À l’occasion de pluies particulièrement abondantes, ces montagnes d’ordures glissent et s’éboulent, ensevelissant et tuant des centaines de personnes. Récemment, l’ONU reconnaissait, après d’autres, que le mode de développement actuel laisse de côté des milliards de personnes dont l’écart avec les citoyens des pays riches s’accroît dans tous les domaines. La malnutrition concerne près de deux milliards d’individus, les sols se dégradent, l’eau manque, la pollution augmente.
C’est naturellement dans le domaine de la santé que les différences sont les plus choquantes : la longévité en Occident est maintenant en moyenne de trente ans supérieure à celle en Afrique, et l’écart s’accroît aussi avec les peuples en voie de paupérisation comme ceux des anciens pays de l’Union soviétique. Quatre-vingt-cinq pour cent des dépenses de santé sont consacrées à 20% de la population mondiale, 15% aux 80 % restants. Il y a 35 millions de séropositifs pour le virus du sida dans le monde, les trois quarts en Afrique. Or, les traitements efficaces ne sont pas accessibles au plus grand nombre, et 92 % des dépenses engagées contre le sida le sont dans les pays riches qui ne comptent que 5% des personnes infectées. Dans le monde, plus d’efforts sont consacrés à soigner l’obésité et les maladies associées à la surcharge pondérale qu’à lutter contre la sous-nutrition et la malnutrition, ce qui est totalement absurde.
Voilà, Mesdames et Messieurs, la réalité dont vous héritez aussi, dont vous ne devez pas, dont vous ne pouvez pas vous satisfaire. C’est à votre capacité collective de l’améliorer que l’on appréciera, dans le futur, le succès de votre génération, et que l’on saura si, comme je l’espère, elle a fait mieux que la nôtre.
Outre des motifs d’indignation et d’inquiétude, quels enseignements peut-on tirer de la succession de ces deux discours, émerveillé pour l’un, accablé pour l’autre ?
Le premier, ce n’est pas une nouveauté, c’est que l’intelligence humaine accroît en permanence son efficacité grâce aux performances des outils qu’elle permet de créer, aboutissant à une extension exponentielle du pouvoir humain. Le second, c’est que le savoir, et le pouvoir auquel il donne accès, ne conduisent pas simplement, linéairement, inéluctablement à l’amélioration de la condition humaine.
En d’autres termes, le progrès des sciences et des techniques, fruit de la raison, est à l’évidence l’un des moyens du progrès humain mais il est insuffisant, contrairement aux espoirs que véhiculait l’idée de Progrès qui flamboie au Siècle des lumières, et contrairement à tous les idéaux progressistes.
Les citoyens de nos pays, à la fin du XIXe siècle, se retrouvaient dans cette foi en un Progrès des Sciences et des Techniques assurant progressivement le bonheur humain. Le XXe siècle qui s’achève a partiellement répondu à ces espoirs ; il a apporté l’amélioration de la santé, l’augmentation de la longévité, la maîtrise de la fécondité, etc.
Cependant, ce siècle, c’est aussi celui des deux conflits mondiaux hautement technicisés, des génocides, d’Hiroshima et de Nagasaki, de Tchernobyl, de Bhopal, du sida, de la pollution, des scandales de l’amiante, du sang contaminé, de la vache folle et, nous l’avons vu, de l’aggravation des inégalités. L’attente des citoyens européens a donc été déçue, amenant la majorité d’entre eux à ne plus mettre tous leurs espoirs dans le progrès des connaissances et des techniques, voire même à manifester à leur endroit plus d’appréhension que de confiance.
L’effondrement des pays nourris de l’idéologie du progressisme communiste, leur effroyable bilan humain et écologique, n’a pas amélioré l’image d’une certaine forme de progrès, et aujourd’hui la plupart des Européens sont persuadés que si la science est légitime dans sa poursuite du vrai, elle n’a pas vocation à dire le bien. Une traduction démocratique de ce principe est que la science et la technique, qui définissent le possible et le probable, sont parfaitement insuffisantes pour définir ce qui est socialement légitime.
C’est déjà ce que soutenait, il y a plus de vingt-trois siècles, le sophiste Protagoras qui, de passage à Athènes, discutait avec Socrate de la question. C’est à Platon, disciple de Socrate, que l’on doit ce dialogue philosophique. Le grand philosophe tient pour établi que le vrai conduit au bien, celui qui sait ne pouvant faire volontairement le choix du mal. Je ne pense pas que l’histoire ait confirmé cet optimisme, que ne partageait pas non plus Protagoras.
Afin de développer la thèse selon laquelle le savoir ne suffit pas à déboucher sur la vertu, Protagoras s’appuie sur le récit réinterprété du mythe de Prométhée. “ Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre. Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Épiméthée de les pourvoir et d’attribuer à chacun des qualités appropriées. ”
Épiméthée, celui qui ne prévoit pas, qui ne se rend compte qu’après coup, décide de se charger du travail. Il attribue si bien à toutes les espèces vivantes des qualités judicieuses, complémentaires, assurant leur survie et leur multiplication, que, sans y prendre garde, il dépense pour les animaux toutes les facultés dont il disposait, rien ne lui restant pour la race humaine. Prométhée vient alors pour examiner le partage : “ Il voit les animaux bien pourvus, mais l’homme nu, sans chaussures, ni couverture, ni arme, et le jour fixé approchait où il fallait l’amener du sein de la terre à la lumière.
Alors Prométhée, ne sachant qu’imaginer pour donner à l’homme le moyen de se conserver, vole (aux dieux) la connaissance des arts avec le feu (…) et il en fait présent à l’homme (…) lui donnant ainsi la science propre à conserver sa vie ; mais il n’avait pas la science politique ; celle-ci se trouvait chez Zeus ” et était bien gardée.
L’homme possède ainsi les arts et les techniques. Cependant, il n’a pas les vertus civiques ; “aussi les hommes à l’origine vivaient isolés et les villes n’existaient pas ; ainsi périssaient-ils sous les coups des bêtes fauves, toujours plus fortes qu’eux ; les arts mécaniques suffisaient à les faire vivre ; mais ils étaient d’un secours insuffisant dans la guerre contre les bêtes (…) Ils tentaient de se réunir mais quand ils s’étaient rassemblés, ils se faisaient du mal les uns aux autres parce que la science politique leur manquait, en sorte qu’ils se séparaient de nouveau et périssaient. ”
C’est alors que, craignant que la race humaine ne soit anéantie, Zeus demande à son messager Hermès de porter aux hommes aïdos et dikè, le respect mutuel et la justice. Le message de cette histoire, c’est que la science et les techniques sont indispensables mais insuffisantes à l’homme pour survivre. Il lui faut également la justice et le respect mutuel, qui sont d’une autre nature.
Je voudrais encore illustrer ce message qui me semble essentiel pour les hommes et les femmes de science, de technique et de responsabilité que vous serez, par l’évocation d’un destin tragique qui marque notre siècle.
En 1920, le grand chimiste allemand Fritz Haber reçoit le prix Nobel de sa spécialité pour son travail d’avant-guerre sur les nitrates.
Durant le conflit, c’est ce chimiste qui, par patriotisme, invente et développe les gaz de combat. Le premier à être utilisé est le chlore, en 1915 près de la ville belge d’Ypres. Il met hors de combat et tue des milliers de soldats de France et d’Afrique du Nord. Le phosgène et l’ypérite seront synthétisés ensuite, et rapidement employés sur le front. Clara, la femme de Fritz, est elle-même une chimiste de talent. Elle n’accepte pas que des scientifiques, qu’elle voudrait mus seulement par l’idéal de la connaissance, fassent un tel usage de la science. Après les premiers essais du chlore en tant que gaz de combat, horrifiée et ne pouvant faire entendre raison à son époux, Clara se saisit de l’arme de service de ce dernier et se suicide.
Peu avant la fin de la guerre, Fritz Haber met au point le cyclon B, qui sera utilisé à partir de 1941 pour le programme d’euthanasie des malades mentaux du IIIe Reich, puis dans les chambres à gaz de la solution finale. Par une tragique ironie de l’histoire, les victimes du gaz de notre prix Nobel seront alors en majorité les Juifs, c’est-à- dire les membres de cette communauté dont est issu Haber.
Les pseudo-théories scientifiques fondant la politique d’hygiène raciale du Reich ont, en fait, été plus ou moins approuvées, ou au moins tolérées, par une grande partie des biologistes allemands. Dans presque tous les pays du monde, les sociétés de génétique s’appellent alors sociétés d’eugénique, par référence à la théorie eugéniste qui conclut à la nécessité de l’amélioration des lignages humains.
La mise en œuvre de politiques eugénistes aboutira à la stérilisation de centaines de milliers de personnes dans le monde. Cette effervescence idéologique est l’une des conséquences du progrès des sciences biologiques aux XIXe et XXe siècles, la théorie de l’évolution de Jean-Baptiste Lamarck et Charles Darwin, et la découverte des lois de la génétique par Gregor Mendel en 1865, et surtout leur redécouverte dès l’année 1900.
Ces progrès scientifiques sont considérables ; ils constituent les piliers de la biologie moderne. Et pourtant, ils ont joué un rôle important dans les événements sociaux et politiques d’une des pires périodes de l’humanité, illustrant de façon éclatante que, décidément, le bien est irréductible au vrai. La possession de la connaissance et la maîtrise des techniques, le pouvoir qu’elles confèrent, débouchent toujours sur un choix. En particulier, c’est celui de Fritz Haber que l’on peut faire, ou bien préférer celui de sa femme Clara. Fritz et Clara, deux choix distincts, deux visages de la responsabilité assumée par des scientifiques.
Mesdames et Messieurs les futurs anciens élèves de l’École polytechnique, décideurs de demain, vous avez reçu la mission non seulement de contribuer au développement du savoir et des techniques mais aussi de faire ces choix-là, dans un contexte exaltant autant qu’éprouvant. C’est ce à quoi ont voulu vous préparer tous vos professeurs, civils et militaires, spécialistes des sciences exactes ou des sciences humaines. C’est leur raison d’être, la base de l’espoir légitime qu’ils investissent en vous.
Je connaissais très bien l’un de ces enseignants, le professeur Olivier Kahn, pédagogue passionné, chimiste de talent, spécialiste mondialement connu de l’électromagnétisme moléculaire. Il était mon frère et nous partagions les mêmes valeurs, et aussi la même affection pour l’École et ses élèves. Puisqu’il ne peut plus s’adresser à vous directement, je l’associe à moi pour vous témoigner toute notre admiration pour vos capacités, votre réussite et, nous en sommes sûrs, votre conscience et votre esprit de responsabilité.
Vous prenez, en quelque sorte, possession d’un monde magnifique, prometteur et inquiétant : faites-en bon usage, vous le pouvez !
Allocution d’Éric Le Mer
Remise des prix aux majors de la promotion 1997
Excellence,
Monsieur le Président,
Mon Général,
Mesdames, Messieurs,
Chers Camarades,
Écho de la fête de la Fédération, célébrée hier, 14 juillet, une autre fête nous réunit aujourd’hui, qui distingue le, devrais-je dire en l’occasion les majors, ainsi que le second de la promotion sortante.
Selon une tradition dont elle s’honore, c’est l’A.X., l’Association des anciens élèves de l’École polytechnique, qui procède ainsi, à la remise du prix Poincaré et du prix Jordan.
Le Président de l’Association n’ayant pu se rendre disponible, c’est pour moi un grand plaisir de le remplacer pour cet événement en tant que vice-président de l’A.X.
Moment de fête, disais-je, mais aussi moment de transition puisque aussi bien pour vous, chers camarades de cette promotion sortante, il s’agit d’un changement tout à la fois de statut et de perspective temporelle : élève pendant trois ans, ancien élève toute une vie.
À cet égard, un mot sur notre Association d’anciens élèves, l’A.X., que je ne saurais trop vous encourager à rejoindre pour l’enrichir de vos forces et de votre enthousiasme.
C’est une association amicale (ce qualificatif est essentiel) dont la raison d’être est de maintenir et développer des relations de solidarité, de camaraderie, d’amitié, de communauté d’intérêt, entre tous les anciens, toutes promotions confondues.
On parle souvent de la grande famille polytechnicienne ; si cette image est pertinente, il est bien naturel de favoriser les liens entre ses membres et aussi d’apporter entraide, réconfort, secours à ceux et aux familles de ceux (il y en a plus qu’on ne le pense) que la vie n’épargne pas.
Mais l’A.X. se sent également, à sa juste place, une responsabilité sur la vie et l’avenir de l’École en restant vigilante, mais surtout en apportant son appui à tous ceux qui œuvrent pour que l’X maintienne son niveau d’excellence, se modernise, s’ouvre et rayonne davantage à l’extérieur au rythme voulu par les transformations de la société française, de l’Europe et du monde.
C’est, maintenant, comme représentant des anciens élèves de l’X, que je vais remettre leur prix à trois de vos camarades dont les trajectoires personnelles illustrent, remarquablement, le caractère démocratique et international de notre École.
- Le prix Henri Poincaré, à vos deux majors :
– Cédric BOURILLET et
– Tuân NGÔ DAC, camarade vietnamien entré à l’École par le concours “ 2e voie ”. - Le prix Jordan, au second de votre promo : Yohann LEROY.
Henri POINCARÉ, major d’entrée de la promotion 1873, est une figure emblématique de notre communauté, mais aussi de la communauté scientifique et philosophique, de façon plus générale. Professeur à la Sorbonne à 31 ans, membre de l’Académie des sciences à 32 ans, ses travaux d’exception en mathématiques et en physique ont porté sur les sujets les plus ardus en analyse mathématique, en mécanique, en physique mathématique ; certainement l’un des théoriciens fondateurs de la Relativité, il fut aussi le visionnaire de la future Théorie du Chaos.
Cédric BOURILLET et Tuân NGÔ DAC, je vous remets le prix Henri Poincaré qui comporte l’ensemble de ses œuvres.
Camille JORDAN, un autre major d’entrée à l’X, en 1855, figure lui aussi au Panthéon des mathématiciens.
Professeur à l’X, membre de l’Académie des sciences à 43 ans, ses travaux, d’une rigueur extrême, ont porté sur l’algèbre, la théorie des groupes, l’analyse.
Yohann LEROY, je vous remets le prix Camille JORDAN qui comporte l’ensemble de ses œuvres.
Je vous félicite tous les trois pour les brillants résultats que vous avez obtenus. À vous tous, membres de la promotion 1997, je souhaite que la vie vous apporte un plein épanouissement sur le plan personnel et familial, une entière réalisation sur le plan professionnel à la mesure de votre engagement et de votre exigence éthique.
Pour terminer je vous laisse réfléchir à ce propos d’Henri POINCARÉ, extrait de Science et Méthode, où se mélangent éthique et esthétique :
“ Si la Nature n’était pas belle, elle ne vaudrait pas la peine d’être connue, la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. ”
Que votre nouvelle vie d’ancien soit belle.
Allocution du major Cédric Bourillet
Remise des diplômes aux X 97
Excellence,
Messieurs les Élus
Monsieur le Président,
Mon Général,
Mes chers Camarades,
Mesdames, Messieurs,
C’est un redoutable honneur qui m’échoit d’avoir en présence d’un auditoire aussi brillant, à prononcer le discours de clôture de notre promotion et malgré ma taille, je me sens humble et petit devant cette responsabilité.
Nous venons de passer trois années sous l’égide de notre prestigieuse École et nous allons religieusement mettre notre bicorne sous globe sur la cheminée du salon avant de regarder le chemin parcouru.
Après avoir acquis au prix d’efforts incessants les connaissances élémentaires requises pour ouvrir la porte de l’École, nous avons constaté que nous ne savions rien, que notre cervelle était nue, nue comme Ève au commencement des temps, nue comme Vénus sortant de l’onde, nue comme beaucoup de discours de gens souvent importants.
Heureusement, hors uniforme, on a habillé notre cerveau d’un trousseau complet, au prix d’essayages, de choix de tissu, de couleurs, mensurations, coupes, retouches diverses et nombreuses au cours desquelles notre cerveau malaxé a été tourné, retourné, essoré à tel point que nous avons maintenant quelques circonvolutions cervicales de plus ce qui, tout le monde le sait, est le signe d’un esprit supérieur, enfin restons modestes.
Et je tiens à remercier ici les tailleurs et stylistes qui ont su ainsi nous parer avec toute leur compétence mais aussi tout leur enthousiasme, des matières les plus abstraites aux matières les plus appliquées.
La culture de notre corps n’a pas été oubliée. Pendant la première année, au travers d’une formation militaire qui nous a tout d’abord permis d’acquérir un pas de danse binaire endiablé au son des voix de basse des sergents et adjudants ; puis par l’apprentissage du goût de l’effort. Pendant les deux dernières années, ce goût a été développé à l’École par le sport, matière à part entière qui ne se contente pas d’être un complément indispensable au travail intellectuel, mais se révèle être aussi un lien social important entre les individus. Ces aspects ont été particulièrement développés par mes deux moniteurs de judo et je profite de cette occasion pour leur rendre hommage.
Nous allons maintenant entrer dans la vie, chacun suivant son destin. Trahit suam quamquam voluptas, disait élégamment Virgile quoique dans notre cas la volupté sera plutôt austère. À chacun de remplir la tâche qui lui est dévolue, de servir à sa manière la France qui nous a tout donné. Mais y a‑t-il meilleur moyen de la servir qu’en s’inspirant aussi de la richesse des autres pays ?
Et l’ouverture à l’international de notre promotion fut indubitablement une chance pour elle.
Nous avons pu profiter de camarades étrangers qui progressent, de camarades étrangers qui souvent s’intègrent vite, de camarades étrangers qui réussissent.
Parmi eux, je tiens particulièrement à féliciter une nouvelle fois celui qui a réussi, malgré la barrière de la langue, à se glisser devant le deuxième élève français lors du résultat final…