C’était il y a cinquante ans
C’était il y a cinquante ans !
C’était en Palestine !
Nos générations sont des privilégiées de l’Histoire, elles qui sont contemporaines de la re-naissance d’Israël ou du cinquantenaire de son indépendance recouvrée, elles qui sont témoins de l’accomplissement d’un événement voulu par des hommes – avec une extraordinaire constance – durant deux mille ans.
La Tour de David à Jérusalem © ONIT
C’était il y a cinquante ans ! Mais sans les Juifs qui ont maintenu de tout temps la vie juive sur la terre de leurs ancêtres, sans les pionniers qui s’étaient mis en route vers une terre désolée dès le siècle dernier, sans les bâtisseurs des structures d’un État en Palestine tout au long de la première moitié du XXe siècle, Israël ne se serait pas constitué en un jour en 1948.
Comme l’a écrit Pierre Elyakim Simsovic dans son livre Israël, cinquante ans d’État paru sous l’égide de France-Israël(*), le jour de la proclamation de l’Indépendance « restera dans la mémoire des hommes.[…] Il viendra un temps où il sera reconnu comme un grand jour pour l’humanité entière. »
Il faut donc saluer l’initiative prise par La Jaune et la Rouge de consacrer l’un de ses numéros à une meilleure connaissance d’Israël.
Yad Vashem, mémorial de la Shoah © ONIT
L’actualité au quotidien ne donne de ce pays que des échos déformés, ou si malveillants qu’ils oblitèrent souvent à la fois l’histoire millénaire d’Israël et son épopée moderne. Elle ne retient en général que le cycle des guerres et le fond de violence du conflit arabo-israélien.
« L’Europe, a‑t-on dit, c’est le maximum de diversité dans le minimum d’espace. » Que dire alors du minuscule Israël dont la superficie est à peu près celle de la Sardaigne et qui, pourtant, offre tant de contrastes, des neiges du Hermon au désert du Néguev, en passant par les plaines de Galilée et les monts de Judée ? Et, venus de 120 pays des cinq continents, les hommes sont aussi divers que les paysages : Juifs d’Europe, d’Asie, d’Éthiopie ou des Indes, d’Afrique du Nord, de Perse ou du Yémen, Tcherkesses et Druzes, réfugiés vietnamiens ou yougoslaves…
Les Arabes musulmans ou chrétiens se mêlent aux Juifs, les croyants aux laïques, les étudiants des écoles talmudiques aux clients des cabarets… Le poète côtoie le chef d’une entreprise électronique exportatrice, l’archéologue côtoie le biologiste, l’officier côtoie l’universitaire. Et parfois, c’est le même homme. Et tous se parlent en hébreu.
Le Saint-Sépulcre, Jérusalem © ONIT
Ainsi s’édifie l’État. Et pourtant, si Israël occupe sur la scène mondiale une place sans commune mesure avec son territoire et sa démographie, ce n’est pas en raison de ses succès dans tous les domaines de l’activité humaine, remportés en quelques décennies seulement et de surcroît dans un environnement hostile. C’est en raison de la tension provoquée par cet environnement qui, dès l’origine, a contesté son droit même à l’existence et a bénéficié de la complaisance, sinon de la complicité, de certaines visées stratégiques, commerciales ou même idéologiques. Les amis d’Israël ont sans cesse à lutter contre l’ignorance, la sottise et l’antijudaïsme.
De la réalité israélienne, il faut dire les étonnantes réussites comme les échecs. Un professeur d’économie a fait un jour une comparaison avec un pays d’Amérique du Sud « doté de tout (territoire immense, population nombreuse, richesses naturelles sans limites) et qui ne faisait pas grand-chose ». Et il ajoutait par contraste lapidaire : « Israël n’a rien et il fait tout ». Un exemple que La Jaune et la Rouge aidera à méditer.
La re-création de l’État d’Israël sur sa terre fait partie des belles aventures humaines, très rares, que l’Histoire retiendra de notre XXe siècle, peut-être la seule si l’on écarte les grandes percées techniques telles que le nucléaire ou la conquête de l’espace.
L’exception est dans la tradition d’Israël. En 1913, dans les Cahiers de la Quinzaine du 27 avril, Charles Péguy a écrit ces lignes d’une actualité retentissante :
« … c’est un peuple qui est toujours et en tout une exception ; les Juifs, depuis la dispersion, paraissent présenter un exemple, et le seul, d’une race spirituelle poursuivie, prolongée, poussée, sans le soutien d’une armature temporelle1 et particulièrement militaire, sans le soutien d’un État et particulièrement d’une armée. »
Le judaïsme a creusé pour l’humanité le sillon de l’éthique. Aujourd’hui, Israël s’incarne dans une nation, un État, une armée et il demeure comme un gardien et un acteur essentiel de la civilisation. Voilà bien des raisons pour qu’un pays en création permanente aspire passionnément, plus que tout autre, à la paix2.
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1. Souligné par l’auteur.
La citation de Charles Péguy, y compris le renvoi ci-dessus, est empruntée au livre de KADMI-COHEN Nomades, essai sur l’âme juive, p. 30, Félix Alcan, 1929.
2. Le présent texte s’inspire de la préface du livre, Israël, cinquante ans d’État de Pierre Simsovic. Cette préface a été écrite par M. André Monteil, ancien ministre, ancien président de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense, et par moi-même.
France-Israël a gardé dans son titre le nom d’un de ses illustres prédécesseurs, le général Kœnig, maréchal de France. France-Israël est l’association des Français amis d’Israël, quelle que soit leur appartenance politique. Elle œuvre pour le rapprochement des deux pays. Paradoxe de l’Histoire plein de significations, elle a été fondée en 1926 sous le nom de France-Palestine avec comme parrains des hommes comme Paul-Boncour, Doumergue, Briand, Herriot, Raymond Poincaré, Langevin… Aujourd’hui la classe politique et la société civile sont largement représentées au sein de l’association.