Château Cos d’Estournel
De passage dans le Médoc, Stendhal n’a pas été sans remarquer Cos d’Estournel :
« Je trouve d’abord dans ce pays assez désert quelques grands arbres autour d’une sorte de château qui a une tour. Quelque temps après, j’arrive à un bâtiment singulier qui n’a qu’un rez-de-chaussée. “ Ce sont des écuries appartenant à un riche propriétaire dont le château est à un quart de lieue de la route ”, me dit le postillon. Je crois plutôt que c’est un chai : c’est le nom qu’on donne en ce pays aux celliers ou fabriques de vin.
Ce bâtiment fort élégant, d’une brillante couleur jaune clair, n’est à la vérité d’aucun style ; cela n’est ni grec, ni gothique, cela est fort gai et serait plutôt dans le genre chinois. Sur la façade on lit ce seul mot : Cos. »
La référence à l’Orient est pertinente, elle est corroborée par la présence sur les murs du chai de pagodes et de diverses figures ornementales d’origine orientale. Ce chai a en effet été construit par le fondateur du cru, Louis- Gaspard d’Estournel surnommé “le Maharadjah de Saint- Estèphe ” non pas parce qu’il exportait son vin jusqu’aux Indes – cela n’avait rien d’extraordinaire ; la lecture des ouvrages de l’époque montre que les Anglais consommaient aux Indes des quantités importantes de vins de Bordeaux – mais parce qu’il eut le premier l’idée de vendre des vins “ retour des Indes ”, c’est-à-dire étant allés en barriques jusqu’à Bombay ou Calcutta avant de revenir en Europe.
Cet original, qui a façonné le Cos que nous connaissons aujourd’hui, est mort ruiné en 1853, un an après l’Empire et deux ans avant le classement de 1855 des vins de Bordeaux qui devait consacrer Cos d’Estournel comme le premier des Saint-Estèphe.
Cos fait aujourd’hui partie de ce que nos amis américains appellent les “ Super Seconds ”, c’est-à-dire ces quelques seconds crus classés du Médoc qui ont su s’élever suffisamment haut pour créer une sorte de classe intermédiaire entre les seconds crus classés et les premiers crus classés. La qualité de Cos s’est encore accrue à partir de 1978, année à partir de laquelle s’est fait sentir l’influence de Bruno Prats, qui a pris les commandes du domaine dans les années soixante-dix.
Le terroir de Cos – qui n’est séparé de Lafite-Rothschild que par la Jalle du Breuil – est un superbe ensemble de graves günziennes modelées en croupes régulières parfaitement drainées. L’encépagement est adapté aux potentialités du terroir. Le cabernet sauvignon (60 %) est complanté sur les graves maigres des sommets et sur les versants sud ; le merlot (38%) sur les pentes est et dans les côtes où affleure le socle calcaire de Saint-Estèphe.
À ces deux cépages, s’ajoute un peu (2 %) de cabernet franc. Il y a beaucoup de vieilles vignes (l’âge moyen du vignoble est de trente-cinq ans) et la densité de plantation est élevée (8 000 à 10 000 pieds à l’hectare), ce qui est un facteur de qualité très important.
La vinification, fidèle aux traditions des crus classés, s’inspire particulièrement des recherches menées par l’Institut d’oenologie de Bordeaux :
– recherche d’une légère surmaturation des raisins par le choix pertinent de la date de vendange, parcelle par parcelle,
– extraction des meilleurs tannins par remontages tout au long de la fermentation,
– contrôle des températures de fermentation, pour préserver le fruit,
– vieillissement en fûts neufs, pour une durée et dans une proportion adaptées à la puissance de chaque millésime.
L’intégralité de la récolte est mise en bouteilles au Château, selon les millésimes, la production varie de 180 000 à 400 000 bouteilles.
Les grands crus classés du Médoc vinifient à part les raisins des vignes âgées qui donnent le “ Grand Vin ”. Les raisins des vignes plus jeunes sont assemblés pour donner le “Deuxième Vin”. Jusqu’en 1994, Cos d’Estournel n’avait pas à proprement parler de “ Deuxième Vin ”. Les raisins des jeunes vignes de Cos étaient en effet vinifiés avec ceux des vignes du château de Marbuzet. À partir du millésime 1994 Bruno Prats a décidé de vinifier à part les raisins du vignoble de Marbuzet et de rassembler les raisins des jeunes vignes de Cos pour constituer un véritable “Deuxième Vin ” de Cos qui s’appelle Les Pagodes de Cos.
Les Pagodes de Cos sont, stricto sensu, le “ Deuxième Vin ” de Cos d’Estournel. Les vignes qui le produisent donneront dans quelques années le “ Grand Vin ” du grand cru classé en 1855. Elles appartiennent au même terroir et reçoivent les mêmes soins. Elles sont simplement plus jeunes et leurs racines s’enfoncent moins profondément dans le sol de graves. Le vin est élégant et rond en bouche, il est moins concentré que Cos d’Estournel, ce qui permet de l’aborder plus tôt en attendant la maturité du grand vin.
Château Cos d’Estournel, 33180 Saint-Estèphe
Tél. : 05.56.73.15.50. Fax : 05.56.59.72.59.