Chemins et savoirs du sel
Ce livre est inclassable. Certes, il ne suffit pas qu’un ouvrage soit inclassable pour avoir de la valeur ; mais celui-là en a une très particulière : quand vous l’ouvrez, un souffle frais et changeant vous caresse le visage.
Ce livre est saugrenu – et cet adjectif lui convient d’autant mieux qu’il y a “ sel ” et “ grain ” dans l’étymologie de saugrenu. Toutefois je ne retiendrai pas le troisième terme de la définition que donne de ce mot tel dictionnaire célèbre : “ inattendu, bizarre et quelque peu ridicule ”.
Rien de ridicule dans ce cheminement insolite entre littérature, histoire, traditions, science, techniques…
Alors que tant de livres enferment le lecteur dans un genre bien, trop bien, établi et, du même coup, font la part trop belle aux idées reçues, celui-ci est un essai fort réussi pour abattre les cloisons entre les divers types de préoccupation, entre les cases bien fermées des savoirs et des spécialisations.
Touchant à des connaissances étonnamment variées, l’ouvrage de Pierre Laszlo évite deux écueils, celui d’une pesanteur pédante et celui d’un dilettantisme vague.
Les réflexions qu’il suscite débordent largement le sujet : le sel dans la vie, dans l’histoire, dans la science. Il nous rappelle de façon légère, mais convaincante, combien est absurde cette idée si répandue – et si funeste – que talents littéraire et scientifique sont incompatibles, voire opposés. On parle beaucoup d’enseignement pluridisciplinaire ; mais en pratique… ?
Initiative heureuse que d’encourager “l’honnête homme” – car c’est, bien sûr, pour lui qu’a écrit ce professeur de chimie à l’École polytechnique – à embrasser d’un même regard les choses de la vie, les plus humbles comme les plus anciennes, et les choses de l’esprit ; à ne pas séparer – là est l’insolite, le saugrenu – vie courante et connaissances scientifiques.
Un tel ouvrage ne se résume pas. Il est trop riche pour ne pas être savouré avec quelques claquements de langue.
Un tel ouvrage… se lit.