Chili 1976 / De grandes espérances / Voyages en Italie / Le capitaine Volkonogov s’est échappé / Les Trois Mousquetaires
Une déception, Les Trois Mousquetaires, mais on va préciser ; pour les amoureux de Lyna Khoudri, une bluette pas désagréable, Houria (1 h 38 – Mounia Meddour) ; pour la performance de la jeune actrice Zelda Samson, Dalva (1 h 20 – Emmanuelle Nicot), regard acéré sur les ravages de l’emprise et les ambiguïtés de l’inceste ; malgré Adèle Exarchopoulos, une plaidoirie assez prêchi-prêcha et plutôt décevante sur les vertus de la justice restaurative, Je verrai toujours vos visages (1 h 58 – Jeanne Herry) ; un très aimable et attachant documentaire fictionné au sein d’une maternité hospitalière, bien joué, Sage-Homme (1 h 40 – Jennifer Devoldere) ; enfin, étonnamment contre-productif dans sa trajectoire, L’établi (1 h 57 – Mathias Gokalp) et l’affaissement, au contact du réel, des illusions révolutionnaires de soixante-huit, avec Swann Arlaud en philosophe dépressif. Restent alors, au destin chroniqué moins lapidaire…
Chili 1976
1 h 35 – réalisatrice : Manuella Martelli
Pinochet est en place depuis trois ans. Atmosphère oppres-sante, traque des oppo-sants, tension permanente, suspicion générale. L’itinéraire formidablement filmé d’une bourgeoise, épouse d’un notable favorable à la dictature, qui va s’enfoncer progressivement dans la clandestinité dangereuse sur les pas d’un vieux prêtre et dans la protection d’un blessé traqué par le régime. Un thriller politique précis, subtil, passionnant, magnifiquement joué de bout en bout. Impressionnante Aline Küppenheim.
De grandes espérances
1 h 45 – réalisateur : Sylvain Desclous
Rebecca Marder est une actrice impec-cable. Autour d’elle, Emmanuelle Bercot, Benjamin Lavernhe, tous deux très bien, et Marc Barbé, présence mutique particulièrement efficace. Le film est excellent, limpide, fouillé, sur une gamme thématique étendue mêlant l’intime, le thriller, le politique, le suspense, le social. Passionnant de bout en bout et scénaristiquement très élaboré, avec un retournement final dont l’immoralité ajoute à la jubilation du spectateur ! À ne pas manquer.
Voyages en Italie
1 h 35 – réalisatrice : Sophie Letourneur
Étonnante prouesse. Sophie Letourneur, parfaite en outre à l’écran, parvient à bâtir, avec la complicité merveilleusement efficace de Philippe Katerine, un film délicieux d’inutilité existentielle tâtonnante, autour de la parenthèse italienne approximative et aléatoire d’un couple lunaire qui boite un peu, avec indolence, à la recherche d’une thérapie pour des insatisfactions quotidiennes affirmées sans insister. Un tissage extrêmement délicat et réussi de riens accumulés, glanés au fil d’une observation acérée et imparable. Un petit miracle d’enchantement pour qui sait se satisfaire du spectacle ému d’un ennui affectueusement partagé. Et, en plus, c’est très drôle !
Le capitaine Volkonogov s’est échappé
2 h 05 – réalisateurs : Natalya Merkulova et Aleksey Chupov
Bras armé des purges de Staline, saisi par la terreur d’en devenir victime, il s’enfuit avec les fiches d’une poignée de malheureux, bénéficiaires avant exécution des « méthodes spécifiques » qu’il pratiquait. Hanté par la perspective d’une punition éternelle, traqué par ses anciens camarades, il s’obstine au porte-à-porte des familles de ceux qu’il tortura, quêteur absurde et désespéré d’un pardon qui lui ouvrirait, croit-il, le Paradis. Péripéties aux ressorts inattendus, scènes glaçantes, noirceur cynique du totalitarisme stalinien, galerie forte de personnages cernés en quelques traits ; mise en scène, acteurs, impeccables. Impressionnant.
Les Trois Mousquetaires
2 h 01 – réalisateur : Martin Bourboulon
Car il faut bien y revenir. La déception doit être dite. On attendait beaucoup et tout est dans l’affiche. Des gueules, des décors, des costumes, du bruit, des torches agitées dans des couloirs obscurs, des chevaux au galop, des combats confus et une esquisse de non-intrigue qui ne l’est pas moins. Louis Garrel est garanti d’époque en Louis XIII remarquable, royal et dépassé. François Civil conserve à d’Artagnan tout son charme, Athos – Vincent Cassel – déprime sans conviction, Romain Duris en Aramis fait des mots et des signes de croix, Pio Marmaï qui n’a pas la carrure du colosse qu’on a tant aimé tonitrue et fornique en Porthos bisexuel, Lyna Khoudri s’essaie à la soubrette, Vicky Krieps à la reine, Eva Green à la résurrection. Ça virevolte, ça s’empanache et ça remue ; mais, dans ce spectacle profus de carnaval déjanté, on ne croit plus à rien car, au fond, on ne comprend rien. Des héros sans épaisseur bondissent. Et le film nous en met plein les yeux, en nous laissant le goût amer de ce qu’il n’a pas été.