Chine : le luxe, un marché en pleine expansion
Alors que le made in China fait de plus en plus partie de notre quotidien, la Chine continentale est devenue, en moins de dix ans, le premier client du secteur du luxe made in France. Pourtant, les idées reçues persistent.
Le luxe en Chine serait récent ? Des arts du bronze à ceux de la porcelaine, des soieries aux lapidaires, la culture chinoise est, depuis cinq mille ans, d’une extrême sophistication.
Une implantation récente
Il y a vingt ans, la présence des marques de luxe se limitait à Hong Kong, sauf pour les produits cosmétiques. Louis Vuitton, Cartier, Omega ou Christian Dior s’installent en Chine continentale au début des années 1990.
Le développement des surfaces commerciales des années 2000 aide le marché du luxe à accélérer son expansion. Parti de Shanghai et Pékin, le luxe suit et gagne progressivement les villes de deuxième, puis de troisième plan.
Seulement pour les nouveaux riches ? Le rapide essor économique a fait émerger une classe moyenne très importante qui représente la majorité de la clientèle du luxe.
Un seul type de clientèle ? La diversité des villes et des cultures est aussi grande qu’en Europe. Et les différences intergénérationnelles sont considérables.
Les Chinois seraient plus show off ? Sophistication oblige : de plus en plus de clients chinois considèrent le luxe comme une expérience pour soi, favorisant le raffinement.
Une évolution rapide
La consommation des produits de luxe est en expansion très rapide. Parallèlement, il est devenu plus facile pour les Chinois de voyager. Selon la China National Tourism Administration, les voyages de Chinois à l’étranger ont été multipliés par vingt en vingt ans.
L’admiration mutuelle des deux civilisations
Environ 60 % du budget de voyage est destiné au shopping. En Europe, et particulièrement en France, les produits de luxe semblent encore plus authentiques, leur valeur émotionnelle plus forte et ils sont moins coûteux.
L’attractivité du luxe à la française
Le succès du luxe à la française s’explique par l’admiration mutuelle des deux civilisations. Au temps de Louis XIV, les montres mécaniques suscitaient un vif d’intérêt à la cour de l’empereur Kangxi, tandis que les porcelaines fines fascinaient Versailles et le Roi-Soleil.
Quelques chiffres
En 1994, seulement 3 millions de voyages de Chinois à l’étranger. En 2010, un CA du secteur du luxe estimé de 17,7 milliards d’euros. En 2012, 200 millions d’internautes ont effectué un achat en ligne. En 2020, 67 millions de foyers auront un revenu entre 16000 et 34 000 dollars.
Pour les Chinois, le luxe à la française représente avant tout un état d’esprit : une qualité toujours irréprochable, une intransigeance sur les détails et les nuances, la beauté des gestes de l’artisan, une force créative étroitement liée à l’art. Il trouve ainsi naturellement sa place dans une culture forgée par cinq mille ans d’histoire.
Extrême exigence
Plusieurs raisons contribuent à l’exigence de la clientèle chinoise. Le système mandarinal, en place de longue date, a forgé l’ouverture vers les connaissances. Les Chinois lisent beaucoup et sont particulièrement sensibles au versant culturel d’un objet, à son histoire. Ils veulent connaître nos marques, leurs valeurs et leur fondateur. Leur vitesse d’apprentissage très rapide pousse les acteurs du luxe non seulement à plus de qualité, mais également à mieux communiquer sur leurs savoir-faire.
Selon McKinsey, 67 % des femmes travaillaient en 2009. Une autre étude a démontré que 76 % des Chinoises aspirent à accéder aux postes clés des entreprises, contre 52 % des femmes aux États-Unis.
Plus actives, plus indépendantes, elles sont aussi plus riches. Ainsi, elles deviennent le moteur du secteur, dont elles représentent 40 % des clients.
Trois types de clientèle
La clientèle cadeaux (30 % des ventes). Le réseau social jouant un rôle prédominant en Chine, chaque moment important est une occasion de cadeau. Les objets de luxe sont privilégiés pour leur valeur sûre et leur forte notoriété : ils honorent celui qui les reçoit.
La clientèle élite. Ces clients sophistiqués achètent beaucoup, se renseignent en permanence, discutent sur leurs réseaux sociaux. Voyageant régulièrement en Europe, souvent à Paris, ils cherchent de l’exclusivité et veulent être surpris.
La clientèle aspirationnelle. Une large classe moyenne a pu émerger en vingt ans. En 2020, selon McKinsey, 21 millions de foyers chinois auront un revenu supérieur à 34000 dollars.
Des coûts d’opération élevés
Implanter et développer une marque de luxe en Chine est devenu très cher. Les coûts médias sont parmi les plus élevés du monde et la pénurie de vendeurs de luxe a fait flamber les coûts salariaux.
Le marché immobilier favorise les marques et les groupes puissants. Il devient donc difficile pour les nouveaux arrivants d’entrer sur le marché chinois. En 2013, les loyers des boutiques de Hong Kong et Pékin sont parmi les plus chers du monde.
Une formidable opportunité
Un marché versatile
Une des premières caractéristiques du marché, c’est sa rapidité d’évolution. Les Chinois comptaient plus de 400 millions d’internautes en 2012. Ce sont aussi de grands utilisateurs des réseaux sociaux. Tout peut changer du jour au lendemain. Il faut être agile et rester extrêmement attentif aux tendances sociales, politiques et économiques.
En 2006 et en une semaine, SKII, marque leader des cosmétiques, a été exclue quasi totalement du marché pour une rumeur mal contrôlée sur Internet.
Jusqu’en 1850, la Chine a été la plus grande économie du monde, en raison de la taille de sa population et de son avance dans nombre de domaines, de l’agriculture à l’artisanat.
Aujourd’hui, le pays reprend à marche forcée sa place de leader. Pour les marques de luxe, c’est une formidable opportunité. Pour autant, de nombreux défis restent à relever.
Un développement contrôlé, mesuré et durable
Les métiers du luxe doivent toujours arbitrer entre la croissance, pour satisfaire une clientèle avide de consommation, et la rareté, pour préserver les capacités à reproduire leurs produits avec toujours le même niveau de qualité et à garantir une certaine exclusivité à leurs clients.
Les femmes deviennent le moteur du secteur
Paradoxalement, une trop forte demande en Chine et, par effet de ricochet, des touristes chinois dans le monde, n’est pas nécessairement une bonne nouvelle. En effet, pour maintenir la désirabilité d’une marque, il faut rester une référence auprès des clients de tous les marchés, notamment dans son pays d’origine.
La chasse aux talents
Pour se développer, le luxe doit recruter et fidéliser des managers locaux. Si les marques l’ont compris, notamment dans le groupe LVMH où beaucoup de talents chinois ou d’origine chinoise occupent des postes clés partout dans le monde, c’est un défi permanent que de savoir les attirer et les retenir quand les opportunités sont aussi nombreuses pour les meilleurs d’entre eux.