Charles Keller, cofondateur de WE box

Choisis un travail que tu aimes et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie !

Dossier : TrajectoiresMagazine N°756 Juin 2020
Par Charles KELLER (2001)
Par Hervé KABLA (X84)

En 2017 Charles Kel­ler (2001) et Alexia de Ber­nar­dy ont créé une appli­ca­tion, la WE box, afin d’aider les entre­prises à créer du lien et à « boos­ter » l’agilité et l’engagement au tra­vail. La WE box a inté­gré dans son algo­rithme les der­niers savoirs appor­tés par les neu­ros­ciences pour opti­mi­ser son adé­qua­tion au plus grand nombre.

Quelle est l’activité de la WE box ? 

Par un chal­lenge en équipe, nous dif­fu­sons des bonnes pra­tiques dans le quo­ti­dien des mana­gers. Nos conte­nus, per­son­na­li­sés selon le contexte et les objec­tifs de chaque entre­prise, invitent à expé­ri­men­ter, dis­cu­ter, par­ta­ger son expé­rience avec ses pairs. 

Comment vous est venue l’idée ?

Le pro­jet a été fon­dé sur un tra­vail de ter­rain : mon asso­ciée a inter­viewé 250 per­son­na­li­tés d’entreprises variées, afin de les inter­ro­ger sur leurs bonnes pra­tiques pour ani­mer les équipes au quo­ti­dien. Elle a trans­for­mé ce tra­vail de recherche en un livre, inti­tu­lé Moteurs d’engagement, 365 actions pour mieux tra­vailler ensemble, puis dans un chal­lenge en équipe sur smartphone. 

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Alexia de Ber­nar­dy est Ens­ta, HEC Entre­pre­neurs. Elle a créé Fila­pi dans le domaine de la paren­ta­li­té, cédée dix ans plus tard au groupe Babi­lou. Je suis X2001, HEC Entre­pre­neurs. J’ai œuvré durant treize années chez Total, dans l’optimisation de plates-formes indus­trielles, puis de gise­ments. Très inves­ti dans le dia­logue social et dans l’animation des équipes, j’ai été ten­té par ce pro­jet qui ambi­tionne d’améliorer l’engagement col­la­bo­ra­teur par des tech­niques pragmatiques. 

Qui sont les concurrents ? 

Du côté du digi­tal, il y a quelques autres start-up sur le sujet de l’engagement. Prin­ci­pa­le­ment axées sur la mesure quand nous sommes sur un outil prag­ma­tique avec une péda­go­gie tour­née vers l’action. Du côté de l’accompagnement phy­sique, il y a d’une part les socié­tés évé­ne­men­tielles de team buil­ding et de l’autre les coachs et consul­tants en trans­for­ma­tion qui, dans les faits, deviennent sou­vent nos par­te­naires car nos offres s’imbriquent en synergie. 

Quelles ont été les étapes clefs depuis la création ? 

Nous avons com­men­cé en 2017, par des tra­vaux de recherche, l’écriture du livre et la rédac­tion du cahier des charges de l’application. En 2018, nous avons pro­cé­dé à la créa­tion juri­dique ; nous avons fait paraître le livre, nous avons sor­ti la pre­mière ver­sion de l’application et recru­té un direc­teur géné­ral. Puis les pre­miers clients (gra­tuits) sont arri­vés, et nous avons lan­cé un cycle ité­ra­tif d’amélioration de l’application. En 2019, nous avons signé avec les pre­miers clients payants, sor­ti la qua­trième ver­sion de l’application et obte­nu plu­sieurs prix. Nous avons pro­cé­dé à un recen­trage de l’activité sur les com­mu­nau­tés mana­gé­riales et nous comp­tions, à la fin 2019, une ving­taine de clients. Nous en sommes à la cin­quième ver­sion de l’application et nous avons démar­ré une incu­ba­tion au sein du « RH Lab » d’Orange.

Pourquoi un tel engouement sur la qualité de vie au travail (QVT) ces dernières années ? 

La prise de conscience sur la QVT remonte au début de la décen­nie. On consta­tait que des sala­riés épa­nouis étaient plus pro­duc­tifs. S’est ensui­vie une vague de mesures « gad­gets » (les fameux baby-foot, chief hap­pi­ness offi­cer, etc.). Les exe­cu­tives ont cru cocher la case QVT par la mise en place de ces dis­po­si­tifs. Les faits ont pour­tant démon­tré, depuis lors, que c’est avant tout la qua­li­té du rela­tion­nel qui influe sur la QVT, qu’il s’agisse de la rela­tion avec ses pairs ou de la rela­tion avec sa hiérarchie. 

La France souffre-t-elle d’un déficit de culture de management ? 

Sans doute. Les mana­gers repré­sentent un maillon très ren­table de l’entreprise : effi­caces, enga­gés, dévoués… Subrep­ti­ce­ment, leur charge de tra­vail s’est accrue au cours du temps. Mais leur dis­po­ni­bi­li­té n’est pas infi­nie. Et, pro­gres­si­ve­ment, ils se sont déles­tés de cer­taines tâches, au pre­mier rang des­quelles l’acte mana­gé­rial. Peut-être aus­si par un manque de for­ma­tion sur le sujet. Vous connais­sez ce fameux dia­logue entre un CEO et son CFO au sujet de la néces­si­té d’investir dans la for­ma­tion des collaborateurs :

CFO : what hap­pens if we train them and they quit ? 

CEO : what hap­pens if we don’t and they stay ? 

De fait, le débat sur ce sujet n’a plus lieu. Le débat qui per­siste concerne le sujet de la for­ma­tion : hard skills ou soft skills. Comme les com­pé­tences douces ont un ROI (retour sur inves­tis­se­ment) moins tan­gible, une majo­ri­té de socié­tés conti­nue à les sous-pon­dé­rer dans leur pro­gramme de (trans)formation. Erreur, selon le World Eco­no­mic Forum, la majo­ri­té des com­pé­tences clefs du monde pro­fes­sion­nel en 2020 sont des soft skills (intel­li­gence émo­tion­nelle, col­la­bo­ra­tion, créa­ti­vi­té, mana­ge­ment, négo­cia­tion, sens du ser­vice, etc.).

Les entreprises ont-elles vocation à délivrer du bonheur ? 

Plu­tôt que de bon­heur, je par­le­rais de plai­sir. Dans la tra­di­tion judéo-chré­tienne, on a long­temps oppo­sé tra­vail et plai­sir : sor­ti du jar­din d’Éden, l’homme doit gagner sa vie à la sueur de son front. « Choi­sis un tra­vail que tu aimes, et tu n’auras pas à tra­vailler un seul jour de ta vie », disait Confu­cius. Nous pré­fé­rons cette approche.

Les ingénieurs sont-ils bien formés pour cela ? 

Intrin­sè­que­ment, les ingé­nieurs s’épanouissent dans ce qu’on appelle les hard skills, la dimen­sion tech­nique ou tech­no­lo­gique. En outre, on pro­meut sou­vent les meilleurs tech­ni­ciens vers les postes de mana­ger puis de direc­teur. Or qui est plus ins­pi­rant ? Est-ce le lea­der tech­nique ou le lea­der humain ? La ques­tion n’est pas simple. Il faut tout au moins pro­mou­voir les deux pro­fils dans son organisation.

L’engagement par le lien, n’est-ce pas avant tout un sujet de société ? 

C’est par­fai­te­ment exact. Mais, comme on passe une grande par­tie de son temps au tra­vail – entre 20 et 30 % de la vie d’un indi­vi­du –, il est plus que temps d’utiliser les bonnes astuces pour mieux tra­vailler ensemble. C’est un enjeu socié­tal, et il nous semble prioritaire.


Site Inter­net de la WE box

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Kel­lerrépondre
19 juin 2020 à 14 h 57 min

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