Claude Gondard (65), artiste médailleur
Pour qui passe la porte des Gondard, à l’orée du Bois de Vincennes, il n’y a de prime abord rien qui trahirait l’irruption dans l’antre de l’artiste. Un couple jovial, compagne avocate, un réel appétit de vie. Mais rien qui révèle une activité artistique. Il faut entrer dans le bureau de Claude pour en découvrir l’ampleur.
Panneaux aux murs, presse-papiers, et même boutons de portes : partout des médailles signées de Claude, aux armes de bâtiments de la marine, de régiments, d’écoles. « Il n’en manque qu’une, raconte sa compagne avec un brin de nostalgie et le sourire en coin. Claude me l’avait offerte, puis me l’a reprise. Elle représentait le Collège des Bernardins. Comme il manquait une médaille, lors de la visite de Benoît 16 à Paris en septembre 2008, c’est la mienne qui a été offerte au Saint-Père. »
Claude vit depuis l’enfance la passion de la gravure. Son père, amateur et collectionneur éclairé, lui en a inoculé le virus et il n’a jamais cessé de dessiner et de graver. Ses camarades se souviennent de ses nombreux dessins et de son rôle pour l’organisation du Point Gamma.
Quand il était en activité professionnelle, il se levait très tôt et s’accordait deux heures, le matin seul avec son art. Aujourd’hui encore, cet emploi du temps de bénédictin rythme ses journées. Il le respecte où qu’il soit, jusqu’à Hongkong où réside un de ses fils et où il se rend parfois.
Claude a fait l’X. Son professeur Laurent Schwartz a bien failli lui faire aimer les mathématiques, confesse-t-il amusé. Mais Claude était un manuel, il voulait être « ingénieur-artiste ». Il aura néanmoins renoué inopinément avec les maths, bien plus tard, en illustrant l’essai autobiographique de Cédric Villani, Théorème vivant. « Nous étions faits pour nous entendre : Villani avait été en son temps le responsable du COF, le comité des fêtes d’Ulm. »
Mais Claude ne succombe pas aux sirènes des maths. Car outre sa passion pour la gravure, il en a une autre, à laquelle l’X prépare volontiers, la mer. La mer : une partie de son cœur est resté au Port-Blanc, ce site exceptionnel des Côtes d’Armor, où il a passé de merveilleuses vacances. A 17 ans, il avait embarqué tout un été sur un cargo allemand, un stage linguistique original. Il a toujours rêvé de construire des navires.
A la sortie de l’X, il choisit donc le corps du génie maritime. Durant vingt ans, Claude conduit une double carrière d’ingénieur de l’armement et de graveur. A l’arsenal de Brest, puis à partir de 1977 à l’armement naval de la SNCF, où il a en charge l’exploitation des car-ferries et aéroglisseurs transmanche, il travaille sur les bateaux.
Parallèlement, il rejoint sa clientèle dans ce qu’elle a de plus affectif : ses symboles. Il grave en l’honneur des nouveaux bâtiments, selon la tradition de la Marine. Il grave pour les unités de combat, pour des écoles. Aujourd’hui encore, on trouve quelques-unes de ses médailles à la boutique de l’École de Coëtquidan.
C’est à l’X qu’il avait fait la connaissance de Jacques Derrey, Prix de Rome de gravure et maître de dessin à l’école. Son compagnonnage à ses côtés lui vaut une médaille d’or au Salon des artistes français en 1975. Entre 1980 et 90, il est l’animateur de l’atelier de gravure de l’X, dans le cadre de l’enseignement des arts plastiques. La carrière d’ingénieur de Claude prend fin en 1990. Il vient d’hériter d’une petite propriété à Pouilly-Fuissé, dans le vignoble du Mâconnais. Il peut faire valoir ses droits à la retraite d’ingénieur de l’armement. Il décide de quitter la SNCF pour se consacrer à ses vignes et vivre de son art.
Il devient incidemment président du groupe X‑Vinicole, preuve d’un attachement à la communauté polytechnicienne qui ne s’est jamais démenti.
En 1994, le bicentenaire de l’Ecole Polytechnique lui apporte une activité créatrice importante. Christian Marbach, président du comité d’organisation du bicentenaire, est à la recherche d’un artiste capable de concevoir des objets commémoratifs. Le directeur de la Monnaie de Paris le met en relation avec Claude. Il est chargé des éditions « objets ». Claude conçoit son art comme un métier d’auditeur. « Les clients savent démolir, pas construire. Il appartient à l’artiste, comme à l’auditeur, de les faire parler pour leur faire exprimer leurs désirs profonds. » Ensuite, il lui revient de les traduire dans ses matrices : c’est là la spécificité de son art.
La communauté polytechnicienne s’est bien souvent invitée chez Claude. Son amitié avec Christian Marbach, née sur le chantier du bicentenaire, lui a valu de le suivre à la Sabix, la Société des amis de la bibliothèque de l’Ecole, puis d’illustrer les Portraits de polytechniciens qu’il publiera à l’occasion du Magnan 2015. Histoire d’une fidélité qui, pour avoir pris de multiples visages, n’en aura pas moins été indéfectible.