Claude Helffer (42) (1922−2004)
Claude Helffer s’est éteint le 27 octobre 2004 à l’âge de 82 ans. Son père, ancien officier, était industriel ; sa mère, bonne violoniste amatrice, avait suivi les classes d’écritures au conservatoire de Paris. Dès l’âge de cinq ans, il débute le piano et son apprentissage est confié à la tante de Robert Casadesus, avec, assez rapidement, une supervision mensuelle de ce dernier.
Il est admis en 1942 à l’École polytechnique. Envoyé en zone libre aux chantiers de jeunesse, il y tombe malade, se passionne, pendant sa convalescence à l’hôpital, pour les partitions de Beethoven et, rétabli, s’engage dans le maquis du Vercors. Il reprend le chemin des études à l’École polytechnique en 1944 et c’est vers 1947 qu’il se décide, encouragé par R. Casadesus, à se lancer dans la carrière de soliste avec un premier récital en 1948. Les débuts de sa carrière sont marqués par le duo qu’il forme avec le violoncelliste Roger Albin, mais son parcours de soliste international s’affirme à partir de 1962. Ami des musiciens de son temps, il les a beaucoup joués et on lui doit la création d’œuvres d’Amy, Boucourechliev, Jarrell, Jolas, Krawczyk, Manoury, Pablo, Tremblay, etc.
Cependant, dans ses programmes de récital, il n’a jamais voulu séparer les classiques des contemporains, s’efforçant au contraire de mettre en évidence la grande unité qui les lie, comme, par exemple, celle des trois B : Beethoven, Bartok et Boulez.
Claude Helffer donne, à partir des années soixante-dix, une grande place à l’enseignement au sein de master classes. On mentionnera ici son cours d’interprétation au Mozarteum de Salzbourg et, bien sûr, le cours d’interprétation et d’analyse qu’il a donné pendant près de trente ans, un mardi par mois, à son domicile parisien, cours suivi par des musiciens de tous horizons et nationalités, captivés par sa pédagogie et sa culture encyclopédique.
DISCOGRAPHIE INCOMPLÈTE
BÉLA BARTOK
• Concerto n° 2 (Orchestre National, dir. E. Bour), Vogue/INA 1987.
• En plein air, Sonate, Danses populaires roumaines, Suite opus 14.
• Improvisations opus 20, Harmonia Mundi, 1982–1993.
• Mikrokosmos (2e piano : H. Austbö), Harmonia Mundi 1973–1991 (2 CD)
LUDWIG VAN BEETHOVEN
• Triple Concerto (I. Ozim : violon ; A. Natola, violoncelle ; Orchestre National de Vienne, dir. H. Wallberg), Guilde Internationale du Disque, 1968–1989.
ANDRÉ BOUCOURECHLIEV
• Archipels (I et III), MFA (Musique française d’aujourd’hui) 216001.
PIERRE BOULEZ
• Sonates 1–3, Astrée Auvidis. E7716. CLAUDE DEBUSSY
• Douze études, Estampes, GMS, 1989.
• Images I et II, Children’s Corner, Suite bergamasque, Petite Suite, Six épigraphes antiques, Harmonia Mundi, 1972−1973−1979. BETSY JOLAS
• Stances (Orchestre national, dir. M. Constant), Adès/MFA, 1978–1986.
DARIUS MILHAUD
• Le Carnaval d’Aix, Concerto n° 1, Cinq études, Concerto n° 4, Ballade (Orchestre national de France, dir. D. Robertson), Erato/Radio France, 1993.
LUIS DE PABLO
• Concerto de camara (ensemble 2e2m, dir. P. Méfano), ADDA, 1990–1991.
MAURICE RAVEL
• Pavane pour une infante défunte, Jeux d’eau, Menuet antique, Valses nobles et sentimentales, Menuet sur le nom de Haydn, Prélude à la manière de…, Gaspard de la Nuit, Harmonia Mundi, 1970–1992.
ARNOLD SCHOENBERG
• Intégrale de l’oeuvre pour piano, Harmonia Mundi, 1976–1992.
IANNIS XENAKIS
• Dikhtas (I. Arditti, violon), Wergo, 1986–1990. • Mists, Herma, à R. (hommage à Ravel), Akea, Dikhtas, Evryali (et oeuvres pour cordes) (avec I. Arditti et le Quatuor Arditti), Astrée Auvidis (2 CD).
Doté d’un esprit scientifique, en vertu de sa formation initiale, c’était aussi un passionné d’histoire, notamment des idées. Dans l’article écrit pour Le Figaro le lendemain de sa mort, Jacques Doucelin lui donne, du reste, à juste titre, le qualificatif de » passeur de siècles « .
Il peut paraître étonnant que Claude Helffer ne se soit jamais lancé dans la composition musicale. Sur ce point, il dit, dans un entretien publié par la revue Agone, qui donne un éclairage intéressant sur sa conception du rôle de l’interprète :
» Personnellement, je ne suis pas compositeur. J’ai fait des études de composition pour essayer de mieux comprendre ce que je faisais, et j’ai tout de suite compris que je n’avais rien d’un compositeur ; ce qui m’intéressait était de voir » comment cela fonctionne « . Donc, je ne me place pas sur le plan d’un créateur. Je suis face au texte d’un compositeur, j’ai quelquefois un contact avec lui, et j’essaie de faire vivre son texte… Voilà le rôle d’un interprète : être quelqu’un de vivant, qui rend vivant quelque chose qui est sur le papier. »
Claude Helffer a toujours gardé un attachement à l’École polytechnique. Il était membre d’honneur de la SABIX. Il fut donc sans doute heureux que l’un de ses quatre enfants (Bernard, 68) y rentre, pour choisir ensuite une carrière de mathématicien.
Pour ma part, c’est à l’occasion du bicentenaire de l’École que j’ai eu le plaisir de côtoyer Claude Helffer. Les quelques séances que nous avons passées à travailler ensemble les pièces de Ma Mère l’Oye, de Maurice Ravel, comptent parmi les expériences musicales les plus profondes et enrichissantes qu’il m’ait été donné de vivre. Le choix même de l’œuvre, qui lui revient, traduit l’importance qu’il accordait à la musicalité pure, sans recherche de virtuosité per se. Ses conseils à la fois exigeants et bienveillants étaient dictés par un profond respect accordé à la moindre intention musicale du compositeur.
Il a donné, à l’occasion du concert clôturant cette célébration, la pleine mesure de son talent, notamment dans une interprétation du prélude de Debussy : Ce qu’a vu le vent d’ouest exceptionnellement habitée.
La Jaune et la Rouge a publié à plusieurs reprises des articles ou des entretiens avec Claude Helffer (voir ci-dessous). Le dernier entretien donné il y a deux ans à Stéphane Afchain pour la SABIX se conclut par :
» Ce que je n’ai pas fait, de jeunes pianistes le feront et même sont déjà en train de le faire. Et j’ai une entière confiance en la jeune génération pour continuer à faire vivre la musique. »
Le XXe concours de piano amateur (1er février 2005) de l’École polytechnique lui a été dédié.