Claudio MONTEVERDI : Le couronnement de Poppée
Monteverdi a composé une quinzaine d’opéras (Énée, Ariane, Andromède, Apollon, etc.), dont seuls trois nous sont parvenus complets. Le premier, Orfeo, est considéré comme le premier opéra composé. Le dernier, L’Incoronazione di Poppea, en français Le Couronnement de Poppée, date de 1642, et fait l’objet depuis plus d’un siècle d’un débat sur son authenticité, de nombreux spécialistes, en l’absence de manuscrit autographe, se demandant si l’ensemble de la partition est bien de Monteverdi.
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un chef‑d’œuvre, et de même qu’Orfeo trente-cinq ans auparavant changeait la face de la musique (le premier opéra de l’histoire), de même L’Incoronazione transforme le genre en traitant pour la première fois d’un sujet historique au lieu d’un sujet mythologique.
Dans Britannicus de Racine, écrit trente ans plus tard, Néron, jaloux, ravit au jeune prince la tendre Junie. Bien plus proche de la réalité historique, telle que relatée par Suétone et Tacite, l’opéra de Monteverdi raconte comment sept ans plus tard Néron répudie son épouse Octavie au profit de la légère et intrigante Poppée (Poppée avait auparavant épousé Othon, qui fut empereur quelques années après Néron). Comme la tragédie de Racine, le texte traite ici à la fois de passion et de politique.
L’Incoronazione di Poppea est désormais un des opéras du XVIIe siècle les plus représentés, et enregistrés. Mais cette production de l’Opéra d’Oslo est un événement dont la publication en DVD est très bienvenue. En effet, sous la direction d’Ole Anders Tandberg, figure majeure du théâtre scandinave, cette production modernise radicalement cet opéra sur plusieurs plans. On sort de cette représentation très marqué, et complètement impressionné. En l’absence de stars internationales, on assiste tout de même à une des soirées importantes de l’année 2011.
Comme dans tous les opéras de l’époque alternent dans les mêmes scènes chant (en fait une sorte de récitatif) et danses. Même dans la poignante scène de la mort de Sénèque (condamné pour avoir tenté de dissuader Néron), adieux larmoyants et danses se succèdent. Les nombreux personnages ont tous des interventions assez équilibrées, même si Néron et Poppée sont un peu plus présents (mémorable duo final). Il faut donc une dizaine de chanteurs de bon niveau pour distribuer cet opéra, d’autant que les deux empereurs Néron et Othon ont des voix de haute-contre, ce qui est le cas ici.
Mention spéciale dans le rôle de la nourrice pour la grande Tone Kruse, que l’on est heureux de voir encore en activité, elle qui a illuminé le chant scandinave il y a trente ans.
La réalisation accentue les effets de la mise en scène. L’image est travaillée, certaines scènes tournées en noir et blanc accentuent le rouge du sang, sang du bouc émissaire Sénèque qui illumine tout l’opéra. Le son également est retravaillé, malheureusement légèrement métallique.
Comme on l’a dit, la production montre de nombreuses originalités : par exemple le sang du philosophe qui rayonne au centre de la scène, et le côté osé du texte et de la musique, exacerbé par le jeu des acteurs.
C’est du reste mon seul DVD musical interdit aux moins de douze ans, et on le comprend. Mais ce côté grivois et à la limite de la vulgarité est fidèle aux spectacles du début XVIIe, et rend cette production finalement très authentique, malgré son approche résolument moderne.
L’Opéra d’Oslo, ouvert en 2008, est une construction contemporaine très élégante, accessible à pied du centre-ville, mais surplombant la mer. L’intérieur et la salle sont également d’une modernité très étonnante.
Il faut avoir marché dans Oslo, avec des Norvégiens, pour réaliser combien cette ville, somme toute petite, est fière de son Opéra. En voyant cette production, on les comprend.