Coavionnage : un marché prêt à décoller
Wingly est au coavionnage ce que est BlaBlaCar est au covoiturage. Avec plus le désir de montrer la France d’en haut que d’effectuer des déplacements.
Le gros problème est que la DGAC assimile cette activité à du transport commercial ce qui bloque le développement en France.. Mais l’Allemagne a donné son feu vert.
Lars Klein, Bertrand Joab-Cornu et Emeric de Waziers, les cofondateurs de Wingly.
Quel est le principe du coavionnage ?
Le coavionnage fonctionne sur le même principe que le covoiturage de BlaBlaCar mais appliqué à l’aviation légère que l’on souhaite démocratiser.
Les pilotes d’avions de tourisme postent sur Wingly leurs vols prévus, en y indiquant le nombre de places libres, pour trouver des passagers supplémentaires afin de mutualiser les coûts et partager leur passion.
Le coavionnage, c’est aussi une activité de loisir plutôt que de transport, principalement pour effectuer des balades aériennes permettant de découvrir l’aviation et la terre vue du ciel.
Cela s’adresse-t-il à tous les pilotes ?
Oui, tous les pilotes d’avions légers et même d’hélicoptères, désireux de partager leurs frais et leur passion sont les bienvenus, à condition d’avoir au moins leur licence PPL (Private Pilote Licence) à jour, ainsi que d’avoir une expérience suffisante, que nous avons fixée à 100 heures de vol au minimum et une expérience récente d’au moins 1 heure dans les deux derniers mois.
Concrètement, qui peut en profiter ?
Beaucoup de gens : des passionnés du ciel, des amoureux en escapade, des aventuriers ayant soif de nouvelles sensations, de simples curieux, etc.
Notre idée est à la fois de faciliter les déplacements et de faire découvrir l’aviation légère à travers des vols locaux, pour aller admirer la France façon Yann Arthus-Bertrand.
Quels sont les freins à l’expansion du coavionnage ?
Le principal frein est aujourd’hui d’ordre réglementaire. En effet, l’activité, du fait de son caractère nouveau, n’est pas spécifiquement encadrée par des lois existantes, qui sont alors sujettes à interprétation.
“ Aller admirer la France façon Yann Arthus-Bertrand ”
La Direction générale de l’aviation civile (DGAC) assimile, dans un rapport sur le coavionnage, les vols qui passent par notre plateforme à du transport aérien commercial.
Cela imposerait d’une part à nos pilotes de posséder une licence commerciale et d’autre part nous imposerait d’obtenir un Certificat de transporteur aérien, normalement réservé aux compagnies aériennes qui exploitent des avions.
Or, nous ne sommes qu’un site Internet, un intermédiaire de mise en relation entre pilotes et passagers. C’est un obstacle presque infranchissable, pour être franc. Pourtant, une loi de 1981 autorise un pilote privé à emporter des passagers et à partager ses coûts avec lui, mais elle ne mentionne pas explicitement le coavionnage rendu possible par une plateforme Web.
Bien sûr, d’autres freins existent, mais ils sont actuellement secondaires, comme la taille du marché, lever des fonds, et grossir le plus vite possible en maintenant un équilibre entre pilotes et passagers, ce qui implique de bien maîtriser son marketing.
Et vos recettes pour contourner ces freins ?
Le marché français, sous la pression de lobbies et par peur de l’inconnu réglementaire, ne semble aujourd’hui pas vouloir de nous. Mais nous avons obtenu un feu vert réglementaire de l’Allemagne et l’un des trois associés de Wingly est allemand.
Notre idée est à la fois de faciliter les déplacements et de faire découvrir l’aviation légère à travers des vols locaux.
Nous allons donc lancer notre activité outre- Rhin et revenir en France lorsque nous aurons fait nos preuves sur ce marché. Bien sûr, nous continuerons de nous battre en France qui demeure le deuxième marché mondial du secteur, après les États-Unis.
La DGAC nous oppose des arguments de fond, sécuritaires. Nous devons aussi être irréprochables sur ce domaine. Nous avons dans un même temps étudié la littérature spécialisée dans l’accidentologie des vols en aviation légère afin d’identifier les mesures les plus à même de réduire le risque d’accident.
Notre objectif est de parvenir à améliorer significativement la sécurité de l’aviation légère grâce à l’introduction de nouveaux canaux de communication, et donc de sensibilisation, que nous amenons avec notre service.
Nous voulons d’une part augmenter le volume des heures de vol effectué en démocratisant l’aviation légère, et d’autre part réduire le taux d’accident relatif. C’est ambitieux, mais c’est un objectif que nous pensons réalisable.
Comment réunit-on plus de 20 000 fans sur Facebook en moins de six mois ?
Il n’y a pas de recette magique. Un peu de chance, sûrement, mais surtout beaucoup de travail, de préparation et aussi un budget marketing. Depuis maintenant un an, Facebook est notre canal d’acquisition principal, chaque post ou publicité est mûrement réfléchi.
Sur Facebook, il y a un engouement très important parce que nous proposons une expérience extraordinaire, qui fait rêver. Nous explorons donc ce filon grâce à du contenu de qualité, de très belles photos, des témoignages poignants.
Mais nous n’avons rien à inventer, c’est la magie du ciel qui convainc.
Sur Facebook, nous maximisons les outils d’analyse à notre disposition, que nous personnalisons et enrichissons au fur et à mesure, afin d’affiner le ciblage, augmenter les taux de rétention et de conversion.
Qui visez-vous en premier, les pilotes ou les passagers ?
Principalement des passagers. Mais pas simplement. Beaucoup de gens curieux aussi, des passionnés d’aéronautique, des personnes qui ont entendu parler de nous dans les médias ou par le bouche à oreille.
Quel rôle jouent les aéroclubs ?
Ils jouent un rôle clé. Ils sont le relais immédiat entre la plateforme et le pilote, la courroie de transmission si l’on peut dire. La grande majorité des pilotes qui utilisent Wingly ne sont pas propriétaire de leur avion mais le louent dans l’aéroclub dont ils sont membres.
“ Ne pas savoir si notre activité sera autorisée est très frustrant ”
C’est également un point de rencontre physique. On s’y retrouve, on échange, on discute à la fin du vol, on y apprécie une vie associative et une dynamique de passionnés. C’est crucial pour nous d’avoir l’accord et, au-delà, le soutien des aéroclubs puisque ce sont eux qui peuvent également interdire ou non cette activité.
C’est pour cela que l’on entretient avec eux un dialogue permanent. C’est aussi pour cela que nous avons tout d’abord sondé les présidents d’aéroclubs ainsi que les pilotes pour avoir leurs retours, leurs idées, pour mieux les comprendre.
Qu’est-ce qui a été le plus dur depuis la création de la société ?
L’incertitude réglementaire qui est née alors même que nous connaissions notre pic de croissance et de couverture médiatique. Depuis, évoluer sans savoir si notre activité sera autorisée est difficile et très frustrant.
On dépense du temps et des capitaux qui auraient pu servir à améliorer notre produit et à se rapprocher davantage de nos clients.
Pour finir, une anecdote sur un vol particulièrement remarquable ?
Le vol le plus remarquable fut indéniablement celui qui a permis à un jeune couple de faire sa demande en mariage dans l’avion. Cela au cours d’un vol d’une heure et demi pour 90 euros par personne qui les amenait à Belle-Île-en-Mer pour passer un beau week-end de septembre.