Ptrick PELATA (74)

Colloque de l’AX 2017 :

Dossier : ExpressionsMagazine N°731 Janvier 2018
Par Hubert JACQUET (64)

Le 30 novembre 2017, s’est tenu le troi­sième col­loque annuel de l’AX qui a mis en évi­dence les défis aux­quels la France doit faire face pour main­te­nir sa place dans le monde. 


Patrick Pela­ta (74)
© ÉCOLE POLYTECHNIQUE – J. BARANDE

Bruno Angles, après avoir ouvert la séance, a rapi­de­ment invi­té Patrick Pela­ta (74), pré­sident de Meta Consul­ting, à par­ler de la France vue d’ailleurs, de ses atouts comme de ses points faibles. 

Celui-ci a rap­pe­lé que la France sait for­mer de bons scien­ti­fiques et de bons ingé­nieurs et s’est dotée d’un cadre per­met­tant le déve­lop­pe­ment de la recherche et de l’innovation (pôles de com­pé­ti­ti­vi­té, labo­ra­toires publics, aides à l’innovation…).

Mais elle souffre aus­si de han­di­caps struc­tu­rels qu’il est urgent de cor­ri­ger. Beau­coup sont connus et d’autres moins, comme le coût éle­vé du loge­ment qui pèse sur le pou­voir d’achat et donc la compétitivité. 

“ Préserver le tissu social en assurant une meilleure répartition de la valeur ”

Au-delà de cet indis­pen­sable tra­vail de réforme, la France doit res­ter dans la course des révo­lu­tions indus­trielles, éner­gé­tiques et éco­lo­giques d’aujourd’hui. Cela impose en par­ti­cu­lier de mobi­li­ser d’importantes res­sources finan­cières et de pré­ser­ver le tis­su social en assu­rant une meilleure répar­ti­tion de la valeur. 

Les débats qui ont sui­vi, sous forme de tables rondes ani­mées par Cyrille Lachèvre, du jour­nal L’Opinion, ont été cen­trés sur trois ques­tions : où en sommes-nous ? Pro­duire en France ? Quels leviers pour la com­pé­ti­ti­vi­té française ? 

OÙ EN SOMMES-NOUS ?

La pre­mière table ronde a réuni Fran­cis Kra­marz (76), pro­fes­seur à l’ENSAE et direc­teur du CREST, Gilles Ben­ha­mou (74), PDG d’Asteelflash et Guy Mau­gis (73), ancien pré­sident de Robert Bosch France et pré­sident de la CCI franco-allemande. 

Amphithéatre du colloqueDans l’état des lieux qu’ils ont dres­sé, ils ont d’abord poin­té l’immobilisme struc­tu­rel et ins­ti­tu­tion­nel qui rend les réformes si dif­fi­ciles. Fran­cis Kra­marz sou­ligne les ver­tus de la concur­rence, sou­vent dou­lou­reuse mais tout aus­si néces­saire. Guy Mau­gis rap­pelle que si l’industrie alle­mande a connu des suc­cès durables, c’est parce qu’elle a su avec prag­ma­tisme pro­fi­ter de la mon­dia­li­sa­tion en par­ti­cu­lier en Europe de l’Est et en Chine. 

Mais la France n’a pas que des han­di­caps. Gilles Ben­ha­mou rap­pelle qu’elle dis­pose d’un excep­tion­nel bas­sin de main‑d’œuvre. Les fai­blesses de son indus­trie sont sur­tout liées à des défi­cits dans trois domaines : la com­mu­ni­ca­tion sou­vent insuf­fi­sante, le dia­logue poli­tique et social mar­qué par une vision trop conflic­tuelle des rap­ports, et la rela­tion clients-four­nis­seurs dans laquelle la notion de par­te­na­riat est trop peu présente. 

Ces constats ouvrent de nom­breuses voies de pro­grès. Sans aller jusqu’à copier l’Allemagne, ce qui serait une erreur, il serait bon de déve­lop­per la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle et l’apprentissage en asso­ciant for­te­ment les ter­ri­toires et les entre­prises. Faci­li­ter les mobi­li­tés pro­fes­sion­nelles implique de mettre en place des dis­po­si­tifs pour sécu­ri­ser les parcours. 

PRODUIRE EN FRANCE ?

Pierre-Noël Giraud (67), pro­fes­seur d’économie à Mines Paris­Tech et Dau­phine, Anne Leitz­gen, pré­si­dente de Schmidt Groupe, et Mar­wan Lahoud (83), ancien direc­teur géné­ral délé­gué groupe Air­bus et pré­sident d’OT-Morpho, ont débat­tu des stra­té­gies envi­sa­geables pour déve­lop­per et dyna­mi­ser l’industrie française. 

“ La capacité de l’Union européenne à parler d’une seule voix devient primordiale ”

Pierre-Noël Giraud insiste sur l’importance qu’il y a à déve­lop­per les emplois « nomades », ceux qui sont expo­sés à la concur­rence inter­na­tio­nale car ils tirent les emplois « séden­taires ». Pour cela, il faut refu­ser le pro­tec­tion­nisme et déve­lop­per une approche « mer­can­ti­liste » de nos rela­tions inter­na­tio­nales, dans un jeu de don­nant-don­nant fon­dé sur des par­te­na­riats et des échanges de bons pro­cé­dés entre pays et entre groupes indus­triels, comme l’ont fait la Chine et d’autres pays en développement. 

Une telle approche, pour être effi­cace, devrait se faire essen­tiel­le­ment à l’échelle de l’Europe : la capa­ci­té de l’Union euro­péenne à par­ler d’une seule voix devient donc primordiale. 

Évo­quant les grands groupes, Mar­wan Lahoud sou­ligne que la défense des inté­rêts natio­naux est un exer­cice déli­cat. Les bar­rières de toute nature qu’on peut créer seront un frein à l’efficacité. Le capi­tal de ces groupes ne peut que res­ter ouvert, leurs équipes diri­geantes sont mul­ti­na­tio­nales et il serait sté­rile de limi­ter l’effort de R & D à un seul pays : c’est sans doute en gar­dant sur notre ter­ri­toire les centres de déci­sion qu’on défend le mieux les inté­rêts français. 

D’où l’intérêt de ren­for­cer la com­pé­ti­ti­vi­té du pays et de main­te­nir la qua­li­té de vie en France, pour rendre les entre­prises attrac­tives : c’est une condi­tion néces­saire mais non suf­fi­sante. Car, comme l’a rap­pe­lé Anne Leitz­gen, l’attractivité d’une entre­prise vient d’abord du pro­jet qu’elle porte, de ses ambi­tions et de la qua­li­té du « vivre ensemble ». 

QUELS LEVIERS POUR LA COMPÉTITIVITÉ FRANÇAISE ?


Place aux ques­tions des élèves ! © ÉCOLE POLYTECHNIQUE – J. BARANDE

Au cours de la der­nière table ronde, Fabienne Kel­ler (79), séna­trice du Bas- Rhin, Jacques Biot (71), pré­sident de l’École poly­tech­nique et Nico­las Ten­zer, pré­sident et fon­da­teur du CERAP, ont ouvert de nom­breuses pistes de tra­vail pour ren­for­cer la com­pé­ti­ti­vi­té de la France. 

Celle-ci se joue d’abord dans la for­ma­tion, aus­si bien for­ma­tion ini­tiale que for­ma­tion conti­nue, qui devient capi­tale dans un monde en chan­ge­ment rapide. 

À ce titre, Jacques Biot note que, pour une grande école, la com­pé­ti­ti­vi­té est à la fois un sujet à ensei­gner aux élèves et un objet à prendre en compte dans la stratégie. 

Pour Nico­las Ten­zer, les maîtres mots sont agi­li­té, mobi­li­té et décloi­son­ne­ment. Un décloi­son­ne­ment qui n’est pas que spa­tial (tra­vailler à plu­sieurs, chas­ser en meute, s’ouvrir sur l’extérieur…), mais aus­si tem­po­rel (construire une réflexion qui englobe les court, moyen et long termes). 

Ce qui amène Fabienne Kel­ler à déplo­rer le manque d’investissement fran­çais au niveau euro­péen. Une autre piste serait de déve­lop­per la marque France, ce qui implique une action dans la durée et avec un pilote. 

UNE TONALITÉ NOUVELLE

En clô­tu­rant la séance, le pré­sident de l’AX a confir­mé l’importance qu’il attache à ce que la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne s’implique dans le débat public. Les tra­vaux du Col­loque s’inscrivent dans cette mis­sion de notre association. 

Après avoir repris les points forts de l’après-midi, Bru­no Angles a conclu en notant un net chan­ge­ment par rap­port aux pré­cé­dents col­loques : les inter­ve­nants se sont mon­trés plus opti­mistes et plus bien­veillants vis-à-vis de la poli­tique actuel­le­ment menée par la France.
 

Les temps forts en 3 : 25, grâce au JTX

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