Colloque de l’AX 2017 :
Le 30 novembre 2017, s’est tenu le troisième colloque annuel de l’AX qui a mis en évidence les défis auxquels la France doit faire face pour maintenir sa place dans le monde.
Patrick Pelata (74)
© ÉCOLE POLYTECHNIQUE – J. BARANDE
Bruno Angles, après avoir ouvert la séance, a rapidement invité Patrick Pelata (74), président de Meta Consulting, à parler de la France vue d’ailleurs, de ses atouts comme de ses points faibles.
Celui-ci a rappelé que la France sait former de bons scientifiques et de bons ingénieurs et s’est dotée d’un cadre permettant le développement de la recherche et de l’innovation (pôles de compétitivité, laboratoires publics, aides à l’innovation…).
Mais elle souffre aussi de handicaps structurels qu’il est urgent de corriger. Beaucoup sont connus et d’autres moins, comme le coût élevé du logement qui pèse sur le pouvoir d’achat et donc la compétitivité.
“ Préserver le tissu social en assurant une meilleure répartition de la valeur ”
Au-delà de cet indispensable travail de réforme, la France doit rester dans la course des révolutions industrielles, énergétiques et écologiques d’aujourd’hui. Cela impose en particulier de mobiliser d’importantes ressources financières et de préserver le tissu social en assurant une meilleure répartition de la valeur.
Les débats qui ont suivi, sous forme de tables rondes animées par Cyrille Lachèvre, du journal L’Opinion, ont été centrés sur trois questions : où en sommes-nous ? Produire en France ? Quels leviers pour la compétitivité française ?
OÙ EN SOMMES-NOUS ?
La première table ronde a réuni Francis Kramarz (76), professeur à l’ENSAE et directeur du CREST, Gilles Benhamou (74), PDG d’Asteelflash et Guy Maugis (73), ancien président de Robert Bosch France et président de la CCI franco-allemande.
Dans l’état des lieux qu’ils ont dressé, ils ont d’abord pointé l’immobilisme structurel et institutionnel qui rend les réformes si difficiles. Francis Kramarz souligne les vertus de la concurrence, souvent douloureuse mais tout aussi nécessaire. Guy Maugis rappelle que si l’industrie allemande a connu des succès durables, c’est parce qu’elle a su avec pragmatisme profiter de la mondialisation en particulier en Europe de l’Est et en Chine.
Mais la France n’a pas que des handicaps. Gilles Benhamou rappelle qu’elle dispose d’un exceptionnel bassin de main‑d’œuvre. Les faiblesses de son industrie sont surtout liées à des déficits dans trois domaines : la communication souvent insuffisante, le dialogue politique et social marqué par une vision trop conflictuelle des rapports, et la relation clients-fournisseurs dans laquelle la notion de partenariat est trop peu présente.
Ces constats ouvrent de nombreuses voies de progrès. Sans aller jusqu’à copier l’Allemagne, ce qui serait une erreur, il serait bon de développer la formation professionnelle et l’apprentissage en associant fortement les territoires et les entreprises. Faciliter les mobilités professionnelles implique de mettre en place des dispositifs pour sécuriser les parcours.
PRODUIRE EN FRANCE ?
Pierre-Noël Giraud (67), professeur d’économie à Mines ParisTech et Dauphine, Anne Leitzgen, présidente de Schmidt Groupe, et Marwan Lahoud (83), ancien directeur général délégué groupe Airbus et président d’OT-Morpho, ont débattu des stratégies envisageables pour développer et dynamiser l’industrie française.
“ La capacité de l’Union européenne à parler d’une seule voix devient primordiale ”
Pierre-Noël Giraud insiste sur l’importance qu’il y a à développer les emplois « nomades », ceux qui sont exposés à la concurrence internationale car ils tirent les emplois « sédentaires ». Pour cela, il faut refuser le protectionnisme et développer une approche « mercantiliste » de nos relations internationales, dans un jeu de donnant-donnant fondé sur des partenariats et des échanges de bons procédés entre pays et entre groupes industriels, comme l’ont fait la Chine et d’autres pays en développement.
Une telle approche, pour être efficace, devrait se faire essentiellement à l’échelle de l’Europe : la capacité de l’Union européenne à parler d’une seule voix devient donc primordiale.
Évoquant les grands groupes, Marwan Lahoud souligne que la défense des intérêts nationaux est un exercice délicat. Les barrières de toute nature qu’on peut créer seront un frein à l’efficacité. Le capital de ces groupes ne peut que rester ouvert, leurs équipes dirigeantes sont multinationales et il serait stérile de limiter l’effort de R & D à un seul pays : c’est sans doute en gardant sur notre territoire les centres de décision qu’on défend le mieux les intérêts français.
D’où l’intérêt de renforcer la compétitivité du pays et de maintenir la qualité de vie en France, pour rendre les entreprises attractives : c’est une condition nécessaire mais non suffisante. Car, comme l’a rappelé Anne Leitzgen, l’attractivité d’une entreprise vient d’abord du projet qu’elle porte, de ses ambitions et de la qualité du « vivre ensemble ».
QUELS LEVIERS POUR LA COMPÉTITIVITÉ FRANÇAISE ?
Place aux questions des élèves ! © ÉCOLE POLYTECHNIQUE – J. BARANDE
Au cours de la dernière table ronde, Fabienne Keller (79), sénatrice du Bas- Rhin, Jacques Biot (71), président de l’École polytechnique et Nicolas Tenzer, président et fondateur du CERAP, ont ouvert de nombreuses pistes de travail pour renforcer la compétitivité de la France.
Celle-ci se joue d’abord dans la formation, aussi bien formation initiale que formation continue, qui devient capitale dans un monde en changement rapide.
À ce titre, Jacques Biot note que, pour une grande école, la compétitivité est à la fois un sujet à enseigner aux élèves et un objet à prendre en compte dans la stratégie.
Pour Nicolas Tenzer, les maîtres mots sont agilité, mobilité et décloisonnement. Un décloisonnement qui n’est pas que spatial (travailler à plusieurs, chasser en meute, s’ouvrir sur l’extérieur…), mais aussi temporel (construire une réflexion qui englobe les court, moyen et long termes).
Ce qui amène Fabienne Keller à déplorer le manque d’investissement français au niveau européen. Une autre piste serait de développer la marque France, ce qui implique une action dans la durée et avec un pilote.
UNE TONALITÉ NOUVELLE
En clôturant la séance, le président de l’AX a confirmé l’importance qu’il attache à ce que la communauté polytechnicienne s’implique dans le débat public. Les travaux du Colloque s’inscrivent dans cette mission de notre association.
Après avoir repris les points forts de l’après-midi, Bruno Angles a conclu en notant un net changement par rapport aux précédents colloques : les intervenants se sont montrés plus optimistes et plus bienveillants vis-à-vis de la politique actuellement menée par la France.