Comand AI

Comand AI : Focus sur la start-up qui révolutionne le commandement des opérations

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°797 Septembre 2024
Par Florian MAILLARBAUX (2009)
Par Hugo DOBBELAERE (X15)
Par Armand BOSCHIN (X14)

Sou­ve­rai­ne­té, défense, com­man­de­ment des opé­ra­tions, dis­sua­sion, soft­ware, IA, nou­velles tech­no­lo­gies… sont autant de sujets au cœur de l’ADN de Comand AI, une start-up fran­çaise qui réin­vente la dis­sua­sion en misant sur les nou­velles tech­no­lo­gies et l’IA. Créée en 2023, la start-up ambi­tionne de déve­lop­per une nou­velle forme de dis­sua­sion conven­tion­nelle. Le point avec Flo­rian Maillar­baux (X09), Pro­duct Mana­ger, Hugo Dob­be­laere (X15), Soft­ware Engi­neer, et Armand Boschin (X14), AI Engi­neer, au sein de Comand AI.

Comand AI est une start-up qui s’adresse au secteur de la défense et militaire. Comment est née l’idée de la start-up ? 

À la genèse de Comand AI, on retrouve la récente évo­lu­tion de la base indus­trielle et tech­no­lo­gique de défense amé­ri­caine avec l’émergence de nou­veaux acteurs comme Andu­ril, Shield AI, et l’absence d’une telle évo­lu­tion en Europe … Ces entre­prises ont la par­ti­cu­la­ri­té d’assembler des équipes de niveau mon­dial dans les domaines du numé­rique et de la robo­tique pour créer un nou­vel état de l’art pour les forces armées. En paral­lèle, elles ont un fort ADN de start-ups civiles : pro­duits sur-éta­gère, mode de finan­ce­ment, contacts étroits avec les uti­li­sa­teurs finaux…

ll y a un an et demi, l’élément déclen­cheur de la créa­tion de Comand AI par Loïc Mou­geolle a été l’éclatement du conflit ukrai­nien, un évé­ne­ment macroé­co­no­mique et géo­po­li­tique, qui a confor­té le fon­da­teur dans la néces­si­té de ce pro­jet entre­pre­neu­rial. Au-delà, ces entre­prises amé­ri­caines ont prou­vé que le soft­ware avait un rôle stra­té­gique à jouer au même titre que le hard­ware qui est au cœur de l’approche fran­çaise et euro­péenne de consti­tu­tion de capa­ci­tés de défense de 1er rang. En effet, les solu­tions logi­cielles amé­ri­caines sont une des com­po­santes stra­té­giques dotant un pays comme l’Ukraine d’une capa­ci­té à résis­ter à une puis­sance mili­taire de l’envergure de la Russie.

Concrètement, quel est le positionnement de Comand AI ? 

Comand AI se posi­tionne sur toutes les étapes de la chaîne de valeur du com­man­de­ment d’opérations mili­taires : la veille, la pré­pa­ra­tion à l’engagement, la pla­ni­fi­ca­tion d’opérations à froid ou à chaud, la conduite d’opérations et le retour d’expérience. Nous pri­vi­lé­gions une approche de « com­man­de­ment glo­bal aug­men­té » qui intègre les niveaux stra­té­gique, opé­ra­tif, et tac­tique dans un envi­ron­ne­ment mul­ti­mi­lieux-mul­ti­champs (terre, air, mer, cyber, élec­tro­ma­gné­tique et infor­ma­tion­nelle). C’est l’orchestration de l’ensemble de ces com­po­santes par des capa­ci­tés logi­cielles à l’état de l’art qui consti­tue­ra le socle d’une nou­velle forme de dissuasion.

Très peu d’acteurs de la tech s’adressent à cet univers. Quels en sont les spécificités et les besoins sur le plan technologique ? 

La guerre en Ukraine a été un réel « game chan­ger ». Jusque-là, les acteurs de la tech ont géné­ra­le­ment tou­jours refu­sé de tra­vailler avec le sec­teur de la défense, essen­tiel­le­ment pour des rai­sons idéo­lo­giques. C’était notam­ment le cas de Google aux États-Unis. En paral­lèle, les meilleurs ingé­nieurs et les tech­ni­ciens ont depuis plu­sieurs années majo­ri­tai­re­ment pré­fé­ré tra­vailler dans des entre­prises créant l’état de l’art dans le domaine numé­rique plu­tôt que dans des entre­prises du sec­teur de la défense. Avec le retour du risque d’un enga­ge­ment mili­taire majeur, les acteurs de la tech se sont ren­du compte que la défense avait une réelle uti­li­té sociale.

Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, la défense et le monde mili­taire sont des uni­vers où la dimen­sion humaine est omni­pré­sente et où les Hommes ont voca­tion à res­ter au cœur des opé­ra­tions pen­dant encore de nom­breuses années, voire décen­nies, car nous conti­nue­rons à faire la guerre pour atteindre des objec­tifs poli­tiques et humains. Face à ce constat, chez Comand AI, notre ligne direc­trice est « plus d’augmentation, moins d’automatisation ».

Notre enjeu est de contri­buer à aug­men­ter l’humain afin qu’il conserve non seule­ment la maî­trise et le contrôle, mais qu’il puisse aus­si por­ter un regard cri­tique sur ce que l’IA lui pro­pose en matière d’automatisation. En paral­lèle, l’environnement mili­taire est sin­gu­lier. Il est dur­ci, décon­nec­té et poten­tiel­le­ment brouillé. Il est aus­si carac­té­ri­sé par de nom­breuses contraintes en termes d’accès à l’énergie, aux puis­sances de cal­cul et néces­site l’introduction de pro­tec­tion, de redon­dance… Enfin, ce sec­teur est direc­te­ment lié à la sou­ve­rai­ne­té des États. Nous devons être en mesure de garan­tir à nos clients une cer­taine indé­pen­dance, mais aus­si de pou­voir les ras­su­rer sur notre capa­ci­té à leur four­nir des logi­ciels mal­gré la poten­tielle oppo­si­tion d’autres clients. 

Dans ce cadre, quels sont les apports de l’IA ? Que proposez-vous dans ce cadre ? 

L’IA inté­grée dans nos solu­tions a prin­ci­pa­le­ment quatre apports opé­ra­tion­nels. D’abord, la vitesse. L’IA exé­cute cer­taines tâches beau­coup plus vite que les hommes ce qui per­met d’optimiser les boucles de déci­sion et d’a­mé­lio­ra­tion. Ce type de capa­ci­té sup­plé­men­taire de trai­te­ment offre des pers­pec­tives nou­velles en termes de ges­tion du ter­rain et de coor­di­na­tion des moyens. Pre­nons un exemple. La coor­di­na­tion de moyens aériens implique de nom­breuses per­sonnes qui doivent trai­ter de nom­breux élé­ments et don­nées de manière manuelle. L’automatisation de ce volet per­met­trait de confier à des per­sonnes sur le ter­rain l’emploi de moyens aériens. En termes d’amélioration conti­nue, la pos­si­bi­li­té de mettre à jour une IA, qui a la capa­ci­té à pro­po­ser des modes d’ac­tion et d’ai­der à la pla­ni­fi­ca­tion d’o­pé­ra­tions, va per­mettre de prendre en compte les der­niers retours sur expé­rience et évolutions.

Le second apport concerne la masse. Cela se tra­duit par la pos­si­bi­li­té de mobi­li­ser une puis­sance de tra­vail signi­fi­ca­tive dans des délais réduits. Si demain, l’armée fran­çaise qui compte 250 à 300 000 per­sonnes devait dou­bler, l’enjeu serait aus­si de dou­bler le taux d’encadrement tout en conser­vant le même niveau de qua­li­té de com­man­de­ment. Or pour for­mer un offi­cier supé­rieur, un géné­ral, un com­man­dant ou autre, il faut au moins une quin­zaine d’années. Une res­source com­plé­men­taire per­met­trait alors d’ab­sor­ber cette charge de travail.

« L’IA permet d’assurer un certain niveau de qualité dans la prise de décisions, dans la mobilisation des connaissances… »

Le troi­sième apport de l’IA est la qua­li­té. Au cours des der­nières années, la com­plexi­té des opé­ra­tions a aug­men­té de manière expo­nen­tielle avec la géné­ra­li­sa­tion du recours aux drones et tou­jours plus de cyber et d’informationnel. Dans ce contexte, l’IA per­met d’assurer un cer­tain niveau de qua­li­té dans la prise de déci­sions, dans la mobi­li­sa­tion des connaissances…

Enfin, l’IA per­met de déve­lop­per une cer­taine rési­lience. Les retours d’expérience de la Guerre en Ukraine nous montrent que les postes de com­man­de­ment sont vul­né­rables et que pour sur­vivre plus long­temps sur le ter­rain, ils doivent s’éclater en plu­sieurs sous-enti­tés. Il faut alors être en mesure de faire avec un quart des res­sources ce que l’état-major réa­li­sait au com­plet. Pour ce faire, il faut leur appor­ter de la vitesse, de la masse et de la qua­li­té dans les déci­sions pour atteindre cette résilience.

Pour appor­ter des réponses per­ti­nentes à ce niveau, Comand AI explore trois pistes com­plé­men­taires. Nous capi­ta­li­sons sur le trai­te­ment du lan­gage natu­rel et le Machine Lear­ning pour opti­mi­ser la com­pré­hen­sion du contexte, des ordres, de la struc­tu­ra­tion de la manœuvre reçue. Avec les algo­rithmes plus clas­siques, nous opti­mi­sons plu­sieurs dimen­sions et aspects comme les appuis, la logis­tique, l’é­tude du ter­rain… Avec le Rein­for­ce­ment Lear­ning, nous sommes en mesure de pro­po­ser des modes d’ac­tion et de les éva­luer de manière comparative.

Quelques mots sur vos équipes et le profil de vos ingénieurs. Quelles sont les perspectives de carrière que vous pouvez offrir à des ingénieurs ? 

Nous créons une équipe hybride ras­sem­blant le meilleur de l’industrie de défense, des forces armées et de la tech ! Aujourd’hui, 80 % des col­la­bo­ra­teurs sont issus d’écoles d’ingénieurs. Nos talents nous ont rejoint parce qu’ils adhèrent tous à la mis­sion que s’est don­née Comand AI : four­nir à la France et à ses alliés (en pre­mier lieu ceux de l’OTAN, mais pas seule­ment) une nou­velle capa­ci­té de dis­sua­sion, cen­trée logi­cielle, dans une logique de souveraineté.

Au-delà de la cri­ti­ci­té de cette mis­sion, Comand AI reste une start-up qui s’attaque à un défi tech­no­lo­gique unique et qui construit des solu­tions logi­cielles créant un nou­vel état de l’art. On retrouve ain­si au sein de Comand AI un fort esprit entre­pre­neu­rial et aven­tu­rier où des ingé­nieurs pas­sion­nés de tech, qui se retrouvent dans notre ADN et notre mis­sion, pour­ront s’épanouir. En effet, aujourd’hui, nous avons la chance de pou­voir béné­fi­cier d’une excel­lente proxi­mi­té avec les forces armées et de tra­vailler ensemble afin de déve­lop­per nos solutions.

Quelles sont les prochaines étapes pour votre start-up ? 

Recru­ter ! Nous avons conso­li­dé notre finan­ce­ment pour agran­dir notre équipe afin d’ac­cé­lé­rer les déve­lop­pe­ments de notre por­te­feuille de pro­duits, et adres­ser les mar­chés inter­na­tio­naux. D’ici la fin de l’année, nous aurons déployé nos pro­duits dans trois pays, par­ti­ci­pé à cinq exer­cices mili­taires, et appor­té notre contri­bu­tion au main­tien de la sou­ve­rai­ne­té ukrai­nienne. Avis aux intéressés !


https://www.comand.ai/


Poster un commentaire