Comand AI : Focus sur la start-up qui révolutionne le commandement des opérations
Souveraineté, défense, commandement des opérations, dissuasion, software, IA, nouvelles technologies… sont autant de sujets au cœur de l’ADN de Comand AI, une start-up française qui réinvente la dissuasion en misant sur les nouvelles technologies et l’IA. Créée en 2023, la start-up ambitionne de développer une nouvelle forme de dissuasion conventionnelle. Le point avec Florian Maillarbaux (X09), Product Manager, Hugo Dobbelaere (X15), Software Engineer, et Armand Boschin (X14), AI Engineer, au sein de Comand AI.
Comand AI est une start-up qui s’adresse au secteur de la défense et militaire. Comment est née l’idée de la start-up ?
À la genèse de Comand AI, on retrouve la récente évolution de la base industrielle et technologique de défense américaine avec l’émergence de nouveaux acteurs comme Anduril, Shield AI, et l’absence d’une telle évolution en Europe … Ces entreprises ont la particularité d’assembler des équipes de niveau mondial dans les domaines du numérique et de la robotique pour créer un nouvel état de l’art pour les forces armées. En parallèle, elles ont un fort ADN de start-ups civiles : produits sur-étagère, mode de financement, contacts étroits avec les utilisateurs finaux…
ll y a un an et demi, l’élément déclencheur de la création de Comand AI par Loïc Mougeolle a été l’éclatement du conflit ukrainien, un événement macroéconomique et géopolitique, qui a conforté le fondateur dans la nécessité de ce projet entrepreneurial. Au-delà, ces entreprises américaines ont prouvé que le software avait un rôle stratégique à jouer au même titre que le hardware qui est au cœur de l’approche française et européenne de constitution de capacités de défense de 1er rang. En effet, les solutions logicielles américaines sont une des composantes stratégiques dotant un pays comme l’Ukraine d’une capacité à résister à une puissance militaire de l’envergure de la Russie.
Concrètement, quel est le positionnement de Comand AI ?
Comand AI se positionne sur toutes les étapes de la chaîne de valeur du commandement d’opérations militaires : la veille, la préparation à l’engagement, la planification d’opérations à froid ou à chaud, la conduite d’opérations et le retour d’expérience. Nous privilégions une approche de « commandement global augmenté » qui intègre les niveaux stratégique, opératif, et tactique dans un environnement multimilieux-multichamps (terre, air, mer, cyber, électromagnétique et informationnelle). C’est l’orchestration de l’ensemble de ces composantes par des capacités logicielles à l’état de l’art qui constituera le socle d’une nouvelle forme de dissuasion.
Très peu d’acteurs de la tech s’adressent à cet univers. Quels en sont les spécificités et les besoins sur le plan technologique ?
La guerre en Ukraine a été un réel « game changer ». Jusque-là, les acteurs de la tech ont généralement toujours refusé de travailler avec le secteur de la défense, essentiellement pour des raisons idéologiques. C’était notamment le cas de Google aux États-Unis. En parallèle, les meilleurs ingénieurs et les techniciens ont depuis plusieurs années majoritairement préféré travailler dans des entreprises créant l’état de l’art dans le domaine numérique plutôt que dans des entreprises du secteur de la défense. Avec le retour du risque d’un engagement militaire majeur, les acteurs de la tech se sont rendu compte que la défense avait une réelle utilité sociale.
Sur un plan plus opérationnel, la défense et le monde militaire sont des univers où la dimension humaine est omniprésente et où les Hommes ont vocation à rester au cœur des opérations pendant encore de nombreuses années, voire décennies, car nous continuerons à faire la guerre pour atteindre des objectifs politiques et humains. Face à ce constat, chez Comand AI, notre ligne directrice est « plus d’augmentation, moins d’automatisation ».
Notre enjeu est de contribuer à augmenter l’humain afin qu’il conserve non seulement la maîtrise et le contrôle, mais qu’il puisse aussi porter un regard critique sur ce que l’IA lui propose en matière d’automatisation. En parallèle, l’environnement militaire est singulier. Il est durci, déconnecté et potentiellement brouillé. Il est aussi caractérisé par de nombreuses contraintes en termes d’accès à l’énergie, aux puissances de calcul et nécessite l’introduction de protection, de redondance… Enfin, ce secteur est directement lié à la souveraineté des États. Nous devons être en mesure de garantir à nos clients une certaine indépendance, mais aussi de pouvoir les rassurer sur notre capacité à leur fournir des logiciels malgré la potentielle opposition d’autres clients.
Dans ce cadre, quels sont les apports de l’IA ? Que proposez-vous dans ce cadre ?
L’IA intégrée dans nos solutions a principalement quatre apports opérationnels. D’abord, la vitesse. L’IA exécute certaines tâches beaucoup plus vite que les hommes ce qui permet d’optimiser les boucles de décision et d’amélioration. Ce type de capacité supplémentaire de traitement offre des perspectives nouvelles en termes de gestion du terrain et de coordination des moyens. Prenons un exemple. La coordination de moyens aériens implique de nombreuses personnes qui doivent traiter de nombreux éléments et données de manière manuelle. L’automatisation de ce volet permettrait de confier à des personnes sur le terrain l’emploi de moyens aériens. En termes d’amélioration continue, la possibilité de mettre à jour une IA, qui a la capacité à proposer des modes d’action et d’aider à la planification d’opérations, va permettre de prendre en compte les derniers retours sur expérience et évolutions.
Le second apport concerne la masse. Cela se traduit par la possibilité de mobiliser une puissance de travail significative dans des délais réduits. Si demain, l’armée française qui compte 250 à 300 000 personnes devait doubler, l’enjeu serait aussi de doubler le taux d’encadrement tout en conservant le même niveau de qualité de commandement. Or pour former un officier supérieur, un général, un commandant ou autre, il faut au moins une quinzaine d’années. Une ressource complémentaire permettrait alors d’absorber cette charge de travail.
« L’IA permet d’assurer un certain niveau de qualité dans la prise de décisions, dans la mobilisation des connaissances… »
Le troisième apport de l’IA est la qualité. Au cours des dernières années, la complexité des opérations a augmenté de manière exponentielle avec la généralisation du recours aux drones et toujours plus de cyber et d’informationnel. Dans ce contexte, l’IA permet d’assurer un certain niveau de qualité dans la prise de décisions, dans la mobilisation des connaissances…
Enfin, l’IA permet de développer une certaine résilience. Les retours d’expérience de la Guerre en Ukraine nous montrent que les postes de commandement sont vulnérables et que pour survivre plus longtemps sur le terrain, ils doivent s’éclater en plusieurs sous-entités. Il faut alors être en mesure de faire avec un quart des ressources ce que l’état-major réalisait au complet. Pour ce faire, il faut leur apporter de la vitesse, de la masse et de la qualité dans les décisions pour atteindre cette résilience.
Pour apporter des réponses pertinentes à ce niveau, Comand AI explore trois pistes complémentaires. Nous capitalisons sur le traitement du langage naturel et le Machine Learning pour optimiser la compréhension du contexte, des ordres, de la structuration de la manœuvre reçue. Avec les algorithmes plus classiques, nous optimisons plusieurs dimensions et aspects comme les appuis, la logistique, l’étude du terrain… Avec le Reinforcement Learning, nous sommes en mesure de proposer des modes d’action et de les évaluer de manière comparative.
Quelques mots sur vos équipes et le profil de vos ingénieurs. Quelles sont les perspectives de carrière que vous pouvez offrir à des ingénieurs ?
Nous créons une équipe hybride rassemblant le meilleur de l’industrie de défense, des forces armées et de la tech ! Aujourd’hui, 80 % des collaborateurs sont issus d’écoles d’ingénieurs. Nos talents nous ont rejoint parce qu’ils adhèrent tous à la mission que s’est donnée Comand AI : fournir à la France et à ses alliés (en premier lieu ceux de l’OTAN, mais pas seulement) une nouvelle capacité de dissuasion, centrée logicielle, dans une logique de souveraineté.
Au-delà de la criticité de cette mission, Comand AI reste une start-up qui s’attaque à un défi technologique unique et qui construit des solutions logicielles créant un nouvel état de l’art. On retrouve ainsi au sein de Comand AI un fort esprit entrepreneurial et aventurier où des ingénieurs passionnés de tech, qui se retrouvent dans notre ADN et notre mission, pourront s’épanouir. En effet, aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir bénéficier d’une excellente proximité avec les forces armées et de travailler ensemble afin de développer nos solutions.
Quelles sont les prochaines étapes pour votre start-up ?
Recruter ! Nous avons consolidé notre financement pour agrandir notre équipe afin d’accélérer les développements de notre portefeuille de produits, et adresser les marchés internationaux. D’ici la fin de l’année, nous aurons déployé nos produits dans trois pays, participé à cinq exercices militaires, et apporté notre contribution au maintien de la souveraineté ukrainienne. Avis aux intéressés !