Combien de logements construire chaque année ?
Le nombre de logements à construire dépend de la croissance du nombre de ménages, laquelle dépend de la fécondité passée, de la mortalité, des migrations, et des comportements de cohabitation. Le dernier exercice de projection du nombre de ménages a été réalisé en 2011 par le service statistique du ministère du Développement durable. Les hypothèses démographiques sont celles de la dernière projection de population de l’INSEE. La fécondité est censée rester stable, sur toute la période de projection, à 1,95 enfant par femme. La progression annuelle moyenne de l’espérance de vie à la naissance serait de 0,17 an pour les hommes et 0,13 an pour les femmes, et le solde migratoire serait de 100 000 personnes en plus par an.
REPÈRES
Au cours de la dernière décennie (2000−2010), 367 000 nouveaux logements ont été achevés chaque année en moyenne, avec un pic aux alentours de 450 000 en 2007, 2008 et 2009. Le taux d’utilisation des capacités de production dans le secteur de la construction, tel qu’il est mesuré par les enquêtes de conjoncture de l’INSEE, a alors culminé à un peu plus de 95%.
Sur la même période (2000−2010), le nombre annuel moyen de logements terminés s’est élevé à 191 000 au Royaume-Uni, pays à la population comparable à celle de la France, et 236 000 en Allemagne, pays plus peuplé que le nôtre mais moins dynamique sur le plan démographique. De tous nos voisins, seule l’Espagne, en construisant 485 000 logements par an, a connu au cours de la précédente décennie un niveau de construction de logements plus élevé, mais avec une chute brutale depuis 2009.
Une population vieillissante
Avec ces hypothèses, la population de la France métropolitaine, égale à 62,9 millions de personnes en 2010, continuerait de croître, pour atteindre 68,5 millions en 2030, soit 0,43 % par an. C’est un rythme de croissance un peu plus faible que celui des dernières décennies car, avec l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom à un âge où ces générations ne sont plus susceptibles d’avoir des enfants, le poids des générations en âge d’avoir des enfants au sein de la population tend à baisser. Sous l’effet de l’arrivée aux âges élevés des générations nombreuses du baby-boom, la population est surtout appelée à vieillir. Les personnes âgées de 60 ans ou plus, qui représentent 22,9% de la population en 2010, en représenteraient 29,4 % en 2030.
Comportements de cohabitation
Le nombre de ménages tend à croître plus vite que la population : 1,23 % par an en moyenne pour le nombre de ménages entre 1975 et 2010, 0,51 % pour la population. Le nombre moyen de personnes par ménage tend en effet à baisser : égal à 2,9 en 1975, il n’est plus que de 2,4 en 1999 et de 2,26 en 2010.
Le nombre moyen de personnes par ménage diminue
Deux facteurs influent sur cette évolution : l’évolution de la structure par sexe et âge de la population, et les comportements de cohabitation, à sexe et âge donnés. La structure par âge importe car les ménages de personnes âgées, qui n’ont plus d’enfants à charge, sont plus petits que la moyenne.
Le nombre moyen de personnes par ménage diminue aussi du fait de la relative désaffection dont souffrent les modes « traditionnels » de cohabitation, à sexe et âge donnés. Alors que, en 1982, 83 % des hommes de 35 ans vivaient en couple, ils ne sont plus que 70% en 2010.
Chez les femmes, les proportions correspondantes sont de 85 % et 73 %. Corrélativement, au même âge, 11,8 % des femmes sont à la tête d’une famille monoparentale et 9,7 % vivent seules, alors qu’elles étaient 6,7 % et 4,5 % respectivement en 1982.
La proportion de personnes en couple tend toutefois à s’accroître aux âges élevés, sous les effets de la progression de l’espérance de vie, le veuvage intervenant en moyenne à un âge de plus en plus tardif. Les générations aujourd’hui âgées ont en effet été jusqu’à présent peu affectées par la montée du divorce qui s’est produite depuis les années 1970.
Dans l’hypothèse d’une poursuite de ces tendances, le nombre de ménages pourrait s’accroître en moyenne de 235 000 par an jusqu’en 2030, ce qui représente un rythme d’accroissement annuel moyen de 0,80% sur la période 2010–2030. La croissance de la population et les déformations de la pyramide des âges continueraient à expliquer la majeure partie de la croissance du nombre de ménages. Le nombre moyen de personnes par ménage ne serait plus que de 2,10 en 2030, et la proportion de personnes seules s’élèverait à 19,8 % contre 15,0 % en 2010. 43 % des ménages seraient composés d’une personne seule.
Un solde migratoire de 50 000 personnes par an, c’est-à-dire à peu près le solde migratoire moyen constaté depuis 1970, au lieu de 100 000, réduirait de 20 000 à 30 000 la croissance annuelle du nombre de ménages.
Une croissance annuelle plus forte de l’espérance de vie à la naissance, de 0,22 an pour les hommes et de 0,18 an pour les femmes, élèverait de 15 000 environ la croissance annuelle du nombre de ménages.
Comparaison avec la précédente projection
La projection de population et la projection de ménages ont été réalisées en 2010 et 2011. Les précédentes projections avaient été réalisées en 2006 et 2007, par l’INSEE.
Un solde migratoire de cinquante mille personnes par an au lieu de cent vingt mille
La projection de ménages de 2006 comprenait deux scénarios de comportements de cohabitation. Le scénario dit « bas » (en termes de nombre de ménages, donc relativement élevé en termes de nombre de personnes par ménage) reposait sur la prolongation des tendances apparentes 1990- 2005. Le scénario « haut » reposait, quant à lui, sur la prolongation de la tendance observée entre 1999 et 2005, au cours de laquelle la hausse du nombre de ménages et la baisse du nombre moyen de personnes par ménage semblaient s’être accélérées.
L’influence de l’internat
Les élèves majeurs en internat sont, avec le nouveau recensement, considérés comme vivant hors ménage ordinaire, en dehors du ménage de leurs parents, alors qu’auparavant ils étaient considérés comme rattachés à celui-ci. Ce changement de définition explique à lui seul à peu près la moitié de la « rupture de série » sur le nombre moyen de personnes par ménage entre 1999 et 2004.
On a toutefois de bonnes raisons de penser que le nouveau recensement, tel qu’il a été mis en place en 2004 avec une organisation, des méthodes de collecte et des questionnaires rénovés, couvre mieux la population que les anciens. Des changements de définition entre les anciens et le nouveau recensement affectent aussi le contour des ménages. L’évolution de la taille moyenne de ceux-ci telle qu’elle pourrait être appréhendée par différence (sans correctif) entre les chiffres du nouveau recensement et ceux du recensement de 1999 surestime très probablement la réalité.
De fait, sur les années 2006 à 2008, le scénario haut de 2006, qui table sur la prolongation de la tendance apparente 1999–2005, est clairement « hors des clous », et il semble que même le scénario « bas » de la projection de ménages 2006 ait eu tendance à surestimer la baisse du nombre de personnes par ménage. Le scénario haut de 2006 est donc aujourd’hui clairement caduc. La projection de ménages présentée ici retient donc un seul scénario de comportements de cohabitation, plus proche du scénario bas de 2006, tout en en corrigeant les imperfections.
Le renouvellement du parc
10 % des logements sont des résidences secondaires, et près de 7% sont vacants
Pour passer du nombre de ménages au nombre de logements, il faut rajouter des hypothèses sur l’utilisation du parc et son renouvellement. En 2010, 10% des logements étaient des résidences secondaires et 6,7% étaient vacants. La proportion de logements vacants est toutefois à un niveau faible au regard des valeurs observées au cours des quarante dernières années, de sorte qu’une remontée (à 7,5 % à l’horizon 2015 à titre d’illustration) ne saurait être exclue.
Des hypothèses et des résultats contestables
En 2006, Batsch et alii ont chiffré à 500 000 par an la demande potentielle. Leur travail repose sur les hypothèses suivantes : une remontée de la proportion de logements vacants de 0,1 point par an ; une augmentation de la proportion de résidences secondaires au sein du parc de 0,1 point par an ; un nombre de logements détruits de 45 000 par an ; une contribution de l’évolution des comportements de cohabitation, à sexe et âge donnés, du même ordre de grandeur que celle du scénario haut de 2006- 2007, dont nous avons vu qu’il est caduc ; une fécondité stable à 1,9 enfant par an ; un solde migratoire annuel de 120000 personnes, une hypothèse d’espérance de vie non précisée.
Pour obtenir un résultat de l’ordre de 500 000, sur la base de ces hypothèses, il est nécessaire de retenir un scénario de gains annuels d’espérance de vie de l’ordre de six mois par an, 0,48 an pour les hommes et 0,44 an pour les femmes. De tels gains sont deux fois plus rapides que les maxima observés depuis les années 1950.
Les destructions de logements pourraient être de 30 000 par an si l’on se fonde sur les niveaux moyens observés depuis trente ans, ou de 50 000 si l’on table sur la poursuite de l’effort de renouvellement urbain dans les quartiers de grands ensembles tel qu’il est mené depuis 2004.
Les fusions et éclatements de logements sont des flux de faible ampleur et qui se compensent. Il en est de même des transformations de logements en locaux non résidentiels, et inversement. On a aussi étudié des scénarios alternatifs de mortalité et de migrations.
Des scénarios alternatifs
Les prévisions actuelles estiment la demande potentielle entre 300 000 et 350 000 logements à construire par an, parfois davantage avec certains jeux d’hypothèses, mais sans jamais excéder 400 000. Atteindre un chiffre plus élevé, de l’ordre de 500 000, ne serait possible qu’en retenant une combinaison d’hypothèses irréalistes, par exemple en matière de mortalité.
L’autonomie résidentielle
Ces chiffres ne constituent bien sûr qu’une projection, reposant sur une prolongation des tendances démographiques, mais aussi économiques de manière implicite. La réduction de la taille moyenne des ménages constatée au cours des cinquante dernières années est imputable en partie à l’amélioration des niveaux de vie, qui a dans une certaine mesure offert aux individus les moyens de leur autonomie résidentielle.
Par exemple, la cohabitation sous le même toit d’adultes avec leurs ascendants âgés était autrefois fréquente, surtout dans le Sud-Ouest. Si, à l’avenir, les régimes de retraite venaient à être moins généreux, le recours à cette forme de cohabitation pourrait redevenir plus fréquent.
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Bonjour, Je résume ce que
Bonjour, Je résume ce que j’ai compris de votre article : « Démographie Dans l’hypothèse d’une poursuite de ces tendances [ndGoldo : effectifs des ménages incluant accroissement naturel et cohabitation], le nombre de ménages pourrait s’accroître en moyenne de 235 000 par an jusqu’en 2030, ce qui représente un rythme d’accroissement annuel moyen de 0,80% sur la période 2010–2030. » « Solde migratoire Solde migratoire de +50 000 personnes par an. Soient 20 à 30 000 ménages [et donc logements] de plus. » « Le renouvellement du parc Les destructions de logements pourraient être de 30 000 par an si l’on se fonde sur les niveaux moyens observés depuis trente ans, ou de 50 000 si l’on table sur la poursuite de l’effort de renouvellement urbain dans les quartiers de grands ensembles tel qu’il est mené depuis 2004.] »
Donc en prenant les hypothèses hautes nombre de logement à construire = 235 000 (accroissement naturel + habitudes de cohabitation) + 30 000 (solde migratoire) + 50 000 (obsolescence et reconstruction) = 315 000 logements à construire par an. Les migrations géographiques nationales sont elles pris en compte ?
Des habitants issus des campagnes et des villes petites et moyenne quittent les campagnes et les petites villes (où il y a donc des logements qui peuvent tomber en désuétudes) pour vivre autour des grands centres urbains (Ile de France en particulier) ou les côtes (où il n’y avait pas de logement). Et d’autre part quid de combler un éventuel retard de construction accumulé dans le passé.