Comment le vieillissement français pèse sur la croissance
Le vieillissement a trois composantes : la baisse de la mortalité, qui entraîne un allongement de la durée de vie, le baby-boom, qui déforme la pyramide des âges, et la baisse de la fécondité. Les calculs montrent que la première a un rôle majeur, pour ne pas dire exclusif.
REPÈRES
L’espérance de vie en France est aujourd’hui de 84,8 ans pour les femmes et de 78,2 ans pour les hommes. En 2040, elle pourrait être de 90 ans pour les femmes et de 84 ans pour les hommes.
La fécondité, qui était de 2,5 à 3 enfants par femme au XXe siècle, fluctue entre 1,8 et 2 actuellement. Le ratio de dépendance est passé de 32 % en 1960 à 40 % en 2007, et devrait atteindre 66 % en 2040.
Depuis 2000 environ, la productivité du travail est inférieure à 1 % par an, tandis que la population d’âge actif croît nettement moins que la population totale, l’écart étant d’environ 0,5%.
Le besoin de financement du système de retraites, estimé à 13 milliards d’euros en 2011, devrait atteindre 49 milliards d’euros en 2040.
Le vieillissement français
L’espérance de vie a presque doublé au cours du XXe siècle, et se situe en 2012 à 84,8 ans pour les femmes et 78,2 ans pour les hommes. La fécondité, actuellement de moins de 2 enfants par femme, devrait rester stable.
Le vieillissement contribue au freinage de la croissance
Quant au baby-boom, il a commencé par rajeunir la population mais en accélère maintenant le vieillissement, avec l’arrivée à plus de 60 ans des générations de l’après-guerre.
Dans l’ensemble des projections actuellement étudiées, on constate que le ratio de dépendance va fortement augmenter dans l’avenir, d’environ un point par an d’ici 2035. Il pourrait atteindre 66 % en 2040.
Un lien entre vieillissement et croissance potentielle
Le premier effet du vieillissement est celui du taux de dépendance sur le revenu ou le produit par tête. Cet effet est mécanique et c’est le plus important.
Le ratio de dépendance
Le ratio de dépendance est le rapport entre le nombre des plus de 60 ans et celui des 20 à 60 ans. Il va fortement augmenter en raison de l’augmentation de la tranche d’âge des plus de 60 ans, alors que la population des 20–60 ans devrait stagner, voire régresser si les flux migratoires venaient à diminuer. La stationnarité de la population d’âge actif est à peu près acquise, avec un taux de fécondité de 1,9 et un flux migratoire net de 100 000 personnes par an.
À comportement d’activité donné, le taux de croissance annuelle du produit par tête est la somme de deux éléments : le taux de croissance annuelle de la productivité du travail et la différence entre le taux de croissance de la population d’âge actif et le taux de croissance de la population totale. L’augmentation du taux de dépendance fait que le deuxième terme est devenu négatif, d’environ 0,5 point par an, ce qui représente un manque à gagner d’autant pour la croissance potentielle.
Ce manque à gagner pèse d’un poids relatif d’autant plus fort que les progrès de productivité sont faibles. Or, ces derniers, après avoir été de 2 % jusqu’en 2000, stagnent désormais en dessous de 1 %.
Si la tendance actuelle se prolongeait durablement, le vieillissement contribuerait assez significativement à la faiblesse de la croissance. Cet effet démographique est cependant temporaire, et il devrait se résorber progressivement au cours des trois prochaines décennies.
Un impact secondaire
On pourrait compliquer l’analyse en imaginant que le vieillissement a aussi un impact sur la croissance de la productivité elle-même. Néanmoins, le lien entre âge et productivité individuelle est mal connu. De toute manière, l’impact serait du troisième ordre par rapport à l’effet mécanique direct.
De même, l’hypothèse d’un cycle de vie du revenu et de l’épargne, avec baisse de l’épargne aux âges élevés, et donc de l’accumulation du capital affectant la croissance, reste difficile à confirmer.
Enfin, le développement de besoins nouveaux liés au vieillissement a des effets incertains et secondaires par rapport à l’effet dominant du ratio de dépendance.
Dépenses sociales
La croissance attendue des dépenses sociales est l’un des canaux par lesquels s’exprime cet impact du ratio de dépendance, mais tous les postes des dépenses sociales ne sont pas également affectés.
La capitalisation n’offre pas une solution miracle au vieillissement
L’impact est plus faible qu’on ne croit souvent sur les dépenses de santé. Les maladies importantes et coûteuses sont plus fréquentes au-delà de 50 ans, mais cela ne suffit pas à faire du vieillissement le facteur majeur.
La causalité serait plutôt inverse : les dépenses de santé, constituant un « progrès de gamme », augmentent significativement la durée de vie.
La question des retraites
C’est dans le domaine des retraites que les conséquences de l’évolution démographique sont les plus directes et les plus importantes. L’augmentation tendancielle du ratio de dépendance oblige les pays à trouver des solutions pour éviter la dérive des systèmes de retraite.
Accroissement des dépenses de santé à âge donné
Quand on compare, entre 1992 et 2000, les dépenses de santé par personne aux différents âges, on constate une forte augmentation, globalement croissante avec l’âge à partir de 50 ans. Cette tendance pourrait encore s’amplifier pour l’avenir.
Ces solutions mettent en jeu trois paramètres mobilisés de manières différentes suivant les pays et les circonstances : les taux de cotisations, les taux de remplacement et les durées d’activité.
La France a surtout cherché à jouer sur les deux derniers au travers de trois grandes réformes des retraites qui, en principe, contribuent très sensiblement au rétablissement de l’équilibre à long terme, mais seulement dans l’hypothèse d’une croissance économique assez soutenue.
La raison est que leur efficacité tient beaucoup à des mécanismes de sous-indexation des retraites par rapport aux salaires. L’efficacité de cette politique est remise en cause par la crise et les perspectives de croissance très ralentie.
Capitalisation et répartition
Le développement de la capitalisation a largement été évoqué comme solution à ce problème des retraites. Elle a l’avantage d’encourager l’épargne longue, donc l’investissement et la croissance ; elle peut paraître judicieuse dans une perspective de division des risques. Mais le débat entre capitalisation et répartition semble avoir perdu son actualité en raison de la crise et des graves problèmes rencontrés par les fonds de pension. Globalement, la capitalisation n’offre pas une solution miracle au vieillissement. C’est, au mieux, une façon alternative d’en financer le coût, avec ses avantages et ses inconvénients.