Comment promouvoir les formations d’ingénieur ?
15,6… 14,8… 18,4… Non, ce ne sont pas les moyennes de température sur le plateau de Saclay des mois printaniers. Ce sont les pourcentages de jeunes filles admises à l’X, tous recrutements confondus, pour les promotions 2009, 2010 et 2011. Cela paraît toujours alarmant et regrettable, même pour ceux et celles qui, bien qu’habitués, font partie de ces promotions qu’on peut qualifier de déséquilibrées.
Mais comment faire pour féminiser les promotions d’X ? Est-ce dû au recrutement ? Que fait l’École pour féminiser ces promotions ?
REPÈRES
Le nombre de jeunes filles à l’X, sélectionnées par concours, varie, depuis une dizaine d’années, entre 45 et 75 par promotion (10 à 18 %), oscillant d’une année à l’autre autour d’une tendance optimiste en légère augmentation.
Un problème national
La féminisation des voies d’enseignement scientifiques du supérieur est un problème qui dépasse l’X.
Les filles sont 45 % dans la filière S et seulement 26% dans les formations d’ingénieur
En effet, si les jeunes filles sont 45 % à suivre une filière S au lycée, elles ne sont plus que 30,5 % à suivre une classe préparatoire aux grandes écoles scientifiques. Cela se confirme après la « prépa » : 26 % seulement des étudiants en formation d’ingénieur sont des femmes.
Une barrière à l’entrée
Les épreuves favoriseraient-elles les garçons ? Le taux de parité en classes préparatoires scientifiques est d’environ 30 % de filles. Le pourcentage d’inscrites au concours est plus faible, mais reste constant depuis une dizaine d’années.
Des prépas trop masculines
Le décrochage de 20 points entre la terminale S et l’École s’explique avant tout par le manque de féminisation des classes préparatoires scientifiques et non par le concours d’entrée.
L’épreuve de sport ne semble pas limiter l’accès des filles puisque c’est une épreuve comptant pour l’oral, où les jeunes filles réussissent mieux.
En filière MP, il est d’environ 16% à l’écrit, il tombe à 10,5 % à l’oral et remonte à 14 % au moment de l’intégration.
En filière PC, le pourcentage d’inscrites est également à peu près constant aux alentours de 20%. Il chute de quelques points à l’admissibilité et remonte après l’oral. Par exemple, en 2011, on comptait 26 % d’inscrites et 24% de reçues. Le concours de l’X diminue ainsi de deux points le taux de féminisation des promotions potentielles.
Encourager les « 5÷2 »
Les jeunes filles font aujourd’hui moins souvent une troisième année de classe préparatoire que leurs aînées. Celles qui le font réussissent très bien. Comme l’illustre par exemple la filière PSI, 40% des entrantes sont des « 5÷2 » contre une moyenne de 28 % de « 5⁄2 », filles et garçons confondus. On peut penser qu’encourager les jeunes filles hésitantes à faire une « 5÷2 » pourrait permettre d’augmenter le nombre de jeunes filles à l’X.
L’impact des filières
On compare souvent des statistiques qui prennent en compte à part égale les trois filières principales du recrutement après les classes préparatoires aux grandes écoles : MP, PSI et PC.
Trois sur quatre
Les classes préparatoires comptent aujourd’hui quatre filières : MP (mathématiques-physique), PC (physique-chimie), PSI (physique et sciences de l’ingénieur), PT (physique et technologie).
L’X propose des places dans les trois premières.
Or, ces trois filières ne sont pas équivalentes puisque le nombre de places offertes est différent : 186 pour les MP, 142 pour les PC et 45 pour les PSI (chiffres du concours 2011). D’autre part, les filières ne sont pas féminisées à la même hauteur : la filière PC est plus féminisée que la filière PSI, par exemple.
Si l’on pondère le taux de féminisation à l’entrée en fonction du nombre de places proposées, on obtient le taux de féminisation des entrants de 19,5 %. La moyenne arithmétique donne, quant à elle, 18,6%.
Agir au lycée
Le nombre de polytechniciennes varie entre 45 et 75 par promotion.
© JÉRÉMY BARANDE – ÉCOLE POLYTECHNIQUE
L’École, forte de ces constatations, participe à l’augmentation de la féminisation de l’enseignement supérieur scientifique.
La sensibilisation est à faire principalement au lycée, puisque c’est après le baccalauréat que beaucoup de lycéennes ne choisissent pas de s’orienter en classes préparatoires scientifiques. Elles ont beaucoup d’idées préconçues, souvent fausses.
Chaque année, des étudiants en deuxième année de l’École retournent dans leur lycée pour participer, par exemple, à des forums d’anciens élèves. Cela permet de rassurer beaucoup de jeunes filles qui se posent souvent des questions. Leurs craintes et interrogations ne portent pas tant sur le quotidien d’un étudiant de « prépa » que sur le fond : Qu’est-ce que devenir ingénieur ? Après une « prépa », doit-on faire forcément de l’ingénierie ? Est-ce que c’est difficile d’être une fille en PSI ? Les garçons ne sont-ils pas trop durs ? Des questions souvent déstabilisantes car porteuses de clichés et d’une mauvaise connaissance de la réalité.
La journée de la femme
L’École agit également en organisant tous les ans une journée de la femme. Des lycéennes viennent à cette occasion à l’École pour découvrir ce qu’est l’École polytechnique et en apprendre plus sur les classes préparatoires et les sciences et l’ingénierie.
Les forums d’anciens élèves rassurent beaucoup de jeunes filles
Mais plus largement, l’École ouvre au sein de ces programmes d’égalité des chances à une meilleure connaissance des classes préparatoires. « Une grande école, pourquoi pas moi ? », par exemple, informe une centaine de lycéens chaque année, de même que la journée des « cordées de la réussite ».
Nous tous, riches de cette expérience, hommes ou femmes, sommes porteurs d’un devoir d’information auprès des jeunes. Non seulement pour une plus grande féminisation des écoles d’ingénieurs, mais également pour un plus grand nombre d’ingénieurs en France.
Bibliographie
Filles et Garçons sur le chemin de l’égalité de l’École à l’enseignement supérieur.
Rapport du concours 2011 de l’École polytechnique.
Commentaire
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Et si la solution était…
Merci pour cet article.
Je ne comprendrai jamais pourquoi la direction de l’École n’use pas de son meilleur (son seul ?) levier, qui est d’ouvrir le concours aux prépas BCPST. Une telle démarche serait particulièrement cohérente avec les objectifs chiffrés du contrat pluriannuel, qui souhaite qu’une majorité d’élèves polytechniciens s’intéressent à la biologie au cours de leur scolarité. L’enseignement de BCPST est certes différent, mais non sans atout, notamment le fait qu’il comporte de nombreuses heures de statistiques et probabilités.