Comment se porte le capital-risque en Chine ?

Dossier : Regards sur la ChineMagazine N°589 Novembre 2003
Par Emmanuel MERIL

L’es­sor du capi­tal-risque en Chine date du milieu des années quatre-vingt et s’est déve­lop­pé dans les années quatre-vingt-dix.
Face aux rigi­di­tés de l’en­ca­dre­ment légal, les inves­tis­seurs étran­gers opèrent via des socié­tés off­shore.

Le Capi­tal-risque en Chine en est encore à ses débuts et un véri­table mar­ché ne s’est pas déga­gé à ce jour. Il est vrai que les moyens d’in­ves­tis­se­ment offerts par la légis­la­tion chi­noise sont encore empreints de lacunes et de rigi­di­tés. Trois véhi­cules se dis­tinguent : les inves­tis­se­ments directs, les inves­tis­se­ments via une socié­té locale de pla­ce­ments à risque ou via une socié­té de ges­tion de fonds de capital-risque.

Investissements directs

Les inves­tis­se­ments directs recouvrent l’é­ta­blis­se­ment (ou la prise de par­ti­ci­pa­tion au sein) d’en­tre­prises à par­ti­ci­pa­tion étran­gère (socié­té en joint ven­ture ou socié­té à capi­tal exclu­si­ve­ment étran­ger). Bien que le cadre légal soit rela­ti­ve­ment bien déli­mi­té, il existe de nom­breuses entraves à la flui­di­té des mou­ve­ments de capi­taux. His­to­ri­que­ment, les entre­prises à par­ti­ci­pa­tion étran­gère n’ont pas été créées dans le but de favo­ri­ser des inves­tis­se­ments finan­ciers, mais comme des vête­ments juri­diques adap­tés aux pro­jets indus­triels ou de four­ni­ture de ser­vices. Ain­si, la loi chi­noise pré­voit que l’en­trée et la sor­tie des capi­taux néces­sitent une appro­ba­tion administrative.

Outre la lour­deur des pro­cé­dures d’ap­pro­ba­tion, les droits de la par­tie chi­noise sont for­te­ment pro­té­gés par les auto­ri­tés admi­nis­tra­tives, notam­ment par un strict contrôle du conte­nu des contrats de joint ven­ture. Par ailleurs, toute créa­tion d’en­tre­prise doit être pré­cé­dée de la sou­mis­sion d’une étude de fai­sa­bi­li­té, ce qui inter­dit la créa­tion de socié­tés dor­mantes ou de socié­tés ayant des objets sociaux rela­ti­ve­ment éten­dus. La régle­men­ta­tion chi­noise sur les inves­tis­se­ments étran­gers exige éga­le­ment, dans de nom­breux sec­teurs, l’a­dop­tion d’une struc­ture en joint ven­ture (avec par­fois l’o­bli­ga­tion d’al­louer la majo­ri­té des parts aux asso­ciés chinois).

Enfin, l’ar­ticle 12 de la loi sur les socié­tés dis­pose qu’une socié­té ne peut inves­tir dans une autre socié­té plus de 50 % de ses actifs nets, à l’ex­cep­tion des socié­tés d’in­ves­tis­se­ment ou des hol­dings. Ces struc­tures clas­siques, qui sont des inves­tis­se­ments géné­ra­le­ment indus­triels, ne conviennent pas ain­si aux inves­tis­se­ments pure­ment finan­ciers, qui exigent habi­tuel­le­ment une grande flexi­bi­li­té et flui­di­té (outre une forte rentabilité).

Sociétés chinoises de placements à risque

Environnement général

Il existe à ce jour en Chine plus de 250 socié­tés de pla­ce­ments à risque qui gèrent un capi­tal-risque d’en­vi­ron 4,8 mil­liards de dol­lars US. La pre­mière socié­té locale de pla­ce­ments à risque – Chi­na New Tech­no­lo­gy Ven­ture Capi­tal Invest­ment Co, Ltd – a été créée à Bei­jing, en 1985. Il s’a­git de socié­tés à capi­taux exclu­si­ve­ment chi­nois ou à par­ti­ci­pa­tion étran­gère. Dans ce der­nier cas, ces socié­tés ne peuvent pla­cer que leurs capi­taux propres.

Aujourd’­hui de nom­breux obs­tacles juri­diques empêchent le déve­lop­pe­ment des socié­tés de pla­ce­ments à risque. On peut citer :

  • l’ab­sence de loi-cadre appli­cable au capital-risque,
  • l’im­pos­si­bi­li­té de créer des socié­tés en commandite,
  • la res­tric­tion sur le capi­tal social et le volume des investissements,
  • l’in­suf­fi­sance des res­sources financières,
  • le manque de sou­plesse des moda­li­tés de sortie,
  • la com­plexi­té des pro­cé­dures d’é­ta­blis­se­ment et de gestion,
  • l’ab­sence de mar­ché secon­daire (tel que le Nou­veau Marché).

Sociétés de placements à risque à participation étrangère

Le Règle­ment pro­vi­soire sur la créa­tion des socié­tés de pla­ce­ments à risque à par­ti­ci­pa­tion étran­gère (appe­lé ci-après le Règle­ment), en date du 28 août 2001, laisse cepen­dant entre­voir une amé­lio­ra­tion du cadre légal. Le Règle­ment régit les capi­taux inves­tis dans les socié­tés de hautes et nou­velles tech­no­lo­gies, non cotées en Bourse. Les socié­tés peuvent revê­tir les formes clas­siques pré­vues par la régle­men­ta­tion sur les inves­tis­se­ments étran­gers en Chine, à savoir entre­prises à capi­taux mixtes, entre­prises de coopé­ra­tion sino-étran­gère avec ou sans per­son­na­li­té morale, et entre­prises à capi­taux exclu­si­ve­ment étrangers.

Il convient de noter que les inves­tis­seurs au sein d’une entre­prise de coopé­ra­tion sino-étran­gère sans per­son­na­li­té morale peuvent pré­voir, dans leur contrat de coopé­ra­tion, qu’un inves­tis­seur au moins agi­ra comme com­man­di­té et que les autres inves­tis­seurs pour­ront n’être tenus que sur leurs apports. De sur­croît, la socié­té de pla­ce­ments à risque à par­ti­ci­pa­tion étran­gère peut libre­ment inves­tir la tota­li­té de ses actifs au sein d’autres sociétés.

Le régime des socié­tés de pla­ce­ments à risque à capi­taux étran­gers mis en place est cepen­dant extrê­me­ment strict, ce qui en fait un véhi­cule peu adap­té et utilisé.

Le Règle­ment pré­voit trois voies pour la sor­tie des placements :

1) trans­fert des parts à un tiers,
2) rachat des parts par la socié­té investie,
3) intro­duc­tion en Bourse.

En toute hypo­thèse, un inves­tis­seur ne peut se reti­rer avant que l’ap­port sous­crit par celui-ci ne soit com­plè­te­ment libéré.

S’a­gis­sant d’une socié­té à par­ti­ci­pa­tion étran­gère, les appro­ba­tions par les auto­ri­tés com­pé­tentes demeurent strictes tant en ce qui concerne l’é­tape de créa­tion qu’au niveau de la sor­tie. De plus, rela­ti­ve­ment à la ges­tion et à la dis­tri­bu­tion des béné­fices, dès lors que le droit chi­nois n’en­vi­sage pas l’exis­tence d’une assem­blée des action­naires aux entre­prises à par­ti­ci­pa­tion étran­gère, le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion ou le comi­té de par­te­na­riat est inves­ti par la loi de l’au­to­ri­té suprême.

Il est pro­bable que les règles actuelles seront modi­fiées pro­chai­ne­ment. On note­ra que le pro­jet de mesures sur l’ad­mi­nis­tra­tion des socié­tés d’in­ves­tis­se­ments à risque pré­voit des actions pri­vi­lé­giées ordi­naires et conver­tibles et la pos­si­bi­li­té de confier à un tiers la ges­tion de la socié­té de pla­ce­ments à risque. De plus, les auto­ri­tés ont expri­mé leur inten­tion de modi­fier le Règle­ment. Ain­si, l’a­bais­se­ment du seuil d’ac­ces­si­bi­li­té aux inves­tis­seurs étran­gers, outre d’é­ven­tuelles pré­fé­rences fis­cales, serait envi­sa­gé. La modi­fi­ca­tion de la loi sur les socié­tés est éga­le­ment à l’étude.

En tout état de cause, les acti­vi­tés des socié­tés de pla­ce­ments à risque à par­ti­ci­pa­tion étran­gère ne se limitent qu’aux prises de par­ti­ci­pa­tion directes et ne s’é­tendent pas à des opé­ra­tions sur les fonds de placements.

Sociétés de gestion de fonds de capital-risque

Cette méthode pour­rait être une voie ouverte aux inves­tis­seurs étran­gers, si le pro­jet de loi sur les fonds d’in­ves­tis­se­ment en valeurs mobi­lières était adop­té (ce pro­jet est actuel­le­ment sou­mis au comi­té per­ma­nent de l’As­sem­blée natio­nale popu­laire pour exa­men). La loi en exa­men pour­rait ins­ti­tuer un com­par­ti­ment bour­sier de capi­tal-risque. Le pre­mier fonds d’in­ves­tis­se­ment de capi­tal-risque a été éta­bli en 1989, à Shenz­hen, dans le sud de la Chine. Depuis le 1er juillet 2002, les inves­tis­seurs étran­gers peuvent béné­fi­cier d’un moyen paral­lèle ins­ti­tué par le Règle­ment sur la créa­tion des socié­tés gérant des fonds à par­ti­ci­pa­tion étran­gère, pro­mul­gué par la Com­mis­sion chi­noise des opé­ra­tions boursières.

Selon ce Règle­ment, un inves­tis­seur étran­ger peut être action­naire à hau­teur de 33 % d’une socié­té gérant des fonds (ou 49 % en 2005), à condi­tion que cet inves­tis­seur soit une ins­ti­tu­tion finan­cière et pos­sède un capi­tal mini­mum en devises étran­gères équi­va­lant à 300 mil­lions de yuan. Cepen­dant, la socié­té à par­ti­ci­pa­tion étran­gère ne pour­ra gérer que des fonds de pla­ce­ments en valeurs mobi­lières et, à ce jour, il n’existe pas de base juri­dique pour étendre la ges­tion aux fonds de pla­ce­ments à risque.

En paral­lèle, les res­tric­tions por­tant sur la loi sur les assu­rances sont un autre fac­teur majeur entra­vant le déve­lop­pe­ment du mar­ché des fonds à risque. À l’heure actuelle, plu­sieurs demandes de créa­tion de socié­té en joint ven­ture ont été sou­mises par des socié­tés de ges­tion de fonds amé­ri­caines et euro­péennes. Cepen­dant, aucune licence n’a été déli­vrée à ce jour par les auto­ri­tés chinoises.

Les dif­fé­rentes pos­si­bi­li­tés exa­mi­nées ci-des­sus pré­sentent de lourdes contraintes pour les inves­tis­seurs étran­gers. Dans l’at­tente de l’a­mé­lio­ra­tion du cadre géné­ral de la légis­la­tion chi­noise en la matière, de nom­breux inves­tis­seurs cherchent une autre voie, en recou­rant notam­ment à des socié­tés off­shore (socié­tés hol­ding), uti­li­sées comme inter­face entre le capi­tal-risque étran­ger et les véhi­cules d’in­ves­tis­se­ment locaux. L’op­tion d’une socié­té hol­ding basée à Hong-Kong est sou­vent adop­tée, compte tenu de la proxi­mi­té géo­gra­phique et cultu­relle de Hong-Kong avec la Chine conti­nen­tale, et sur­tout de la flexi­bi­li­té et de la sou­plesse offertes par la légis­la­tion hong­kon­gaise quant au droit des sociétés.

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