Comment sont formés les ingénieurs aux États-Unis

Dossier : Formations scientifiques : regards sur l’internationalMagazine N°666 Juin/Juillet 2011
Par Jean-Louis ARMAND (64)

REPÈRES

REPÈRES
Aux États-Unis, la for­ma­tion des ingé­nieurs est confiée aux dépar­te­ments de sciences de l’in­gé­nieur des uni­ver­si­tés. Elle s’ef­fec­tue en étroite liai­son avec la pro­fes­sion et par­ti­cu­liè­re­ment les asso­cia­tions pro­fes­sion­nelles d’in­gé­nieurs, qui veillent à l’é­qui­libre et à l’ho­mo­gé­néi­té du conte­nu des ensei­gne­ments. Le diplôme de Bache­lor of Science, pré­pa­rant à exer­cer le métier d’in­gé­nieur, s’ob­tient en quatre ans, le titre de Pro­fes­sio­nal Engi­neer (PE) auto­ri­sant à exer­cer n’é­tant décer­né qu’à l’is­sue d’un exa­men spé­cial admi­nis­tré par la profession.
La plu­part des étu­diants amé­ri­cains choi­sissent alors de ren­trer dans la vie active. Seule une petite par­tie conti­nue­ra des études en mas­ter (un ou deux ans) et éven­tuel­le­ment en doc­to­rat (trois ans), for­ma­tions dans les­quelles les étu­diants étran­gers se retrouvent en très large majorité.

La for­ma­tion des ingé­nieurs aux États-Unis a été cal­quée au départ sur le modèle français

La for­ma­tion des ingé­nieurs aux États- Unis a été cal­quée au départ sur le modèle fran­çais, et per­mis l’é­mer­gence des sciences de l’in­gé­nieur comme dis­ci­pline scien­ti­fique à part entière. L’ap­pren­tis­sage et la maî­trise des tech­niques, qui ont long­temps repo­sé sur des bases pure­ment empi­riques, se sont peu à peu trans­for­més pour tirer leurs orien­ta­tions et leurs valeurs de la science.

L’ap­pa­ri­tion en France à la fin du XVIIIe siècle d’é­coles spé­ci­fi­que­ment dédiées à la for­ma­tion des ingé­nieurs, cal­quant l’en­sei­gne­ment des tech­niques sur celui des sciences, devait exer­cer sur les États-Unis une influence considérable.

Initiative fédérale

L’X comme modèle
La pre­mière for­ma­tion for­melle d’in­gé­nieurs aux États-Unis remonte à 1818, date de la réor­ga­ni­sa­tion de l’A­ca­dé­mie mili­taire de West Point sur le modèle de l’É­cole poly­tech­nique. On sait peu que le Mas­sa­chu­setts Ins­ti­tute of Tech­no­lo­gy, qui a vu le jour en 1861, résulte d’un pro­jet d’É­cole poly­tech­nique pré­sen­té dès 1846 par son fon­da­teur Bar­ton Rogers.
L’u­ni­ver­si­té Rens­se­laer, réor­ga­ni­sée en École poly­tech­nique en 1847, fut la pre­mière uni­ver­si­té à créer des dépar­te­ments spé­ci­fiques orga­ni­sés autour des diverses dis­ci­plines de l’in­gé­nieur, encou­ra­geant ain­si la spé­cia­li­sa­tion néces­saire à leur développement

La place de l’en­sei­gne­ment des tech­niques (la tech­no­lo­gie) dans le sys­tème d’en­sei­gne­ment supé­rieur amé­ri­cain sera confor­tée par le Mor­rill Act de 1862, signé par le pré­sident Lin­coln en pleine guerre civile, dans le but d’en­cou­ra­ger » une édu­ca­tion libé­rale et pra­tique des classes indus­trielles adap­tée aux diverses pro­fes­sions ». Le gou­ver­ne­ment fédé­ral met­tait ain­si à la dis­po­si­tion de chaque État de l’U­nion des terres dont les reve­nus de la vente ou de la loca­tion per­met­traient la consti­tu­tion d’au moins une uni­ver­si­té par État « essen­tiel­le­ment consa­crée, sans tou­te­fois exclure les autres matières scien­ti­fiques ou clas­siques, à l’en­sei­gne­ment des arts agri­coles et mécaniques ».

La for­ma­tion des ingé­nieurs est homo­gène et équi­li­brée, asso­ciant théo­rie et pratique

C’é­tait intro­duire les pré­oc­cu­pa­tions pra­tiques au cœur même de l’u­ni­ver­si­té, ce qui est plus que jamais le cas aujourd’­hui. L’en­semble des uni­ver­si­tés d’É­tat en a été affec­té : si toutes n’ont pas conser­vé jus­qu’à aujourd’­hui de réfé­rence expli­cite à l’a­gri­cul­ture et à la méca­nique (comme Texas A&M), il n’en reste pas moins vrai que les dépar­te­ments de sciences de l’in­gé­nieur mis en place dès l’o­ri­gine, tels le génie méca­nique et le génie civil, ou créés depuis au fur et à mesure de l’é­vo­lu­tion des tech­niques, ont eu ain­si les moyens de se déve­lop­per et de tenir une place de pre­mier plan en leur sein, qu’ils ont conser­vée et for­ti­fiée depuis.

Modèle allemand

Repli fran­çais
Au milieu du XIXe siècle, l’U­ni­ver­si­té fran­çaise, can­ton­née dans les études clas­siques et les sciences dites exactes, n’a­vait pas de pré­ten­tion à concur­ren­cer les grandes écoles, aux­quelles elle aban­don­nait les sciences de l’ingénieur.
Nos écoles pour leur part, une fois le souffle fon­da­teur ini­tial dis­si­pé, ont eu à la même époque ten­dance à se refer­mer sur elles-mêmes, se conten­tant de per­pé­tuer une tra­di­tion qui eut son heure de gloire sans cher­cher réel­le­ment à ques­tion­ner un modèle qui avait fait ses preuves.

C’est le modèle alle­mand des pres­ti­gieuses uni­ver­si­tés de recherche qui a ain­si été adop­té aux États-Unis dès le milieu du XIXe siècle. C’est désor­mais en Alle­magne plu­tôt qu’en Angle­terre ou en France comme c’é­tait le cas jus­qu’a­lors que les plus pro­met­teurs des étu­diants amé­ri­cains vont aller par­faire leurs études, une pra­tique qui ne s’é­tein­dra qu’à la veille de la Pre­mière Guerre mon­diale. Ils allaient impor­ter à leur retour un modèle de rigueur théo­rique et expé­ri­men­tale appli­qué à la pra­tique de l’art de l’ingénieur.

Fortes de leurs moyens et des condi­tions de tra­vail qu’elles ont été depuis sus­cep­tibles d’of­frir, les uni­ver­si­tés amé­ri­caines ont très lar­ge­ment pro­fi­té à par­tir de la pre­mière moi­tié du XXe siècle de l’im­mi­gra­tion, et ont su atti­rer et rete­nir cer­tains des meilleurs scien­ti­fiques et ingé­nieurs for­més en Europe. Ayant béné­fi­cié dans leurs pays d’o­ri­gine d’une excel­lente for­ma­tion théo­rique, ces ingé­nieurs ont fait par­ta­ger leur sou­ci d’a­bor­der les pro­blèmes pra­tiques au moyen de méthodes scien­ti­fiques inédites. En contri­buant à éle­ver les sciences de l’in­gé­nieur au rang de sciences à part entière, les dépar­te­ments d’in­gé­nie­rie des uni­ver­si­tés amé­ri­caines ont pu béné­fi­cier de sou­tiens gou­ver­ne­men­taux jusque-là accor­dés aux seules sciences fondamentales.

Deux niveaux

Norme
Le modèle de for­ma­tion d’in­gé­nieurs qui s’est déve­lop­pé outre-Atlan­tique est aujourd’­hui la norme, non seule­ment dans les uni­ver­si­tés nord-amé­ri­caines, mais aus­si d’Eu­rope du Nord, du Com­mon­wealth et de l’en­semble de l’A­sie, avec les résul­tats que l’on connaît.

La for­ma­tion des ingé­nieurs est homo­gène et équi­li­brée, asso­ciant théo­rie et pra­tique. Elle est dis­pen­sée au sein des col­lèges uni­ver­si­taires (éta­blis­se­ments, pour la plu­part pri­vés, déli­vrant uni­que­ment le diplôme de Bache­lor) et des uni­ver­si­tés, dans le cadre de dépar­te­ments spé­ci­fiques rat­ta­chés à une facul­té d’in­gé­nie­rie (school of engi­nee­ring).

Elle se fait à deux niveaux : sous-gra­dué (under­gra­duate) condui­sant au diplôme de Bache­lor of Science (BS) au bout de quatre ans ; et gra­dué (gra­duate) condui­sant aux diplômes de Mas­ter (un ou deux ans) et PhD (trois ans après le Master).

Tra­vail personnel
Le cur­sus condui­sant au Bache­lor requiert 180 uni­tés cor­res­pon­dant à 1800 heures de cours sur une durée de quatre ans. Ce nombre peut nous paraître faible : c’est oublier l’im­por­tance atta­chée au tra­vail per­son­nel dans les uni­ver­si­tés amé­ri­caines, qui vient en com­plé­ment obli­gé des cours : entre assi­mi­la­tion, tra­vail à la mai­son et pro­jets, il est conve­nu qu’une heure de cours néces­site trois heures de tra­vail per­son­nel. Les contrôles, fré­quents et sévères, sont là pour le vérifier.

Théorie et pratique

La for­ma­tion au Bache­lor a pen­dant long­temps fait appel à des cours d’ordre essen­tiel­le­ment pra­tique, avec des notions de mathé­ma­tiques réduites à l’es­sen­tiel et un accent par­ti­cu­lier sur l’ap­pren­tis­sage du pro­ces­sus de concep­tion (desi­gn) fai­sant lar­ge­ment appel aux codes et autres méthodes traditionnelles.

Le mas­ter se fait en une année, par­fois deux, sous forme de cours spécialisés

Les déve­lop­pe­ments des tech­niques, en par­ti­cu­lier ceux appa­rus pen­dant la Seconde Guerre mon­diale, ont mon­tré les limites d’une telle approche. Le finan­ce­ment de la recherche scien­ti­fique dans les uni­ver­si­tés par l’É­tat fédé­ral a éga­le­ment encou­ra­gé ces der­nières à ren­for­cer leurs dépar­te­ments d’in­gé­nie­rie par un corps ensei­gnant mieux for­mé à la théo­rie. L’ac­cent mis sur la pra­tique s’est peu à peu accom­pa­gné du déve­lop­pe­ment d’une approche plus scientifique.

La pre­mière année est ain­si uni­que­ment consa­crée à des cours de mathé­ma­tiques et de sciences, ain­si qu’à des huma­ni­tés et sciences sociales. Des cours géné­raux de sciences de l’in­gé­nieur sont intro­duits en seconde année. Les cours spé­ci­fiques à la dis­ci­pline (génie élec­trique, génie méca­nique, génie civil, infor­ma­tique, génie chi­mique, génie indus­triel…) sont intro­duits en troi­sième année à côté de cours plus géné­raux. La qua­trième année voit l’in­tro­duc­tion de cours de spé­cia­li­té et d’ap­pren­tis­sage au pro­ces­sus de conception.

Diplôme d’ingénieur

Les études d’in­gé­nieur en quatre ans sont recon­nues par le diplôme de Bache­lor of Science (BS), qui ne donne pas droit au titre d’in­gé­nieur. Celui-ci s’ob­tient à l’is­sue d’un exa­men spé­ci­fique (Pro­fes­sio­nal Engi­neer, PE). La plu­part des étu­diants amé­ri­cains s’ar­rê­te­ront à ce stade de leurs études pour entrer direc­te­ment dans la vie active. Seule une mino­ri­té d’entre eux conti­nue­ra en mas­ter, éven­tuel­le­ment en doctorat.

Passerelles

La nature géné­rale des cours des deux pre­mières années per­met à des étu­diants ayant sui­vi des cours équi­va­lents dans d’autres dépar­te­ments ou éta­blis­se­ments d’en­tre­prendre des études d’in­gé­nieur à par­tir de la troi­sième année. Cela est en par­ti­cu­lier le cas des meilleurs étu­diants des col­lèges com­mu­nau­taires (éta­blis­se­ments publics dis­pen­sant une for­ma­tion en deux ans, gra­tuits et ouverts à tous) qui peuvent ain­si être admis en troi­sième année dans les plus pres­ti­gieuses uni­ver­si­tés publiques, un modèle exem­plaire d’as­cen­seur social. Plus du tiers des étu­diants rece­vant leur Bache­lor de la facul­té d’in­gé­nie­rie de l’u­ni­ver­si­té de Cali­for­nie à Ber­ke­ley sont ain­si issus de cette filière.

Étu­diants étrangers
Au contraire des étu­diants en mas­ter et sur­tout PhD, peu d’é­tu­diants étran­gers sont ins­crits dans des cur­sus condui­sant au diplôme de Bache­lor. C’est l’op­po­sé pour le mas­ter et sur­tout le doc­to­rat, cur­sus dans les­quels les étu­diants étran­gers (prin­ci­pa­le­ment asia­tiques) sont en écra­sante majorité.
Tra­vail rémunéré
Au contraire de la France, les stages en entre­prise ne font pas par­tie du cur­ri­cu­lum. Par contre, les étu­diants, même sous-gra­dués, ont l’op­por­tu­ni­té d’ef­fec­tuer un tra­vail de recherche hors cur­ri­cu­lum, sou­vent rému­né­ré, enca­dré par un pro­fes­seur. Une telle pra­tique est ren­due pos­sible par la liber­té lais­sée aux ensei­gnants dans l’u­ti­li­sa­tion des fonds des contrats de recherche dont ils sont bénéficiaires

Master et PhD

Un doc­to­rat très sélectif
Les études de doc­to­rat sont subor­don­nées à la réus­site d’un exa­men extrê­me­ment rigou­reux, écrit et oral, por­tant sur les dis­ci­plines de base, avec une impor­tance par­ti­cu­lière don­née aux mathé­ma­tiques, ana­logue à l’exa­men d’en­trée à nos grandes écoles. Deux ten­ta­tives seule­ment sont per­mises. L’é­tu­diant éli­mi­né sera dans l’im­pos­si­bi­li­té de s’ins­crire en doc­to­rat dans son uni­ver­si­té, et, son dos­sier le sui­vant, géné­ra­le­ment dans une autre uni­ver­si­té offrant le doc­to­rat en sciences de l’in­gé­nieur (une centaine).

Si le modèle de la for­ma­tion en quatre ans sui­vant un conte­nu spé­ci­fié et contrô­lé par la pro­fes­sion est la norme, le mas­ter offre la pos­si­bi­li­té d’ac­qué­rir une spé­cia­li­sa­tion ou de pour­suivre en doc­to­rat, ce der­nier pré­pa­rant avant tout à des car­rières d’en­sei­gne­ment et de recherche. Le mas­ter se fait en une année, par­fois deux, sous forme de cours spé­cia­li­sés (cours » gra­dués ») fai­sant une large part à la théo­rie, les étu­diants étant encou­ra­gés à suivre les cours d’autres dépar­te­ments. Une voie recherche est intro­duite dans cer­taines uni­ver­si­tés, les acti­vi­tés de recherche don­nant lieu à l’at­tri­bu­tion d’u­ni­tés de valeur (cré­dits).

Le PhD se fait en trois ans. Les recherches en sciences de l’in­gé­nieur, orien­tées sur la réso­lu­tion d’un pro­blème pra­tique, ne le cèdent en rien sur le plan de la théo­rie à celles menées dans les dis­ci­plines scien­ti­fiques traditionnelles.

L’é­tu­diant en doc­to­rat suit une année de cours, et reçoit éga­le­ment des » cré­dits » pour acti­vi­tés liées à la recherche. La sou­te­nance ne fait en géné­ral pas appel à un expo­sé du can­di­dat, consi­dé­ré être à cet ins­tant le meilleur spé­cia­liste dans son domaine de recherche (sa thèse, éla­bo­rée en étroite concer­ta­tion avec son direc­teur de thèse, aura aupa­ra­vant été lue et relue), mais à une inter­ro­ga­tion orale des membres du jury por­tant sur les connais­sances géné­rales du can­di­dat, qui peut réser­ver des surprises.

Études abor­dables
Contrai­re­ment à une idée reçue, les études dans les éta­blis­se­ments publics res­tent pour les étu­diants amé­ri­cains très abor­dables, et les col­lèges com­mu­nau­taires, gra­tuits et ouverts à tous, offrent la pos­si­bi­li­té à leurs meilleurs élé­ments de pour­suivre leurs études dans les uni­ver­si­tés publiques. Cer­tains étu­diants de mas­ter et la plu­part des étu­diants de doc­to­rat, en majo­ri­té étran­gers, béné­fi­cient de bourses d’en­sei­gne­ment (tea­ching assis­tant­ship) ou de recherche (research assis­tant­ship) qui les dis­pensent éga­le­ment de frais d’études.

Associations professionnelles

Les asso­cia­tions pro­fes­sion­nelles d’in­gé­nieurs jouent un rôle clé dans l’en­ca­dre­ment de la for­ma­tion en quatre ans. Les for­ma­tions d’in­gé­nieurs sont depuis 1936 accré­di­tées par l’A­BET (Accre­di­ta­tion Board for Engi­nee­ring and Tech­no­lo­gy), un orga­nisme à but non lucra­tif qui cer­ti­fie la qua­li­té des pro­grammes sous­gra­dués en quatre ans condui­sant au Bachelor.

Il est excep­tion­nel qu’un éta­blis­se­ment fasse le choix de se dis­pen­ser de l’accréditation

L’ABET est une éma­na­tion des prin­ci­pales asso­cia­tions pro­fes­sion­nelles d’in­gé­nieurs, telles que la Socié­té amé­ri­caine des ingé­nieurs du génie civil (ASCE) ou l’Ins­ti­tut des ingé­nieurs en élec­tri­ci­té et élec­tro­nique (IEEE). L’ABET veille par­ti­cu­liè­re­ment à main­te­nir la place dans les pro­grammes de la part consa­crée à l’en­sei­gne­ment des tech­niques pro­pre­ment dit, en assu­rant ain­si une remar­quable cohé­rence de l’en­semble des formations.

L’ac­cré­di­ta­tion par l’A­BET n’est pas obli­ga­toire : il est tou­te­fois extrê­me­ment rare qu’un éta­blis­se­ment fasse le choix de se dis­pen­ser de l’ac­cré­di­ta­tion. Seuls les diplô­més d’un pro­gramme accré­di­té par l’A­BET peuvent, par exemple, se pré­sen­ter à l’exa­men spé­ci­fique (Pro­fes­sio­nal Engi­neer, PE) don­nant droit au titre d’in­gé­nieur. Une accré­di­ta­tion reti­rée après une période d’ob­ser­va­tion peut avoir des consé­quences catas­tro­phiques pour le dépar­te­ment et même l’é­ta­blis­se­ment concerné.

Accré­di­ta­tion
L’ABET donne son accré­di­ta­tion pour une durée maxi­male de six ans à l’is­sue d’une pro­cé­dure d’é­va­lua­tion rigou­reuse effec­tuée par une délé­ga­tion com­po­sée de repré­sen­tants de l’in­dus­trie, du gou­ver­ne­ment et du monde aca­dé­mique. Ce sont ain­si un peu plus de 2400 pro­grammes de Bache­lor qui sont accré­di­tés dans plus de 600 institutions.
ABET et CTI
L’ABET dif­fère sur de nom­breux points de son équi­valent fran­çais la Com­mis­sion des titres d’in­gé­nieur (CTI), par­ti­cu­liè­re­ment par l’in­fluence et les moyens dont il dis­pose en étant ados­sé aux asso­cia­tions pro­fes­sion­nelles d’in­gé­nieurs, par­ti­cu­liè­re­ment actives aux États- Unis. Leurs membres pro­viennent du monde indus­triel comme de celui de l’en­sei­gne­ment supé­rieur et de la recherche. Notons que les asso­cia­tions pro­fes­sion­nelles d’in­gé­nieurs ont joué en France un rôle impor­tant jus­qu’au début du XXe siècle mais qu’elles ont depuis beau­coup per­du de leur influence.

Liens avec l’industrie

En règle géné­rale, la for­ma­tion des ingé­nieurs fait appel aux États-Unis à des ensei­gnants qui, s’ils ne sont pas tou­jours eux-mêmes des pra­ti­ciens, sont en étroit contact avec la pro­fes­sion et dont la recherche, sou­vent finan­cée par l’in­dus­trie, est moti­vée par les applications.

Aca­dé­mies
La France ne dis­pose pas d’une Aca­dé­mie des sciences de l’in­gé­nieur sur le modèle de la Natio­nal Aca­de­my of Engi­nee­ring qui réunit les ingé­nieurs, cher­cheurs et ensei­gnants les plus influents dans leur pro­fes­sion et joue ain­si un rôle consi­dé­rable dans la défi­ni­tion et le choix des orien­ta­tions de la for­ma­tion des ingé­nieurs. L’A­ca­dé­mie des tech­no­lo­gies, issue du Comi­té pour les appli­ca­tions de l’A­ca­dé­mie des sciences (CADAS), n’est pas réser­vée aux seuls ingé­nieurs et s’est fixé une mis­sion plus générale.

L’ABET veille à ce que les ingé­nieurs for­més par les pro­grammes qu’il accré­dite dis­posent des bases mini­males néces­saires à l’en­trée dans le mar­ché du tra­vail ou à la pour­suite d’é­tudes ulté­rieures. L’ABET spé­ci­fie ain­si des conte­nus a mini­ma adap­tés à chaque dis­ci­pline. Par exemple, il est exi­gé pour le Bache­lor au moins une année d’é­tudes (envi­ron 450 heures de cours) en sciences mathé­ma­tiques, phy­siques ou natu­relles ain­si que des cours de culture générale.

L’ABET a, par exemple, ren­du obli­ga­toires dans cer­tains pro­grammes des cours d’é­thique de l’in­gé­nieur des­ti­nés à sen­si­bi­li­ser les étu­diants aux res­pon­sa­bi­li­tés qui seront les leurs vis-à-vis de la socié­té. L’ABET exige éga­le­ment la réa­li­sa­tion d’un pro­jet ou des cours de concep­tion (desi­gn).

Nouveaux critères

Les uni­ver­si­tés publiques amé­ri­caines se sont, dès l’o­ri­gine, struc­tu­rées autour des sciences de l’ingénieur

Une évo­lu­tion s’est tou­te­fois pro­duite à la fin des années 1990 suite à une remise en cause par la com­mu­nau­té des ingé­nieurs de la per­ti­nence des cri­tères d’ac­cré­di­ta­tion et de leur carac­tère per­çu comme trop rigide. Les ingé­nieurs sont en effet confron­tés à des tâches de plus en plus com­plexes. Le conte­nu de leur tra­vail (les pro­blèmes aux­quels ils sont confron­tés comme les connais­sances dont ils ont besoin) change constam­ment, comme les rela­tions qu’ils ont avec leur envi­ron­ne­ment. De nou­veaux cri­tères (Engi­nee­ring Cri­te­ria 2000) ont été adop­tés, pri­vi­lé­giant les connais­sances effec­tives des étu­diants à l’is­sue de leurs études par rap­port au conte­nu des ensei­gne­ments et per­met­tant l’in­tro­duc­tion conti­nuelle d’a­mé­lio­ra­tions et d’in­no­va­tions dans les programmes.

Leçons pour la France

Contrai­re­ment aux nôtres, les uni­ver­si­tés publiques amé­ri­caines se sont, dès l’o­ri­gine, struc­tu­rées autour des sciences de l’in­gé­nieur, intro­duites ensuite à leur tour dans les uni­ver­si­tés pri­vées de tra­di­tion euro­péenne comme Har­vard ou Johns Hop­kins, jusque-là uni­que­ment tour­nées vers les arts libé­raux. Il est temps que l’en­semble de l’u­ni­ver­si­té fran­çaise recon­naisse enfin les sciences de l’in­gé­nieur par la créa­tion de dépar­te­ments spé­ci­fiques, comme ont su le faire les INSA et les uni­ver­si­tés de technologie.

L’É­cole poly­tech­nique est unique en ce qu’elle conti­nue à dis­pen­ser de fait une for­ma­tion en quatre ans, choi­sie comme modèle ini­tial des for­ma­tions amé­ri­caines. Il lui appar­tient par contre de déve­lop­per, comme elle a com­men­cé à le faire, les mas­ters et doc­to­rats au sein de véri­tables dépar­te­ments de sciences de l’in­gé­nieur qui n’existent pas aujourd’­hui, irri­guant l’en­sei­gne­ment et la recherche et lui don­nant auto­ri­té à déli­vrer seule de tels diplômes.

L’u­ni­ver­si­té Stanford.

L’au­teur

Jean-Louis Armand (64), MS et PhD en aéro­nau­tique et astro­nau­tique de l’u­ni­ver­si­té Stan­ford, est pro­fes­seur à l’u­ni­ver­si­té de la Médi­ter­ra­née. Il a ensei­gné à l’É­cole poly­tech­nique, à l’u­ni­ver­si­té de Cali­for­nie (Ber­ke­ley et San­ta Bar­ba­ra) et a été pré­sident du Dépar­te­ment de génie méca­nique et envi­ron­ne­men­tal de cette der­nière. Il a été pré­sident de l’Ins­ti­tut médi­ter­ra­néen de tech­no­lo­gie (aujourd’­hui École cen­trale de Mar­seille) et de l’A­sian Ins­ti­tute of Tech­no­lo­gy (AIT).

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asa­marépondre
5 avril 2018 à 8 h 32 min

bien
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