Comment stocker les déchets les plus radioactifs
Le Parlement a inscrit, avec la loi de 1991, la politique française dans une perspective de recherche de solutions pérennes et sûres pour les déchets radioactifs, avec l’objectif de ne pas léguer aux générations futures la charge des déchets produits par les activités dont nous bénéficions au quotidien.
REPÈRES
Des déchets radioactifs sont produits chaque année sur notre territoire, principalement par la production d’énergie nucléaire mais aussi par la Défense nationale, l’industrie, le secteur de la santé ou la recherche. La majorité d’entre eux bénéficie de solutions déjà opérationnelles : 90 % du volume total des déchets radioactifs produits chaque année en France sont aujourd’hui stockés dans les centres de l’Andra. Le projet de Centre industriel de stockage géologique, Cigéo, est conçu pour mettre en sécurité définitive les déchets français les plus radioactifs. Il est entré dans sa phase de conception industrielle. Un débat sur le projet est organisé par la Commission nationale du débat public du 15 mai au 15 octobre 2013. Il porte notamment sur le choix du stockage profond, l’implantation en Meuse et en Haute-Marne, la maîtrise des risques. Il permettra de préparer la future loi qui fixera les conditions de réversibilité du stockage.
Un stockage pour protéger sur le très long terme
Certains déchets resteront dangereux plus de 100 000 ans
Les déchets les plus radioactifs et à vie longue (certains resteront dangereux plus de 100 000 ans) ne peuvent pas être stockés en surface ou à faible profondeur, car on ne peut garantir que l’on saura maintenir des protections adaptées sur de telles échelles de temps.
Ces déchets représentent environ 3% du volume des déchets radioactifs existants, et concentrent plus de 99 % de la radioactivité totale. Ils sont principalement issus du traitement des combustibles usés des réacteurs nucléaires. Dans l’attente de leur stockage, ils sont entreposés à sec dans des bâtiments sur les sites de La Hague, Marcoule et Cadarache.
Schéma de principe de Cigéo après cent ans d’exploitation. © ANDRA
Un choix issu de plus de vingt ans de recherche et partagé à l’international
Après quinze années de recherche sur la séparation-transmutation, le stockage profond et l’entreposage de longue durée, leur évaluation et un débat public sur la politique de gestion des déchets les plus radioactifs, le Parlement a retenu en 2006 la mise en œuvre d’un stockage profond, comme seule solution capable d’assurer la sûreté à long terme des déchets radioactifs tout en limitant les charges pesant sur les générations futures.
Contrôle d’un colis de déchets de haute activité. © ANDRA
Les résultats des recherches menées par le CEA ont en effet montré que la séparation-transmutation ne serait applicable qu’à certains radionucléides contenus dans les déchets (actinides) et que les réacteurs nucléaires de 4e génération, dans lesquels pourrait être mise en œuvre une telle technique, produiraient des déchets qui nécessiteraient aussi d’être stockés en profondeur pour des raisons de sûreté. L’entreposage de longue durée (de l’ordre du siècle) ne constitue pas une solution définitive, car il suppose de maintenir un contrôle de la part de la société et la reprise des déchets par les générations futures.
Une construction progressive en fonction des besoins
La France a été confortée dans ce choix par une directive du Conseil de l’Union européenne en 2011, qui rappelle que le stockage profond constitue actuellement la solution la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion des déchets de haute activité. Tous les pays utilisant l’énergie nucléaire font le choix du stockage profond pour une gestion définitive et sûre à long terme de leurs déchets radioactifs. La France fait partie des pays les plus avancés au niveau mondial, avec la Suède et la Finlande où les demandes d’autorisation de création sont en cours d’instruction.
Une exploitation séculaire
S’il est autorisé, le Centre industriel de stockage géologique, Cigéo, sera exploité pendant plus de cent ans et sera construit de manière progressive au fur et à mesure des besoins.
Un projet à insérer dans un territoire rural
Cigéo est un projet industriel structurant pour le territoire, aujourd’hui essentiellement rural. Les emplois directs générés par Cigéo sont estimés entre 1 300 et 2 300 pour la construction des premières installations (2019−2025), puis entre 600 et 1 000 emplois pérennes. Un schéma de développement du territoire, élaboré sous l’égide de l’État, vise à identifier les besoins d’infrastructures, de logements, de formation, etc.
Le centre sera composé de deux installations de surface, implantées en Meuse et en Haute- Marne, et d’une installation souterraine dans la couche d’argile, étudiée par l’Andra au moyen de son laboratoire souterrain.
La profondeur de Cigéo, sa conception et son implantation dans une roche argileuse imperméable et dans un environnement géologique stable mettront les déchets définitivement à l’abri des activités humaines et des événements naturels de surface une fois le stockage refermé.
La coexistence à 500 mètres de profondeur des activités de chantier et des activités nucléaires constitue un enjeu clé de la phase séculaire d’exploitation, notamment du point de vue de la gestion du risque incendie.
Évaluer les coûts
Pour un nouveau réacteur nucléaire sur l’ensemble de sa durée de fonctionnement, le coût du stockage des déchets radioactifs est de l’ordre de 1 % à 2 % du coût total de la production d’électricité. L’évaluation du coût prévisionnel du stockage constitue néanmoins un enjeu important pour déterminer les provisions à mettre en place par EDF, Areva et le CEA, producteurs des déchets.
Schéma de principe d’une alvéole de stockage de colis de haute activité © ANDRA
L’Andra est ainsi chargée d’estimer tous les coûts du stockage sur plus de cent ans. L’évaluation du coût du stockage est ensuite arrêtée et rendue publique par l’État après observations des producteurs et avis de l’Autorité de sécurité nucléaire (ASN).
Un stockage flexible
Cigéo est conçu pour accueillir les déchets produits par les installations nucléaires existantes. Il est flexible afin de pouvoir s’adapter à d’éventuels changements de la politique énergétique.
Compte tenu du volume des déchets déjà existants à stocker (50 % des déchets destinés à Cigéo sont déjà produits), l’impact d’un changement de politique énergétique n’aurait de conséquences sur l’exploitation de Cigéo qu’à l’horizon 2070. L’État demande à l’Andra de vérifier par précaution que les concepts de stockage retenus pour Cigéo restent compatibles avec l’hypothèse du stockage direct de combustibles usés, si ceux-ci étaient un jour considérés comme des déchets.
Un stockage réversible
Pouvoir s’adapter à d’éventuels changements de la politique énergétique
Le Parlement a demandé que le stockage soit réversible pendant au moins cent ans. L’Andra propose des dispositions techniques qui ne compromettent pas la sûreté du stockage et qui sont réalistes sur le plan industriel. Elles permettront de décider des étapes de fermeture du stockage et de retirer des colis si besoin. Le débat concernant la durée d’exploitation des centrales nucléaires montre la nécessité d’intégrer une dimension sociétale à l’analyse technique.
Pour Cigéo, il est proposé de planifier des rendez-vous réguliers après la mise en service, avec l’ensemble des acteurs (évaluateurs, élus, représentants de la société civile, producteurs, etc.). Ces rendez-vous permettront d’examiner le retour d’expérience et les perspectives de fonctionnement du centre, l’évolution des connaissances scientifiques et techniques, et de mettre à jour les conditions de réversibilité.
Funiculaire permettant le transfert des colis de déchets vers l’installation souterraine via la descenderie. © ANDRA
Un processus d’évaluation
La réversibilité sera l’un des thèmes-clés du débat public de 2013, étape préalable au dépôt en 2015 de la demande d’autorisation de création de Cigéo.
Cette demande fera ensuite l’objet d’un processus d’évaluation sur plusieurs années, pendant lequel le projet sera en particulier examiné par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), la Commission nationale d’évaluation mise en place par le Parlement, les collectivités territoriales et le Parlement.
Son autorisation par le gouvernement ne pourra intervenir qu’après le vote d’une nouvelle loi fixant les conditions de réversibilité du stockage envisagée en 2016 et une enquête publique, pour une mise en service à l’horizon 2025.